Yoshihiro Tatsumi est de ceux-là. Dans les années 70, il a créé un genre nouveau, le Gegika, un courant de BD dont il est le chef de file et qui a eu l’intelligence de s’opposer au paradigme des mangas, trop identifiés par le grand public comme une lecture destinée aux enfants et particulièrement dévolue au registre comique et à la déformation des expressions et des attitudes propre au gag. Le Gegika est ni plus ni moins un courant de BD adulte qui cherchait à s’affranchir de ses aînés et qui instillait dans ses scénarios une observation sociale presque parallèle aux mouvements semblables dans le domaine des comic-books et de la BD franco-belge.
Nous avons déjà évoqué les travaux de Tatsumi lors de la publication de son dernier ouvrage paru chez Vertige Graphic . On retrouve ici trois autres nouvelles de son cru. Tout l’art de Tatsumi est de rendre avec une infinie tendresse les contradictions d’une société aliénante au point de pousser l’homme ordinaire dans les situations les plus extraordinaires : du bon fils contraint à emménager sa vieille mère dans La Colline où l’on abandonne les siens pour pouvoir à son tour fonder un foyer, à la jeune fille violée recueillie par un ami et qui retrouve quelques années plus tard le monstre qui l’a souillée, à l’employé des pompes funèbres qui est amené à enterrer l’amour de sa vie. On le voit, ces nouvelles ne ressortent pas du commun. C’est pourquoi elles sont uniques.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.