Au fil du temps, le dessinateur japonais, petit bonhomme au bonnet à tête de mort rouge vissé sur la tête, s’est mis à ressembler beaucoup à une partie des acteurs masculins à courtes jambes de ses anime et mangas de science-fiction mâtinés de western.
Ils contrastent fort avec les longilignes femmes de ses histoires, à la blondeur et au visage inspirés par Marianne Hold dans l’onirique Marianne de ma jeunesse (1955) du réalisateur Julien Duvivier, son film préféré avec Autant en emporte le vent.
Telles celle-ci, les références à la France se sont multipliées au cours de cette rencontre. Elle fut conçue sur mesure pour satisfaire ses fans de l’Hexagone, venus nombreux l’écouter. Son discours prit d’ailleurs bien soin d’arrondir les angles, faisant l’impasse sur certaines de ses ambiguïtés.
Néanmoins, dès avant la diffusion de la première série d’animation d’Albator dans Récré A2 (1980) — au succès jamais démenti depuis —, le mangaka s’est certes rendu à diverses reprises en France. Mais les occasions demeurent rares de l’y entendre parler de sa vie et de son œuvre.
Dans sa prise de parole, il s’est attardé sur sa vieille passion pour l’aviation, qui s’étendait à d’autres membres de sa famille, son père en tête. En effet, aviateur, ce dernier fut formé au pilotage sur biplan, par un instructeur français.
Donc, par déduction des propos de son fils, ceci dut intervenir à une époque probablement postérieure à la Première Guerre mondiale et précédant la montée du militarisme nippon. Où le Japon appartenait encore au camp des Alliés.
En suivant le récit de Leiji Matsumoto, émaillé par la divulgation de vieilles photos personnelles, son auditoire s’y est immergé jusqu’à rentrer dans un processus d’intimité avec le vieux maître nippon.
Parmi une succession de réminiscences partagées, il explique comment s’est mythifié dans son esprit le souvenir des tunnels empruntés lors de son premier long voyage en train pour gagner Tôkyô. Quand il quitta son Kyûshû natal en 1957. Plus tard, devait en sortir l’inspiration de Galaxy Express 999.
Ainsi, au gré de son intervention, le père d’Albator a excellé à susciter chez son public ce souhait particulier formulé par l’écrivain irlando-nippon Lafcadio Hearn au début de sa correspondance parue dans La Revue des Deux Mondes : « pouvoir se réincarner en quelque petit bébé japonais, afin de sentir et voir le monde d’une façon aussi belle que le fait l’esprit japonais ».
Mission accomplie Matsumoto sensei et merci vieux pirate, car on en redemande !
(par Florian Rubis)
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En logo de cet article : Leiji Matsumoto à la Maison de la Culture du Japon à Paris
Toutes les photos : © 2018 Florian Rubis