Depuis l’annonce de l’iPad, tous les éditeurs de bande-dessinées se sont penchés sérieusement sur l’édition numérique. Des blogs populaires comme ceux de Boulet ou de Lewis Trondheim proposent des pages gratuites. Et bizarrement les livres papier comportant les mêmes planches se vendent très bien. Doit-on y voir un effet freemium, ou l’écran est-il un obstacle pour une partie du lectorat ?
Alors même que la négociation entre les auteurs et les éditeurs fait rage, au risque de l’immobilisme, et tandis que l’État français, faute d’accord, menace de légiférer à ce sujet, le cabinet d’étude So !Use, spécialiste dans l’étude des interfaces et basé à Toulouse, vient de publier les résultats d’une étude analysant le rapport à la lecture des digital-native, la génération surfeuse.
Cette étude compare l’impact de la lecture numérique en fonction des domaines d’usage : romans, information, et… BD. Un rare instantané sur la consommation des lecteurs qui ne semble pas être biaisé par un fabriquant de matériel, un éditeur logiciel ou un distributeur.
Son arrivée est intéressante car, cette semaine, Amazon sort une nouvelle gamme de lecteurs Kindle et Apple annonce une nouvelle gamme d’iPhone.
Avec surprise, nous y apprenons que la lecture numérique concerne plus les activités professionnelles ou éducatives, alors que le bon vieux livre papier est privilégié pour le divertissement.
Économiques mais bien souvent monochromes, les liseuses numériques n’ont pratiquement pas percé en France. Alors qu’elles sont populaires dans les pays anglo-saxons, l’e-paper y favorise la conversion des livres et des quotidiens.
Par contre, l’Hexagone est la chasse gardée de l’iPad. La France a toujours été un marché important pour Apple. Vu le format usuel historique de la BD franco-belge, le fameux "48 pages cartonné couleur", on aurait pu croire que la tablette d’Apple se prête parfaitement à la conversion des lecteurs. Que nenni.
Mais cette séparation entre le loisir et l’utilitaire vient-elle peut-être de la durée de vie d’un livre. Un Gaston acheté dans les années 1980 sera toujours transmissible à votre petit neveu, mais qu’en sera-il d’un e-book fraîchement “acquis” dans 10 ans ?... Qui peut encore de lire ses VHS des Schtroumpfs ?
Doit-on alors craindre que la BD va rester enfermée dans le papier ? Non. La lecture sur le support numérique progresse. Mais il va falloir faire des efforts et de nouveaux champs de consommation s’ouvrent à nous comme l’a démontré le site précurseur Coconico World, ouvrant à la lecture des incunables de la BD au public, un fond muséographique qui aurait été condamné à l’oubli.
L’équipe de So !Use conclut plutôt que le prix et les caractéristiques des appareils de lecture font obstacle, ainsi que l’offre axée sur la location à l’unité telle qu’elle est actuellement envisagée par les opérateurs.
Affaire à suivre...
(par Xavier Mouton-Dubosc)
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La lecture numérique, étude so !use
Photos : Didier Pasamonik (L’Agence BD)
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