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Le livre numérique : Moins "loisir" que prévu ?

Par Xavier Mouton-Dubosc le 12 septembre 2012                      Lien  
Le cabinet d'étude So!Use s'est penché sur l'usage du livre numérique avec une étude détaillée, certes sur un petit segment de consommateurs, mais les résultats pour la BD sont assez surprenants pour que cela donne à réfléchir...

Le livre numérique : Moins "loisir" que prévu ?Depuis l’annonce de l’iPad, tous les éditeurs de bande-dessinées se sont penchés sérieusement sur l’édition numérique. Des blogs populaires comme ceux de Boulet ou de Lewis Trondheim proposent des pages gratuites. Et bizarrement les livres papier comportant les mêmes planches se vendent très bien. Doit-on y voir un effet freemium, ou l’écran est-il un obstacle pour une partie du lectorat ?

Alors même que la négociation entre les auteurs et les éditeurs fait rage, au risque de l’immobilisme, et tandis que l’État français, faute d’accord, menace de légiférer à ce sujet, le cabinet d’étude So !Use, spécialiste dans l’étude des interfaces et basé à Toulouse, vient de publier les résultats d’une étude analysant le rapport à la lecture des digital-native, la génération surfeuse.

Cette étude compare l’impact de la lecture numérique en fonction des domaines d’usage : romans, information, et… BD. Un rare instantané sur la consommation des lecteurs qui ne semble pas être biaisé par un fabriquant de matériel, un éditeur logiciel ou un distributeur.

Son arrivée est intéressante car, cette semaine, Amazon sort une nouvelle gamme de lecteurs Kindle et Apple annonce une nouvelle gamme d’iPhone.

Avec surprise, nous y apprenons que la lecture numérique concerne plus les activités professionnelles ou éducatives, alors que le bon vieux livre papier est privilégié pour le divertissement.

(c) So !Use

Économiques mais bien souvent monochromes, les liseuses numériques n’ont pratiquement pas percé en France. Alors qu’elles sont populaires dans les pays anglo-saxons, l’e-paper y favorise la conversion des livres et des quotidiens.

Par contre, l’Hexagone est la chasse gardée de l’iPad. La France a toujours été un marché important pour Apple. Vu le format usuel historique de la BD franco-belge, le fameux "48 pages cartonné couleur", on aurait pu croire que la tablette d’Apple se prête parfaitement à la conversion des lecteurs. Que nenni.

Mais cette séparation entre le loisir et l’utilitaire vient-elle peut-être de la durée de vie d’un livre. Un Gaston acheté dans les années 1980 sera toujours transmissible à votre petit neveu, mais qu’en sera-il d’un e-book fraîchement “acquis” dans 10 ans ?... Qui peut encore de lire ses VHS des Schtroumpfs ?

Doit-on alors craindre que la BD va rester enfermée dans le papier ? Non. La lecture sur le support numérique progresse. Mais il va falloir faire des efforts et de nouveaux champs de consommation s’ouvrent à nous comme l’a démontré le site précurseur Coconico World, ouvrant à la lecture des incunables de la BD au public, un fond muséographique qui aurait été condamné à l’oubli.

L’équipe de So !Use conclut plutôt que le prix et les caractéristiques des appareils de lecture font obstacle, ainsi que l’offre axée sur la location à l’unité telle qu’elle est actuellement envisagée par les opérateurs.

Affaire à suivre...

(par Xavier Mouton-Dubosc)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

La lecture numérique, étude so !use

Photos : Didier Pasamonik (L’Agence BD)

 
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13 Messages :
  • Le livre numérique : Moins "loisir" que prévu ?
    12 septembre 2012 10:03, par Thomas Cadene

    Une étude sur 52 personnes dont on tire des conclusions ?
    On ne sait pas d’où elles sortent, ce que sont leurs centres d’intérêts, leur catégorie sociale, leurs habitudes de lectures, leurs niveaux d’études, les moyens qu’ils consacrent à leurs loisirs culturels etc. et on découvre, en plus, qu’il y a des sous-groupes comme "lecteurs de BD" par exemple (combien de personnes de l’échantillons de 52 ? 15 ? 25 ? 34 ? 7 ?)...
    Par ailleurs ils ont 34 ans de moyenne d’age, ok, mais avec quelle répartition ? des jeunes de 20 ans et des quinquagénaires ou des jeunes de 30 ans ? l’air de rien, ça change tout (comment savoir si ce sont vraiment des "digital native" ou si c’est moitié moitié ? d’Autant plus que les 34 ans ne sont pas tout à fait des Digital natives d’après moi mais bon, ça ça se discute).
    Bref, j’ai un peu du mal à voir ce que ce "sondage de la semaine" nous apporte réellement comme enseignement.
    Pour comparaison, Julien Falgas a fait une étude lecteurs sur "Les Autres Gens" qui concernait plus de 200 personnes.
    Le recourt à cette étude qui n’a pas plus de fiabilité qu’un sondage au click en ligne sur un site de presse et qui renseigne d’abord sur ceux qui fréquentent le site en question plutôt que sur quoi que ce soit d’autre n’était pas nécessaire pour se pencher sur la question du numérique en France, des usages, des manquements et des perspectives.

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    • Répondu par Jean-no le 12 septembre 2012 à  11:37 :

      Même avis : So !Use n’est visiblement pas un cabinet d’études, c’est la petite boite de deux étudiants, mais le sondage n’a pas de valeur scientifique : aucune mise en perspective sociologique et même pas de définition du terme "numérique". En plus, les résultats sont passablement illisibles. Seul intérêt : c’est une étude qui n’est pas commandée dans le but précis de vendre un produit ou un usage, comme les ont la plupart des autres.

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      • Répondu par Nicolas le 13 septembre 2012 à  11:23 :

        Bonjour,

        Nous sommes bien conscients que la taille de notre échantillon est faible pour pouvoir généraliser les résultats. C’est pourquoi nous essayons à chaque questionnaire d’avoir de plus en plus de répondants, ce qui n’est pas toujours évident.

        Surtout, mener ces études n’est pas notre activité principale, et si nous ne cherchons pas à atteindre la perfection (un échantillon conséquent, etc.) notre but est différent : poser des questions, ouvrir le débat avec nos lecteurs et avoir un aperçu du comportement des utilisateurs. C’est l’étude de ces comportements qui nous est utile dans notre activité quotidienne d’ergonome.

        Bonne journée à vous

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        • Répondu par Matthieu V le 14 septembre 2012 à  11:30 :

          Puisque vous êtes sur un site de passionnés de bandes dessinées, pourquoi ne pas en profiter pour élargir votre échantillon ?

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    • Répondu par Zébra le 13 septembre 2012 à  13:39 :

      - C’est plus l’association systématique de la BD aux loisirs qui est contestable dans cette étude. Si les projets de reportages-bd façon Joe Sacco ou Ted Rall, via le numérique, voyaient le jour (ce dont je doute), on peut penser qu’ils s’épanouiraient sur les "supports numériques", n’étant pas faits pour divertir.

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  • Le livre numérique : Moins "loisir" que prévu ?
    12 septembre 2012 11:10, par Sylvain Runberg

    Une réflexion d’auteur sur le sujet. Je n’ai pas de difficulté pour lire un format américain, de type Vertigo, ou du manga, sur Ipad. Le peu de cases par pages fait que la taille de l’écran est plutôt confortable pour ces genres de narrations.

    En revanche, au delà du prix du produit, effectivement encore trop élevé pour beaucoup, l’écran Ipad ou des autres tablettes, c’est vraiment trop petit pour la plupart des formats "franco-belges" ou "européens", les détails se perdent et les textes sont trop petits pour être lisibles. Et j’ai autour de moi de plus en plus de gens qui lisent des BD (US ou manga) sur Ipad, sans pour autant abandonner le papier.

    Je pense vraiment que le format des pages "franco-belges" est un frein à la lecture sur tablettes, à moins qu’un jour une tablette avec un écran plus grand soit commercialisée (si la demande du public apparait suffisante pour cela, et je pense que ça arrivera).

    Et si dans 20 ans la majorité des gens lisent leurs BD sur tablette, personnellement, écrire des récits avec en moyenne 2 à 5 cases par page, ça ne me dérange pas, je l’ai d’ailleurs déjà fait et c’est aussi agréable. Une moyenne de 5 cases par page ça voudrait dire aussi de passer à des formats d’au moins 64 ou 72 pages, voir beaucoup plus, au lieu de l’éternel 46 pages, ce qui serait en fin de compte certainement plus intéressant d’un point de vue narratif.

    Mais il n’y a aucun doute qu’une fois le problème du format d’écran résolu, la BD numérique ("format européen") se développera, au côté du papier. Le changement de format ne me fait absolument pas peur. Et je pense que papier et numérique continueront à cohabiter. J’imagine que dans le cas de la BD, à terme, le format papier pourrait plutôt être orienté "tirage de luxe", qu’on achèterait en librairie, et la BD "normale" plutôt lue en numérique ?
    Et le prix numérique, qui à mon sens devrait être vraiment inférieur à la version papier (7 Euros en numérique contre 15 en papier par exemple) pourrait aussi être un avantage. Ce qui est en revanche important, c’est que les éditeurs se rendent bien compte que contrairement à la musique, faire une BD de 46 ou 54 pages dans un style graphique détaillé et/ou réaliste, ça ne peut pas être une activité en dilettante.

    Donc s’ils veulent avoir des auteurs qui publient des livres chez eux, ils faut qu’ils puissent en vivre (et je pense notamment aux dessinateurs là).

    Ça passe donc par une réflexion sur la rémunération. L’augmentation très conséquente de la part des droits d’auteurs sur le numérique est dans ce contexte une piste centrale. Monter à 20 ou 30 pour cent de droits d’auteurs, me parait tout à fait justifié d’un point de vue économique sur du numérique.

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    • Répondu par Sergio Salma le 12 septembre 2012 à  13:38 :

      Deux réflexions. D’abord celle d’un auteur moyennement inquiet. Votre remarque , Sylvain, n’est valable que si on considère que le lecteur laisse la page complète sur son écran. Or, il agrandit perpétuellement ; il a une case gigantesque s’il le veut et ce dans le sens désiré. Il va littéralement "tourner la page, la case, le strip" et probablement goûter encore mieux la technique picturale ou graphique. L’image bande dessinée passe magnifiquement sur écran. Il y a une brillance, un rendu, un contraste que ne rendent que très peu d’éditions papier ( quand elles sont donc correctement numérisées bien sûr).

      Deuxième réflexion d’un auteur carrément optimiste (ou inconscient) : je me demande si le lecteur qui habite la France et la Belgique( + quelques pays satellites acquis à la même culture bédéphilique) ne va tout simplement pas devenir une exception culturelle à lui tout seul. Il se fait que cet espace géographique est le seul au monde à avoir lu la bande dessinée sous forme d’albums (excepté les monstres Astérix, Lucky Luke ,Tintin ). Il se pourrait donc que le numérique n’arrive pas à séduire ces amateurs -là. Même les nouvelles générations. En tout cas, celle qui a 10 ans aujourd’hui n’a pas switché (ou alors l’info n’est pas passée) du Titeuf ou Naruto papier vers les versions numériques. Internet est plus un danger immédiat pour les libraires.

      Quant aux droits et aux pourcentages( en se référant au prix absurde envisagé 7 euros au lieu de 12 par exemple) je crois qu’on est là dans un sérieux problème. Le film ou le CD n’était que le support , ce qui compte c’est la diffusion du contenu. En bande dessinée, ce n’est pas le contenu, c’est le contenant aussi qui attire, l’objet . Et , désolé, mais si un bouquin a un prix de revient et un prix de vente, l’offre numérique devra à mon avis s’abstraire de tout ça. Si le marché( à long terme) se développe ce qui risque de se passer c’est que les fournisseurs internet deviennent eux-mêmes éditeurs. Choquant ?! Beaucoup de grands éditeurs sont des imprimeurs à la base. Et le métier de libraire lui-même se confond avec le métier d’éditeur quand on remonte aux origines.

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      • Répondu par Henscher le 13 septembre 2012 à  11:58 :

        " Il se pourrait donc que le numérique n’arrive pas à séduire ces amateurs -là. Même les nouvelles générations. En tout cas, celle qui a 10 ans aujourd’hui n’a pas switché (ou alors l’info n’est pas passée) du Titeuf ou Naruto papier vers les versions numériques."

        Je nuancerais un peu : cette génération là (celle que j’appelle les mutants) n’achète rien, on lui paye des livres papier (encore, mais pour combien de temps).

        Ce qui ne préjuge absolument pas de leurs propres habitudes de consommation dans 5 à 10 ans - les projections de la Fnac à cet égard, à l’horizon 2020, sont éloquentes.

        Plus généralement sur le numérique, les industries du disque puis du cinéma ont commis l’erreur monumentale de ne pas croire à la dématérialisation. Celle du jeu vidéo a frôlé cette même erreur et s’est depuis très largement rattrapée.

        Celle du livre, de son côté, a commencé par nier le potentiel d’internet comme système de diffusion du livre papier, on a vu ce que cela a donné ("les gens aiment feuilleter avant" - pas de bol ils peuvent le faire de plus en plus sur Internet)

        Aujourd’hui elle essaye de se convaincre que le numérique restera une déclinaison mineure.

        L’erreur est humaine, mais persévérer est diabolique. Il est cependant tout aussi humain pour un système entier d’essayer de tenir vaille que vaille.

        Après tout, ceux qui refusent l’évolution logique de la littérature ne seront probablement plus aux manettes quand il faudra assumer les dégâts causés par leur manque de clairvoyance.

        (Vision d’un auteur pas inquiet, pour le coup)

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        • Répondu le 13 septembre 2012 à  14:53 :

          "Persévérer est diabolique."

          Ah bon ! Jetez l’éponge alors

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          • Répondu le 13 septembre 2012 à  16:34 :

            Il ne s’agit pas de jeter l’éponge (pas rapport à quoi d’ailleurs ?). Il s’agit de s’adapter à un nouvel écosystème.

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            • Répondu par Professeur Nimbus le 14 septembre 2012 à  18:46 :

              "s’adapter à un nouveau écosystème" si vous voulez filer la métaphore scientifique, il seait plus juste de dire "investir une nouvelle niche de l’écosystème". Tiens ? C’est bizarre..."niche"...c’est le même vocabulaire que chez les commerciaux...sans doute des adeptes du darwinisme social...

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      • Répondu par Pierre-Yves Gabrion le 17 septembre 2012 à  12:35 :

        Je me permets d’apporter un autre angle de reflexion sur cette discussion compte tenu de l’expérience que le "BD Nag" a accumulé depuis ses 6 mois d’existence en tant qu’application BD numérique disponible sur l’Appstore.

        Je rejoins Sergio sur le fait que l’objet livre est indisociable de la nature même de la BD traditionnelle d’où le peu d’impact que leurs versions numériques ont sur le public. Et c’est là où tous les éditeurs traditionnels se cassent le nez en voulant uniquement optimiser leur fond papier existant. Le livre physique ne disparaîtra jamais, certes il commence à vivre des heures difficiles et une nécessaire redéfinition de la relation financière auteur-éditeur devient urgente dans le contexte actuel de la crise générale et du marché spécifique de l’album BD. Le gâteau rétrécit, tout simplement...

        Notre pari est que si la BD numérique a une chance de se développer, c’est à la seule condition qu’elle soit de la création originale conçue spécifiquement pour une lecture sur écran sans avoir besoin de zoomer ou de se déplacer dans une page, la plus belle soit-elle. À nouveaux supports, nouvelle narration et nouveau genre à part entière. Et notre modeste expérience nous conforte chaque jour dans ce choix.

        Ainsi, sans aucun relais médiatique, notre magazine atteint déjà les 15 000 lecteurs avec une une moyenne de 50 à 100 nouveaux chargements par jour et surtout nous constatons que nous touchons le trés très grand public, celui qui n’achète pas (ou plus) d’albums. Le potentiel de ce public est considérable et de plus, nos "screen comics" (désormais le nom officiel de ce nouveau genre hybride de BD) se révèlent être une forme de lecture internationale qui s’affranchit des singularités narratives culturelles attachées à la lecture de la BD-nos tests au Japon nous l’ont confirmé cet été-

        Bref, je pense qu’à Angoulême prochain, nous serons sans doute les seuls à afficher un large sourire...

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