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Le nouveau BDM conforte la cote des poids lourds de la BD

Par Charles-Louis Detournay le 23 décembre 2010                      Lien  
Tous les deux ans, la sortie du ‘BDM’, argus de la bande dessinée, permet de se faire une idée du marché de la collection. Ce dernier est plutôt stable, avec quelques surprises...

Depuis 1979, me raconte Didier Pasamonik, date à laquelle Alain Préseau avait lancé son Guide de la bande dessinée aux éditions Horus, réplique de l’édition américaine de l’ Official Overstreet Comic Book Price Guide (1970), du guide hollandais Stripcatalogus : Officiële katalogus der nederlandse stripalbums de Hans Matla (1977) et prolongation du Collectionneur de bande dessinée (1978), les BD de collection ont un prix officiel en francophonie. Le Guide céda vite la place à la référence actuelle : Trésors de la bande dessinée (un titre, me dit encore Didier, inventé par Thierry Martens), plus communément appelé le BDM, des initiales de ses auteurs Béra, Denni & Mellot.

Le nouveau BDM conforte la cote des poids lourds de la BD
La collection Patte de mouche édite de tous petits formats d’une vingtaine de pages.
Ici, l’album faisant apparaître Lapinot pour la première fois est régulièrement vendu à plus 400 €.

Lancé pour la première fois en 1979, le BDM dispose de plusieurs atouts précieux : un classement alphabétique des albums (simple, mais efficace), une vision claire des cotes ainsi que des chapitres complets liés aux revues, biographies, albums publicitaires et autres. Tous les deux ans, une édition complétée rajoute les albums parus entretemps, corrige quelques fautes (mais pas toutes !) et rapporte les nouvelles cotes relevées quelques mois auparavant.

Si tous les magasins de seconde main et bon nombre de collectionneurs se réfèrent presque exclusivement à cette ‘Bible’, les modifications de la nouvelle édition apportent également des indications intéressantes sur le marché de la BD de collection avec un recul non négligeable.

Quelques modifications structurelles

Mais avant tout, intéressons-nous aux changements de cette nouvelle mouture 2011-2012. Dans l’édition précédente, la collection Patte de mouche, petits livres publiés par L’Association parmi lesquels on trouve des joyaux de Trondheim, Sfar, Blanquet, Marc-Antoine Mathieu, Baudoin, David B, Rabaté et bien d’autres, avait donc hérité d’un chapitre spécial. Il faut avouer que le classement par ordre alphabétique dispersait ces albums en tous sens et que le grand intérêt des collectionneurs pour ces raretés justifiait qu’on leur donne place à part. Une mise-en-avant malheureusement disparue dans cette nouvelle mouture. Signe des temps ?

Autre point focal pour collectionneur, les albums de Tintin dont les notices prenaient pas moins de 70 pages à cause de leur référencement spécial (lié au dos des albums) qui leur donnait une place éminente en tout début de volume dans l’édition précédente. Eux aussi ont réintégrés gentiment dans le rang (mais leurs pages demeurent en couleur). Donc, moins de favoritisme dans cette nouvelle édition, dont la couverture reprend un dessin qu’Yves Chaland avait réalisé jadis pour un hors série du Collectionneur de BD et bien symbolique de la production d’aujourd’hui avec son avalanche de bandes dessinées.

Flambée des premières éditions de Tintin au Congo de 1931

De fait, tous les deux ans, c’est maintenant près de 10.000 références qu’il faut rajouter aux précédentes. Cette édition annonce d’ailleurs le chiffre astronomique de 100.000 titres répertoriés. Pourtant, pour que la brique demeure manipulable, la pagination n’a pas été augmentée, elle a même été réduite de plus de cent pages ! Cette cure d’amaigrissement est surtout portée par le chapitre sur les revues, le guide se concentrant sur les titres réellement collectionnés. La place réservée aux couvertures d’albums, plus petites et moins fréquentes, a également été réduite. Les récits complets, petits formats et les objets 3D sont également supprimés. D’un autre côté, les mangas sont davantage mis en avant, signe que ce secteur précédemment à la traîne par rapport aux albums franco-belges et aux comics, commence à trouver sa place parmi les collectionneurs.

Un marché qui se stabilise

La sortie du BDM est surtout l’occasion de faire le point sur les cotes des albums. L’évolution des séries et des genres se se caractérise par une volonté des collectionneurs de détenir certains albums rares en édition originale.

Alors que dns les années précédentes, chaque sortie du BDM mettait en lumière l’émergence soudaine d’une ‘nouvelle vague’ ou la percée de nouvelles séries, ces deux dernières éditions de l’argus soulignent plutôt le ralentissement de la recherche de nouveaux titres. En effet, au sein des nouveautés, on observe peu de montées de cotes (parfois) surprenantes.

Ce tassement dans l’esprit des collectionneurs est-il une indication de la mauvaise qualité des sorties ? Sans doute pas, mais devant le déferlement incessant d’albums en librairie, l’amateur préfère donc se tourner vers les balises du genre, plutôt que de courir après la nouveauté.

Une édition de luxe de cette très belle adaptation est justement sortie en décembre.

Malgré certaines cotes qui terminent leur yo-yo en suivant l’offre et la demande, comme Blacksad, Persépolis, ou les derniers tomes d’Isabelle), la plupart des séries modernes installées sont donc très stables. C’est le cas pour XIII, Sillage, Fanfoué, Nef des fous, Golden City, Troisième Testament, Triangle secret, Le Scorpion pour ne citer qu’eux. Aucune évolution de prix pour les éditions les plus recherchées, mais les albums pas encore côtés montent parfois progressivement, poussés par les nouveautés. Les séries modernes sans nouveauté ont donc effectivement tendance à stagner ou à descendre.

Par contre, l’évolution constante des incontournables n’est pas réellement enrayée, comme si les collectionneurs se réfugiaient dans des valeurs sûres. Si des séries comme Gaston, Valhardi, Corto Maltese, Blacke & Mortimer ou Spirou & Fantasio se maintiennent à leur juste niveau, bien d’autres continuent de progresser : Alix, Blueberry, Lefranc, Lucky Luke, Jari et bien entendu Tintin.

En lien avec le marché, bien qu’avec un peu de retard, les cotes des mangas prennent de l’importance, avec Candy Candy, Le Sommet des dieux ou BlackJack. Plus étonnant, la confirmation du regain d’intérêt pour les bandes dessinées érotiques : une bonne part de ces titres montent considérablement, tels que Cléo, Billie & Betty, Fiona, Hôtel Con-d’or, etc.

Des nouveautés méritantes… et quelques surprises

Dans les derniers Scrameustache édités chez Dupuis, le tome 33 est plus rare que les autres.

Certaines séries plus anciennes commencent tout de même à trouver leur place dans le cœur des collectionneurs, telles que Lou Smog ou Les Désarmés de Mezzo & Pirus. Sans vraiment de surprise, certaines nouvelles séries qui marchent fort sont bien entendu en train de prendre le même chemin dans l’ascension des... cotes. Il n’est pas possible de toutes les citer, mais on retiendra Il était une fois en France, mais aussi Croisade, La Licorne, Lady S, Luuna, Merlin, Okko, Le Sang des Porphyre, Le Belem, Borgia, Le Combart ordinaire, etc. Certains tome 1 sont également bien recherchés tels que RG, Le grand siècle, Élixirs, Sinbad, L’Immeuble d’en face, Lune d’argent sous Providence, Kiki de Montparnasse, Jazz Maynard, Le Bois des vierges et bien d’autres. Beaucoup d’amateurs également pour le premier titre de la collection Noctambule, À bord de l’étoile Matutine.

On notera également le bon refuge que représentent les tirages de tête d’albums réputés ou des tirages limités, comme Le Copieur de Sfar. Les premières éditions des intégrales ont également de plus en plus la cote, telles Black Hole, La Ligue des gentlemen-extraordinaires, Le Triangle secret et d’autres.

Une des récentes percées de ce nouvel argus

Le tirage décroissant ou faible des nouveautés en raison de la "surproduction" suscite justement un intérêt spéculatif de la part des collectionneurs. Certains albums de séries sortent ainsi parfois du lot et deviennent ardemment recherchés par les collectionneurs. On pense au tome 12 de Durango, ou au fort recherché tome 59 de Michel Vaillant(70 € qui dénotent des cotes voisines de 12 €. Ainsi, le tome 32 du Scrameustache, introuvable en librairie depuis des années, est enfin remarqué par le BDM. Même conclusion pour la série Carthago, donc le premier tome était prisé, mais dont le second, pourtant paru en 2009, est aussi déjà fort recherché !

On épinglera d’autres surprises du même acabit pour des albums dont le prix se distingue énormément des tomes précédents et suivants : le tome 4 de la jeunesse de Barbe-Rouge est ainsi à 80 €, alors que les tomes 3 et 5 ne sont pas cotés. Même constat pour le T2 du Cœur couronné et cote record pour le premier carnet d’Inside Moebius qui perce à 120 € !

Si les évolutions du marché ne sont plus aussi surprenantes que précédemment, sans doute en raison du volume des sorties en constante augmentation, les séries-phares du neuvième art continuent d’attirer le collectionneur. Celui se montre toujours également friand de la nouvelle vague, et des séries modernes et se montre plus exclusif dans ses choix.

Dans cette version remaniée, le BDM conserve son monopole (en version papier) de l’argus de la bande dessinée. Le classement standard rétabli aujourd’hui devrait rétablir la concurrence entre toutes les séries, anciennes et modernes. On espère néanmoins que les nouveaux albums qui doivent faire leur entrée tous les deux ans ne pousseront pas dehors une série de rubriques qui avaient la spécificité et l’intérêt de cette référence incontournable.

La couverture du collectionneur de bande dessinée qui mettait à jour les cotes en 1981 est donc remis à l’honneur cette année !

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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5 Messages :
  • Le nouveau BDM conforte la cote des poids lourds de la BD
    23 décembre 2010 10:06, par francois d

    dont la couverture reprend un dessin qu’Yves Chaland avait réalisé jadis pour un hors série du Collectionneur de BD....

    sauf erreur de ma part, il s’agit du Collectionneur de BD n°28 daté de septembre 1981, donc pas vraiment un hors-série.

    fd

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  • cote record pour le premier carnet d’Inside Moebius qui perce à 120 € !

    Cote completement idiote, il suffit qu’ils le réimpriment. Ya de ces gogos quand même...

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    • Répondu par Reval Zelantius le 24 décembre 2010 à  13:36 :

       ??? Peut être n’avez vous pas compris que le principe de la cote dans un ouvrage tel que le BDM est de donner la cote de premières éditions !! Donc une réédition de rendra pas moins intéressante la première qui bénéficie de cette cote, bien au contraire ! Ya de ces gogos quand même...

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  • Le nouveau BDM conforte la cote des poids lourds de la BD
    23 décembre 2010 21:17, par Amateur

    Le BDM est évidemment un ouvrage très utile pour les collectionneurs et les simples amateurs (dont je suis). Mais il est aussi évident que les cotes indiquées sont la plupart du temps extrêmement fantaisistes, dans un sens comme dans l’autre ! Il suffit pour s’en convaincre de voir ce qui se passe sur les sites de vente aux enchères (ebay, mais pas que) et sur les différents lieux de vente en province ! Alors, les cotes établies par des libraires et autres "spécialistes" parisiens...... (un dénommé V.P., (ancien ?) collaborateur du BDM et par ailleurs tenancier d’une librairie parisienne au nom chalandesque, n’hésite pas à mettre en vente le "QRN" de Marsu à 699 euros !)

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    • Répondu par Reval Zelantius le 24 décembre 2010 à  18:53 :

      Le fameux VP est un as de la spéculation, pratiquant des prix souvent prohibitifs sur de nombreux articles. Ça marche souvent car il détient quelques trésors difficilement trouvables. Car n’oublions pas qu’outre la cote des articles, il faut intégrer la loi de l’offre et de la demande dans tout cela. Est ce trop cher si on le veut absolument et qu’on ne le trouve nulle part ailleurs et qu’un petit plaisir de temps à autre ne fait pas de mal ? Un petit dépassement de la cote sur un article en très bon état qu’on ne trouvera pas facilement ailleurs peut être compensé par le plaisir de détenir enfin un objet désiré. Dans ce sens la côte ne donne qu’un prix relatif. Comme disent les Belges, c’est pas de l’argent  !

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