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Le cosplay, activité-reine de Japan-Expo

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 9 juillet 2007                      Lien  
Cela peut sembler ridicule, ces déguisements de princesse rose-bonbon ou de ninja de l’espace… Le phénomène du cosplay est néanmoins un des signes les plus visibles –et les plus accrocheurs pour les médias- d’une « mangamania » qui ne faiblit pas en France.
Le cosplay, activité-reine de Japan-Expo
Ils ne sont pas racistes au Cosplay de Japan Expo : Même les Bretonnes sont admises !
Ph : D. Pasamonik

La vague des mangas, pour ceux qui n’en ont jamais lu un seul, peut avoir quelque chose d’inquiétant. Comme pour les jeux vidéo, on a longtemps soupçonné les mangas d’être un univers aliénant, stigmatisé l’intrusion d’une culture étrangère qui se ferait au détriment de nos usages et de notre identité culturelle. Si le premier argument ne résiste plus à l’examen (avec 30% des ventes de la BD en France, cela ferait beaucoup d’aliénés) et n’a plus trop de crédibilité, le second touche à un élément fondamental de la réflexion contemporaine sur le destin des cultures dans le contexte de la mondialisation. C’est oublier que toute culture est composite, combien l’Europe a été imprégnée, par exemple, par les mythes et les expressions culturels américains : du Jazz au Rock ‘n Roll, du western au cinéma d’Hollywood, de la musique pop au rap ou le RnB, des tags à l’Internet. Nos rues sont peuplées de restaurants italiens, indiens, africains, chinois et… japonais. Sans compter les McDonald’s et autres KFC. Pourquoi la bande dessinée ne reproduirait pas la même diversité culturelle que celle de la bouffe ?

Jack Sparrow n’a pas honte de squatter une manifestation japonaise...
Photo : D. Pasamonik

Ce qui fait la différence, c’est l‘attractivité de ces pratiques les unes par rapport aux autres. A ce titre, le phénomène du cosplay –vocable forgé par la contraction des mots anglais « costume » et « player » (joueur)- est symbolique de ce qui distingue les mangas de nos BD franco-belges : le lecteur s’approprie littéralement un univers et un personnage jusqu’au processus ultime de l’incarnation. Ceci tranche singulièrement avec la distance qui caractérise les lecteurs de bande dessinée franco-belge. « Mes collègues dessinateurs feraient bien de faire un petit tour à Japan Expo. Cela leur recalerait les idées », nous dit Chris Lamquet, auteur du manga Io Memories (Kana), publié à l’occasion du festival. L’autre aspect, c’est la capacité des cosplayers d’assumer la dérision que leur impose ce jeu et d’en faire par excellence un instrument de socialisation. Nous sommes loin des attitudes compassées des salons du livre classiques comme celui de Paris ou encore celui d’Angoulême. Le dernier aspect enfin, c’est la convergence avec les autres loisirs : le cinéma, et en particulier le cinéma d’animation, les jeux vidéo, le jeu de rôle… Dans les défilés de Cosplay de Japan Expo, Death Note côtoie Star Wars, les groupe de J Pop, des personnages comme ceux de Légendaires (une BD d’héroïc-fantasy de Patrick Sobral chez Delcourt) ou encore… Bécassine.

Des costumes et une mise en scène soignés.
Photo : D. Pasamonik

Les cosplayers sont souvent des pratiquants récents, et cette découverte est souvent contemporaine avec celle des mangas : « Cela faisait trois ans que des amis m’ont parlé de mangas et j’ai commencé à en lire, nous explique un jeune homme en costume issu de l’univers de Resident Evil, un jeu vidéo. J’ai découvert le Cosplay l’année dernière en venant ici. Je me suis dit que c’était marrant et que j’allais essayer à mon tour. » « C’est pour incarner un personnage, pour s’amuser, nous raconte de son côté une jeune femme déguisée en Nana. C’est vraiment un jeu. » Pourquoi ne se déguise-elle pas en Boule & Bill ou en Schtroumpf ? « On pourrait, mais on préfère incarner un personnage qui nous plaît. » C’est-à-dire plus compatible avec les préoccupations de leur âge.

Le principal moteur de ce genre d’activité, c’est le fun. Mais le fun entre copains : « Je suis fan de mangas depuis quelques années et les manwhas, j’ai essayé, nous raconte un garçon déguisé en un personnage de Naruto. Les cosplays, ça rapproche les gens. On est tous un peu dans la même galère. Le costume, ce n’est pas grand-chose, mais pour les armes, on passe de la planche à la taille, à la mise en couleurs. Entre le costume, la finition, et les accessoires, il y en a pour une centaine d’heures de travail ! Je ne fait pas cela pour le concours, en fait. C’est juste pour m’amuser un maximum et voir ce qu’en penserons les gens. »

Autour des podiums, une nuée de photographes
Photo : D. Pasamonik
Le prix du public s’obtient à l’applaudimètre. Il ne se passe pas de spectacle de cosplay sans qu’un concurrent ne fasse la roue.
Photo : D. Pasamonik

Le phénomène touche toutes les classes sociales et tous les âges : « Je suis rentré de l’usine à 19 heures hier soir, nous dit un apprenti de 17 ans venu de Tours. J’ai passé une partie de la nuit à finir mon costume. Puis je suis venu à Villepinte en train. Je n’ai quasi pas dormi. » Aux préparatifs du costume, et le fait de devoir se le coltiner jusqu’à Japan Expo, à Villepinte, à 20 minutes en RER de Paris, s’ajoute la nécessité de trouver du logement à Paris (le plus souvent dans la famille ou chez des copains). Une véritable expédition !

Un cosplayer allemand de 53 ans, Rudolf Arnold, est guest de la manifestation. Il a un immense costume de plumes rouges. Il fait des cosplays un peu partout en Europe. Il adore cela, nous dit-il, et il ajoute, « ma femme aussi ». Dans le civil, il est professeur de mathématique et directeur des études dans un lycée à Ulm. Ses élèves sont-ils au courant ? « Bien sûr, répond-t-il, pourquoi le cacher ? » Quand on lui fait la remarque que ce sont plutôt des moins de 30 ans qui participent à ce genre de concours, il fait observer qu’en Allemagne, ce sont tous les âges qui participent à la fête. Il ajoute que le précédent président de Taïwan était aussi un cosplayer et qu’il n’était pas tout jeune non plus.

Rudolf Arnold dans ses oeuvres.
Photo : D. Pasamonik

Un jury composé de personnalités du monde de l’animation, du cosplay, de journalistes décide des vainqueurs. Le prix du jury est décerné en même temps qu’un prix du public établi à l’applaudimètre. Plus on avance dans les années, plus la place laissée aux cosplays est importante, plus il y a de candidats qui arrivent. Samedi après-midi, il y avait 102 cosplayers qui défilaient incarnant aussi bien une Walkyrie, qu’un personnage de Naruto ou encore un animateur gay-cuir d’une émission de télé japonaise de J-pop. Mais tous les cosplayers ne défilent pas : il y a des électrons libres qui se promènent dans le festival et un espace spécial leur a été aménagé pour qu’ils puissent se changer.

La salle fait 3.000 places assises et 4.000 debout « mais on fait s’asseoir les gens pour que ce soit plus confortable », nous dit un organisateur. Deux écrans géants à droite et à gauche du podium permettent au public de ne pas rater une miette du spectacle. Autour du podium, les photographes professionnels comme amateurs, s’affairent. « Cela a commencé par des petits groupes, nous raconte notre interlocuteur, et petit-à-petit, il y a eu des gens qui ont suivi derrière. » Pour mettre en oeuvre cet évènement, il y a une association de bénévoles, Kawaï Attitude. Un gros boulot d’organisation car il faut les faire passer les candidats dans un ordre précis, mettre au point la bande son de chaque participant et faire en sorte qu’il ne s’éternise pas sur le podium. Une gageure !

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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En médaillon, Rudolf Arnold. Photo : Arnaud Claes.

 
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