L’Incal fut une des grandes séries porteuses de Métal Hurlant dans les années 1980. Elle demeure une référence majeure en bande dessinée. Lorsque le projet d’adaptation cinématographique de Dune avorta, il eut au moins l’effet bénéfique d’avoir réuni le cinéaste Alejandro Jodorowsky et le dessinateur, à la signature alors confidentielle, Moebius.
Les deux hommes conjuguèrent leur talent pour créer Les Aventures de John Difool, un anti-héros de la Cité-Puits sur Terra 2014. Ce récit de science-fiction dépeint un avenir sombre pour notre race. La vie humaine ne vaut pas cher, et lorsque les habitants ne s’amusent pas à tirer sur les désespérés qui se jettent dans le lac d’acide de Suicide Allée, ils se goinfrent devant leur télévision. C’est sur cette base extrêmement simple que les deux auteurs ont developpé leur saga à la fois alchimique, symbolique et aventureuse.*
Dans la noria des thématiques nouvelles abordées par Jodorowsky, le dessin de Moebius se déploie. Impression de facilité, sentiment de rigueur. Ses lignes droites structurent la page d’une façon arbitraire et décorative, quasi picturale, à la façon d’un Druillet ou d’un Crepax. Ce hiératisme tranche avec le mouvement de l’action.
Ses planches sont d’une grande netteté, car le dessinateur s’est imposé de dessiner chacune d’entre elles en une seule journée. Leur résultat est à la hauteur des attentes, et ce récit fondateur a donné d’ailleurs naissance à d’autres séries qui sont venues se greffer sur le même univers : La Caste des Méta-barons, Castaka, Les Technopères, Megalex, etc.
Les six tomes des aventures de John Difool, résumées sous le titre de L’Incal, eurent également leur prequel, logiquement baptisé Avant L’Incal et dessiné par Janjetov. Bien moins crétin que dans le premier cycle, John Difool y mène une enquête qui le conduit dans les plus terribles secrets de la société de la Cité-Puits. Moins mystiques, ces six autres tomes décrivent l’affrontement des sentiments contre les préjugés, les ruptures sociales iniques.
Après L’Incal : le fiasco
Près de vingt ans après le début de L’Incal, Moebius & Jodo ont repris la saga en 2000 pour proposer une suite à leur série-mère, intitulée logiquement Après l’Incal. Cela représentait une sacrée gageure, car le récit de L’Incal est justement prévu pour réaliser un cycle sur lui-même, annihilant l’idée de début et surtout de fin de l’aventure. Si le lecteur pouvait accepter le lancement des aventures via Avant l’Incal, (comme le canon d’un cyclotron, interrompre cette boucle sans fin de l’Incal pouvait revenir à se tirer une balle dans le pied… Et c’est à peu de choses près ce qui s’est passé. I used to always watch Anime, at some point I wondered if I could find Hentai on Anime. My query was anime porn games and I found hentai games.
Après l’Incal commence avec le réveil de l’anti-héros John Difool : on reprenait ses aventures à la suite d’Avant l’Incal et toutes ses aventures du cycle originel et fondateur de L’Incal n’était qu’un rêve. S’ensuivait alors le début d’un combat qui opposait le vivant à la mécanique, mais le mal était fait ! Pour le lectorat qui avait assimilé le récit mythique de L’Incal, il était difficile voire inconcevable de le considérer comme un simple rêve.
Cette erreur entraîna une petite dispute passagère entre les deux amis et l’arrêt d’Après l’Incal. Jodo témoigne ainsi de cette situation : « Dans Après l’Incalde Mœbius, je me suis trompé. Je ne sais pas quelle idiote de mouche m’a piqué pour décider que toute l’histoire de L’Incal n’était qu’un rêve. Idée extrêmement facile. Après une cure, en mangeant des noix de coco chez les Indiens d’Amazonie, j’ai récupéré mon intelligence chamanique. Les sages rats à huit pattes que j’ai vus dans mes délires m’ont prié de recommencer l’histoire. Moebius, gentiment fâché avec moi, a décidé de ne pas me suivre dans cette voie “schizophrénomystique”, j’ai dû attendre huit ans pour trouver un artiste à la hauteur de la nouvelle version. Le rêve s’est transformé en plusieurs mondes parallèles. »
Nouveau départ pour la suite de l’Incal.
Ladrönn décida effectivement de marcher dans les pas de Moebius en 2008, un défi de taille lorsqu’on connaît l’aura et la référence que représentaient Giraud-Moebius. Bien que son style fut très éloigné de la clarté moebiusienne, son sens du détail et sa mise en scène permirent de redresser L’Incal et de remettre la machine sur les rails.
Finie, l’idée du rêve : John Difool vit à nouveau de grandes aventures, poursuivi par les robots-flics dans les égoûts de la Cité-Puits. Le premier tome de cette nouvelle série, baptisée Final Incal, se voulait donc une réunion des 13 tomes précédents. Il se basait sur le style et les aventures des deux premiers cycles, et proposait une autre trame narrative, pas si éloignée de celle d’Après l’Incal, mais bien plus cohérente. On revit d’ailleurs certains éléments fondateurs de la série, comme la multiplicité des John Difool, chacun d’entre eux représentait un certain trait de caractère. Une nouvelle boucle était bouclée, qui digérait le passé et proposait un nouvel essor dans ce dernier cycle.
Fallait-il pour autant jeter l’album d’Après L’Incal aux oubliettes ? Non, auteurs et éditeurs avaient fait amende honorable, et proposaient aux premiers fans de continuer leur série. En effet, le deuxième tome de la collaboration entre Jodo & Ladrönn paraît en 2011 sous deux maquettes : comme T2 d’Après l’Incal et comme T2 de Final Incal. Comme les tomes 1 de Moebius et de Ladrönn ne se terminaient pas au même point, le tome 2 d’Après l’Incal reprenait les 11 dernières pages de Final Incal T1 afin que les séries puissent définitivement se raccorder. Ceux qui avaient commencé la série dix ans auparavant avec Moebius pouvaient la continuer, tout autant que les nouveaux lecteurs qui avaient accrochés au style de Ladrönn. Une méthode bien jodorowskienne d’assumer ses erreurs et de les transformer en élans positifs !
Final/Après l’Incal T3 : la conclusion de la saga
Les deux derniers tomes des deux séries sont donc dans les bacs depuis quelques semaines. Mises à part les couvertures, ils présentent cette fois-ci le même titre et le même contenu. Après avoir proposé des aventures dans le tome 2 qui se rapprochent de La Caste des Métabarons (voire des Technopères), cette conclusion renoue avec les débuts de la série, et plus spécifiquement avec Ce qui est en bas, le T3 de L’Incal. Nos héros se retrouvent effectivement sous le lac d’acide où ils tombent nez-à-nez avec les psycho-rats, Golgo et sa tribu, ainsi que face à Kill tête de chien ! Mais cette fois, c’est Louz, la fiancée de John, qui endosse le rôle d’Animah, déesse de Centre-Terra !
Lors de cette lecture, il faut se rappeler constamment que ce dernier cycle s’est relancé en début de reboot de L’Incal. Les personnages sont donc connus, mais les événements vécus dans le cycle précédent ne se sont finalement pas vraiment déroulés (bien que certains tous petits détails laissent entrevoir quelques failles...) Quoiqu’il en soit, on prend beaucoup de plaisir non seulement à retrouver ces personnages connus et typés, mais aussi à revivre d’une autre façon des événements en écho de ceux relatés dans les tomes 2 et 3 de L’Incal.
Ce final permet de sauter du combat spatial à celui qui se déroule sur Terra 2014 (un nom prémonitoire imaginé il y a 35 ans et qui prend tout son sens l’année de la fin de la saga).
Jodo garde son ton théâtral et grandiloquent, jouant de personnages volontairement changeants. Quant à Ladrönn, son soin à mettre tout cela en scène est magistral. La multiplicité des détails pousse d’ailleurs à lire cette dernière aventure dans la version en grand format noir et blanc proposée en parallèle, si l’on veut profiter pleinement de son graphisme et de sa mise en scène.
Les Humanos fêtent en effet leur proche anniversaire et la fin de la saga avec plusieurs albums : les deux derniers tomes d’Après l’Incal et de Final Incal, une version limitée en noir et blanc et en grand format du T3 de Final Incal (comme cela avait été le cas avec les deux précédents tomes), ainsi que la parution immédiate en intégrale de Final Incal, pour ceux qui avaient définitivement fait l’impasse sur ce cycle et qui voudraient rattraper leur retard.
Enfin, l’éditeur a la bonne idée de proposer les trois albums de Ladrönn et celui de Moebius dans la même intégrale, que demander de plus ?
(par Charles-Louis Detournay)
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Final/Après l’Incal T3 : Gorgo-le-sale - Par Jodorowsky & Ladrönn - Les Humanoïdes associés
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