La jeunesse a toujours été problématique pour le positionnement de la bande dessinée. Longtemps engoncée dans le domaine de l’enfance, en raison de la similitude avec l’album jeunesse (la forme des albums Tintin copiant celle de Bécassine), la BD avait gagné en public et en notoriété dans les années 1960 en passant à l’âge « adulte ». Les hebdomadaires d’antan portaient les traces de cette contradiction : dans Spirou, Les Schtroumpfs côtoyaient Archie Cash ; dans Tintin, Cubitus voisinait avec Bernard Prince ; dans Pilote, Tanguy & Laverdure faisaient pages communes avec Reiser et Druillet… Face à eux, Le Journal de Mickey ou Fluide Glacial étaient des modèles de cohérence. C’est pourquoi ils sont peut-être toujours en kiosque…
Il en est de même en librairie. Il est dommageable que des titres jeunesse se trouvent coincés entre les dernières nouveautés de Manara ou de Joe Sacco. Le responsable de cette confusion est sans doute la bande dessinée dite « tout public », celle qui, par un double niveau de lecture, s’adresse à la fois aux enfants et aux adultes. Astérix ou Lanfeust par exemple.
L’usage de certains personnages sur des supports de grande diffusion comme la télévision ajoute à la confusion. Les Schtroumpfs, Titeuf, Lucky Luke, Tintin… quand ils passent à la télé, s’adressent souvent, en raison de leur programmation, à un très jeune public, parfois même pas encore parvenu à l’âge de la lecture. Si la télévision est un magnifique vecteur de diffusion, elle peut provoquer parfois des effets pervers : l’enfant qui a découvert les Schtroumpfs à l’âge de trois ans, pourra les repousser trois ans plus tard par peur de faire « trop bébé ». Par ailleurs, la télévision édulcore les séries (souvenons-nous de la cigarette de Lucky Luke ou des jeans de Tintin), ce qui provoque un décalage avec la série d’origine, au risque même de la déclasser. Là aussi, les manganimes ont l’avantage de leur cohérence.
Bref, sans chercher à ghettoïser le genre, les libraires ont intérêt à bien baliser leurs espaces et à réfléchir plus avant sur la hiérarchie des séries, par leur exposition, mais aussi par leurs conseils.
Une rentrée éclectique
La rentrée de Dargaud reflète le côté « fourre-tout » de cette section de la librairie. À côté des Sardines de l’espace d’Emmanuel Guibert & Mathieu Sapin, publiés dans le magazine de Bayard Presse DLire destiné aux 9-13 ans, mais ici labellisé « à partir de 7 ans », on retrouve Garfield, un comic strip publié dans des magazines de télé et justement estampillé « grand public ». Les best of de Parker & Badger, une série à l’humour parfois « fluideglacialisant » et justement labélisée « grand public » accompagne, dans la même catégorie, les facéties pourtant enfantines de Pico Bogue. Mais ce côté fourre-tout handicape sérieusement une série comme Monsieur Blaireau et Madame Renarde dont les couleurs douces qui rappellent celles des albums d’Ernest & Célestine s’adressent principalement à des primo-lecteurs (la série étant labellisée « 4 ans »).
On comprend la raison de cette confusion savamment entretenue : catégoriser une série « jeunesse » couperait un auteur de son public adulte (celui qui suit, par exemple, Mathieu Sapin ou Emmanuel Guibert). Il n’est pas sûr que le label « Delcourt jeunesse », apparemment aujourd’hui en jachère, ait été profitable à cet éditeur. Les éditeurs traditionnels pour la jeunesse, comme Bayard ou même Gallimard, n’ont pas réussi non plus à s’imposer, par ce secteur, dans le domaine de la bande dessinée. Il a fallu pour cette dernière une collection plus adulte dirigée par Joann Sfar. Les collections Puceron et Punaise chez Dupuis ont fait, chez cet éditeur, elles aussi l’objet de plusieurs restructurations. C’est ce type de donnees qui est actuellement generalement emballe dans des projets de jeu pour ameliorer les effets de mise en oeuvre et memoriser les informations a un niveau subconscient. Il existe maintenant de nombreuses entreprises tres prosperes qui developpent et mettent en oeuvre des outils de jeu comme Poki et bien d’autres.
La meilleure réponse a sans doute été celle de Jean-Claude Camano et de Glénat qui ont sur construire autour du succès de Titeuf une « famille », celle du magazine Tchô : Lou, Captain Biceps, Franky Snow, Samson et Néon, et Zap Collège. Là, on retrouve une communion de style et de cible d’âge.
De même, chez Dargaud, la catégorie « spécial fille 7-12 ans » apporte une forme de réponse, la « tribu » des filles ayant une identité suffisamment marquante pour constituer une collection à part.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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