De ce film, Lorenzo Mattotti n’a contribué qu’à la définition des personnages et des décors, le reste a été pris en main par le réalisateur Enzo d’Alò qui, s’adressant à une audience enfantine, a gardé un côté très "cartoon" dans le résultat final.
Mais Mattotti ne renie pas son expérience pour autant, lui qui est venu présenter le film dimanche dernier à Paris, lequel est en salle en France depuis mercredi : "On a essayé d’être le plus proche possible de l’origine italienne, nous dit-il. Après, tous les choix du scénario, la vision de Pinocchio, c’est le choix du réalisateur. Vous devez savoir que le livre de Pinocchio est un livre très compliqué, très complexe, très long, il y a beaucoup de passerelles. C’est un grand classique en Italie, et comme pour tout grand classique, il y a toujours la possibilité de l’aborder par ses différentes facettes, de prendre les différentes voies de l’histoire... Enzo a souligné la relation entre le père et le fils, entre Gepetto et Pinocchio."
D’ailleurs, pour les amateurs du grand dessinateur italien, les éditions Helium publient en parallèle le texte original complet illustré par le maître. On y retrouve sa palette "arlequin" inspiré de la profondeur colorée des futuristes italiens et des perspectives surréelles de Chirico. Mattotti s’inspire d’ailleurs beaucoup de la peinture, et paradoxalement de la peinture baroque, pour ses compositions et ses harmonies. Associées à l’univers fantastique et très visuel de Carlo Collodi, le résultat ne peut être que surprenant.
Est-ce qu’esthétiquement le Pinocchio de Walt Disney a pesé sur le film ? Oui forcément, mais "pas tellement", nous dit Mattotti : "J’aime beaucoup le film de Disney, mais pour Enzo et moi, ce n’est pas l’histoire de Pinocchio. Il a coupé beaucoup de choses. Nous voulions quelque chose de très lié à l’histoire originale même s’il manquera toujours un bout. Le livre paraissait en feuilleton dans la presse et chaque semaine, il y avait un nouvel épisode, les épisodes s’enchaînent. Nous, on a vraiment pris l’histoire pour lui donner une autre dimension. Par exemple, la fée bleue a été complètement oubliée par Disney. Elle apparaît dans l’œuvre originale d’abord sous l’aspect d’une petite fille et son arrivée est absolument terrible, c’est presque une scène d’horreur : Pinocchio est poursuivi par le renard et les brigands et il arrive à la porte de sa maison. La pluie tombe, il y a un grand orage, l’ambiance est tragique... Il frappe à la porte et personne ne répond. Soudain, une petite fenêtre s’ouvre et la petite fille apparaît, très sale, qui lui dit : "Ici, il n’y a personne. Ils sont tous morts." Voilà l’arrivée de la fée dans le livre original !. Dans le roman, c’est une vraie femme qui, en plus, meurt ! Même chose pour le petit grillon qui est chez nous très lié à l’œuvre originale. Il meurt d’abord, puis il revient réincarné en docteur, avant de devenir en quelque sorte la voix de la conscience du petit garçon. Il y a souvent chez Collodi ce genre de métamorphoses, c’est un livre plein de symboles, de visions, très riche au niveau de l’imagination."
Lorenzo Mattotti continue-t-il à rêver de dessins animés ? Après avoir collaboré à Eugenio (1999), aux collectifs Eros avec Steven Soderbergh et Wong Kar Wai (2004), mais aussi après avoir assuré sa propre réalisation dans Peur[s] du noir, il a été mis en appétit. Il a un nouveau projet de film qui avance bien et dont il sera, cette fois, le seul réalisateur.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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"Pinocchio" de Enzo d’Alò est en salle en France depuis le 20 février 2013
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