Jadis, pour qualifier un peintre de bonne qualité mais dont la notoriété n’avait pas atteint les premiers rangs du Parnasse, on disait qu’il était "un probe artiste". Cette notion de probité a disparu aujourd’hui. Désormais, l’exposition médiatique, l’aptitude ou le sujet à même de faire l’actualité, même de façon artificielle, détermine la notoriété d’un auteur.
L’honnête artisan qui aligne les pages depuis des années sans faillir n’a plus d’intérêt. Un tome 46 et une nouveauté qui sort dans la série avec la régularité d’un métronome fait bailler par avance la critique : quel est l’intérêt de promouvoir une œuvre "qui marche" et ceci pour une 46e fois ? Tous les chroniqueurs n’ont pas le talent de Raymond Queneau, et puis il y a tellement de livres qui sortent...
Pourtant, pour autant qu’on se donne la peine de regarder avec un œil neuf la nouvelle livraison de Turk & De Groot, on ne peut que constater cette probité dont nous parlions tout à l’heure : pas un seul gag que l’on puisse considérer comme fabriqué, éculé, fatigué... Quant au dessin, il est d’une belle constance et épate même par les solutions graphiques mises en œuvre pour illustrer un scénario aussi fantasque que burlesque.
Peut-être que lorsque les auteurs auront abandonné leur établi, ce que nous leur souhaitons le plus tard possible, pour profiter d’une retraite bien méritée, il s’en trouvera quelques-uns, à Angoulême ou ailleurs, pour leur attribuer le génie qu’ils s’emploient à moquer. "C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens" disait Molière.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.