Nous vous avions présenté en 2014 le premier des quatre tomes de la série Femmes en Résistance. Pour rappel, faisant suite à une proposition de l’historienne Emmanuelle Polack, Casterman a décidé de réaliser quatre évocations de femmes au destin remarquable qui ont œuvré lors de la Seconde Guerre mondiale. L’intérêt du propos vient de la force de caractère de chacune des personnalités choisies ; on dépasse le cadre de la résistance contre le nazisme pour témoigner de chacune d’elles d’une réelle indépendance d’esprit, encore difficile à accepter pour leur l’époque.
La biographie de l’aviatrice Amy Johnson évoquée dans le premier tome était sans doute intéressante, mais elle relatait avec une relative faiblesse l’effort de guerre consenti. Son combat revêtait des accents plus personnels que réellement engagés, qui ne permettaient pas de conférer une réelle texture contextuelle à la série, en rappelant la condition féminine de l’époque dans ce face à face "viril", et en le plaçant comme le fil rouge de la série, une espionne fictive nazie Gerda rencontrant successivement les quatre héroïnes.
Après Pierre Wachs, Marc Veber a dessiné le deuxième tome de cette série, toujours scénarisée par Régis Hautière & Francis Laboutique, sur la base du concept initial de l’historienne. En plaçant son récit au cœur du combat universitaire de la famille munichoise Scholl, la série élargit sa thématique : elle n’aborde plus seulement le point de vue des Alliés ou de la Résistance, rappelant que l’Allemagne elle-même s’est soulevée face à la folie du régime nazi : Sophie Scholl fut une réelle martyre de ce combat, démontrant que l’investissement, la témérité et le pouvoir des mots pouvaient défier la plus terrible des répressions.
Après une telle montée en puissance, on s’attendait à une approche voisine avec le troisième tome consacrée à Berty Albrecht, une des chefs de file de la Résistance Française. Le résultat dépassa largement les attentes car ce troisième opus décrit non seulement le combat de l’ombre de la Résistance, mais brosse surtout le portrait d’une héroïne, véritable force de la nature qui se battit toute sa vie pour la liberté des femmes. Dans ce récit formidablement scénarisé, on traverse le parcours de la vie de Berty Albrecht avec une d’empathie qui s’exacerbe encore lors son arrestation par la Gestapo et son inéluctable fin.
À plus d’un titre, ce troisième opus de Femmes en Résistance est le parfait exemple d’une évocation réussie en bande dessinée : un juste mélange d’authenticité et de créativité scénaristique, un subtil entrelacs de personnages connus ou injustement méconnus du lecteur, des sentiments forts et justes qui dopent l’identification, ainsi qu’un bel équilibre graphique, même s’il doit respecter les principes établis lors du premier album.
On attendait donc avec beaucoup d’impatience la conclusion de cette série déjà hors norme, en raison de son humanité et sa représentation inédite de destins féminins remarquables. Le dernier tome ne parvient malheureusement pas à égaler le extraordinaire niveau du précédent : fiction et authenticité se démarquent trop peu dans le récit du destin des trois héroïnes. De plus, le dessin d’Olivier Frasier demeure malheureusement moins virtuose que les autres opus. Pour ces raisons, on ne retrouve pas la sensibilité et le réalisme du précédent épisode.
Graphiquement et scénaristiquement, on reste donc en deçà de nos attentes, mais cette petite baisse de régime en fin de course ne modifie pas l’excellente teneur générale de la série. Femmes en Résistance captive et touche le lecteur au cœur, offrant un visage humain à des événements si durs, méconnus ou éloignés de nos aspects contemporains, qu’ils peuvent parfois sembler artificiels ou amplifiés. Rien que pour cela, cette série mérite sa place dans toutes les bibliothèques, qu’elles soient privées ou publiques, qui a reçu récemment les honneurs d’une exposition temporaire au Mémorial de la Shoah à Paris.
(par Charles-Louis Detournay)
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A propos de la même série, lire :
l’interview de Régis Hautière : "Les femmes ont aussi joué un rôle déterminant durant la guerre."
une étude assez complète de la série dans Résistances (1/3) : la bande dessinée se souvient du 8 mai 1945
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