En kiosque depuis ce matin, Charlie Hebdo invite Mahomet à jouer le rôle de rédacteur en chef et se rebaptise Charia Hebdo pour l’occasion. L’annonce de cette publication circulait sur le web depuis le début de la semaine, provoquant réactions extrêmes et menaces en tous genres. Des réactions auxquelles les journalistes de l’hebdo satirique sont habitués. Luz le confirme : « Des menaces, on en a tout le temps. Les cons qui disent on veut votre peau, on en a toutes les semaines. Soit on a peur, soit on passe outre et on fait notre journal. »
Cette nuit, vers une ou deux heures du matin, avant même que le numéro de Charlie Hebdo arrive en kiosque, deux individus auraient lancé un cocktail Molotov à travers l’une des vitres de la rédaction du magazine installée depuis un mois au 62 Boulevard Davout dans le 20e arrondissement de Paris. Très rapidement, l’incendie s’est propagé dans les locaux, malgré l’intervention rapide des pompiers. Résultat : tout a été détruit, ou presque. Les ordinateurs, les postes maquette, les bureaux, les documents sont réduits en cendres. Heureusement, d’après Charb, les anciens numéros stockés dans une pièce reculée n’ont pas été touchés. De même, les archives informatiques stockées hors de leurs locaux seraient intactes. À confirmer, selon Charb.
L’avenir de Charlie Hebdo n’est donc pas menacé, d’autant que de nombreux journaux ont proposé d’héberger la rédaction dans leurs bureaux. Bertrand Delanoë, Maire de Paris, a également proposé de mettre des locaux à disposition de Charlie Hebdo.
Vers midi, Claude Guéant, pourtant critiqué régulièrement dans l’hebdomadaire, s’est rendu sur place pour afficher son soutien au magazine et à la liberté de la presse.
Dominique Sopo, président de SOS Racisme arrivé très tôt sur les lieux pour également affirmer son amitié au journal précise : « La démocratie c’est le droit au blasphème. Ceux qui ont commis cet attentat sont des ennemis de la démocratie. C’est un autodafé dont Charlie est victime. »
Les responsables de cet attentat ne sont pas encore identifiés. Pourtant, le piratage du site de Charlie, remplacé par un message intégriste islamiste, prête à penser qu’il s’agit là d’un attentat provoqué par des personnes issues de ce milieu. Charb modère les spéculations sur les auteurs de ce délit : « Ceux qui incendient ne sont pas de vrais musulmans. » Il précise : « Les trois cons qui foutent le feu font le jeu du Front National. Ca va être instrumentalisé. Cette minorité intégriste est plus visible que les modérés qui sont majoritaires. »
Prévenu vers 5 heures du matin, Charb s’est rendu sur les lieux, rapidement suivi par Luz, Riss puis tous les membres du magazine qui avaient une conférence de rédaction prévue ce matin à 10 heures. Affichant des sourires de façade et un calme apparent, la tension et la fatigue de l’équipe était palpable. Charb, les mains tremblantes, ne peut s’empêcher une note d’humour : « Nous, on combat les intégristes avec des dessins, des éditos et du papier... et le papier, ça brûle bien. » Quelques minutes plus tôt, Luz lançait : « Pour une fois qu’un islamiste se sert un cocktail, c’est pour nous l’envoyer dans la gueule. »
Quid de ce numéro 1011 daté du 2 novembre 2011 ? Un couverture sur laquelle Mahomet dessiné par Luz s’exclame : « 100 coups de fouet, si vous n’êtes pas mort de rire. » Et un bandeau rouge sur le titre Charlie Hebdo : « Charia Hebdo : Mahomet Rédacteur en Chef ». Voilà ce qui a provoqué tant d’agitation.
À la lecture du numéro, on découvre les rubriques habituelles du journal et, bien sûr, des articles et de nombreux dessins sur l’intégrisme. Les fanatiques y sont pris pour cible, bien plus que Mahomet en personne. Ce dernier est présent sur chaque page dans des encadrés où il commente l’actualité. L’édito est signé Mohamed Rassoul Allah suivit par une adresse email : leprophete@charliehebdo.fr.
Le contenu de l’édito est évidemment irrévérencieux. Nous ne vous en livrerons pas d’extrait ici, préférant vous laisser le loisir d’aller l’acheter en kiosque si vous voulez soutenir l’hebdo. Et il en a besoin. Obligé de déménager du siège historique de la rue de Turbigo dans le troisième arrondissement de Paris dans la semaine du 27 au 30 septembre dernier pour des raisons financières, Charlie Hebdo avait également été contraint d’augmenter son prix de vente l’an dernier. Charb lançait ce matin vers 10 heures : « Nos amis sont plus nombreux que nos ennemis, mais nos ennemis sont plus efficaces que nos amis. » Une bonne occasion pour vous, lecteurs, de prouver que vous pouvez également être efficaces en achetant l’édition de cette semaine.
Le prochain numéro devrait paraitre mercredi 9 novembre. À l’origine, il devait se moquer spécifiquement des candidats à la présidentielle dans un supplément de huit pages. Mais cet évènement devrait fortement altérer son contenu. Pour ce qui est de la forme, Charlie ne devait pas changer sa ligne éditoriale d’un iota.
À suivre...
(par Dominique Molinaro)
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