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Les Chiens de Pripyat T. 1 - Par A. Ducoudray et C.Alliel - Editions Bamboo

Par Patrice Gentilhomme le 7 février 2017                      Lien  
Née au début des années 1970, Pripyat fit figure de cité emblématique du socialisme triomphant. Illustration imposante et moderne (selon les critères locaux de l'époque) d'un certain savoir-faire de l'URSS, la ville accueillait le personnel d'une des plus grandes centrales nucléaires, toute proche : Tchernobyl !

Si la catastrophe nucléaire a déjà été évoquée en bande dessinée par Emmanuel Lepage, Chantal Montellier ou d’autres, ce nouvel album paru chez Grand Angle introduit une dimension romanesque dans l’univers détruit et calciné de manière inattendue. Après la catastrophe d’avril 1986, la ville de Pripyat va perdre ses 50 000 habitants évacués au delà d’une zone de plus de 2500 km² et désormais interdite.Quelques temps plus tard, ne subsistent plus que des groupuscules armés, des vagabonds laissés pour compte qui essaient vivre (ou de survivre) comme ils peuvent.

Les Chiens de Pripyat T. 1 - Par A. Ducoudray et C.Alliel - Editions Bamboo
L’arrivée de la catastrophe traitée de manière sobre mais très cinématographique.

Kolia un jeune garçon doux et rêveur habite cette région dévastée, sauvage et aux allures post-apocalyptiques avec son père, un homme rustre et violent qui survit en éliminant le maximum de chiens errants pour un maigre salaire. On suit les déambulations de ce couple de survivants dans ce décor de fin du monde. Au gré de leurs mésaventures, ils rencontrent, côtoient, retrouvent d’autres âmes perdues au cœur de cette lande irradiée. Une série de personnages pittoresques dont les noms ne laissent pas indifférents. Parmi eux, on compte un ancien vétéran de la guerre en Afghanistan nommé Pravda (nom de l’organe de presse officiel du pouvoir durant l’ère soviétique), un alcoolique rebelle et déjanté nommé Sputnik mais qui, lui, ne tourne pas très rond. Un autre porte le surnom de Petit Père, ancien titre accroché à Staline pendant sa période de gloire désigné alors comme le petit père des peuples.

L’humour second degré au second d’Aurélien Ducoudray fait ici office de clins d’oeil malicieux à quelques mots clefs de l’histoire de l’URSS. Le jeune Kolia vit au sein de cette faune interlope et continue d’explorer la ville abandonnée au risque de faire d’étranges rencontres. C’est ainsi qu’il constate que de mystérieux rôdeurs masqués en combinaison anti-radiation qui semblent l’épier...

À la fin de ce premier tome, le récit semble prendre une tournure fantastique, suggérant un tournant inattendu dans un récit qui semblait s’attarder sur une mise en situation lente et paresseuse.

C’est dans le livre La supplication de Svetlina Akexievitch, Prix Nobel de littérature en 2015 qu’Aurélien Ducoudray a trouvé matière à une nouvelle histoire ayant pour cadre un pays de l’Est. Ayant découvert l’existence de cette curieuse entreprise d’extermination de chiens et chats dans la zone contaminée, il a décidé de remettre en forme les rares témoignages pour en faire une chronique romanesque de la vie à Pripyat.

Inspiré d’images d’archives et de récits post atomiques, les Chiens renvoient à la fois à l’imagerie d’un univers où tous les modèles s’effondrent et nourrit dans le même temps tous les fantasmes, tous les possibles. Avec cette incursion de la croyance par le truchement d’icônes représentant Saint-Christophe, du merveilleux et du sacré, d’étranges scènes de rêves du jeune garçon le récit change de dimension et s’éloigne de la chronique post-apocalyptique.

Du rustre Pravda à l’incontrôlable Sputnik très porté sur la Vodka à Sanglier, le père de Kolia, personnage violent et désabusé, la galerie de personnages rassemble quelques destins fracassés de l’histoire soviétique. On sait que le scénariste porte autant d’intérêt aux bouleversements de l’est de l’Europe, de la Bosnie à la Tchétchénie qu’aux laissés pour compte, aux sans-grade qu’il s’agisse d’Amère Russie au plus récent d’ À coucher dehors (également publiés chez Bamboo) On retrouve ici un curieux condensé des préoccupations de ce scénariste très prolixe.

A quelques kilomètres de Tchernobyl, comment la vie peut-elle continuer ?

Le dessin de Christophe Alliel, issu de l’Atelier Zarmatelier et nourri de ses nombreux voyages s’affirme net et précis dans la restitution de l’ univers de la cité meurtrie et sert avec justesse le propos du récit. Avec cette histoire, ce dessinateur fait une entrée remarquée au sein de la collection réaliste des éditions Bamboo. Raison de plus pour attendre avec impatience la parution de la suite susceptible de dynamiser ce récit.

(par Patrice Gentilhomme)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782818940754

© Illustrations Ducoudray & Alliel – Editions Bamboo 2017

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