C’est presque par accident que le journaliste Pierre Daum s’est intéressé à ces migrants contraints. Un musée du riz, en Camargue, lui apprend qu’on a fait venir de force des indochinois pour travailler en France au début de la guerre, en 1939. Il décide d’enquêter, et de fil en aiguille, retrouve les témoins encore vivants, dans l’hexagone ou au Vietnam. Des vies entières se déroulent, et la parole enfin se libère, notamment grâce à l’intérêt des générations suivantes, plus militantes.
La rencontre entre Pierrer Daum et Clément Baloup fait l’effet d’une évidence : d’un côté un journaliste qui prend un sujet à bras le corps et creuse en toute indépendance, de l’autre un auteur BD déjà investi dans cette mémoire et découvrant tout un pan d’un passé vietnamien sous domination française. Dévoilant les aspects ambigus de l’opération -mélange d’incitation et de contrainte, profitant de la pauvreté dans les campagnes- et l’exploitation quasi-esclavagiste des colonisateurs, l’album raconte aussi une partie de l’histoire de notre pays dans les années 1940.
Ces 20 000 travailleurs se sont partagés entre travaux d’usine et de l’agriculture, apprenant même à des riziculteurs locaux comment faire fructifier les récoltes... Et si la France n’avait pas été vaincue, ces contingents bon marché auraient pu atteindre les 100 000 personnes. Sans oublier ceux qui sont devenus soldats, un sort comparable aux maghrébins et sénégalais intégrés à l’armée de libération en 1944.
Ce nouveau volume des Mémoires de Viet Kieu bénéficie d’une préface de l’historien Benjamin Stora [1] et nous rassure sur la préservation de ce singulier héritage : une association permet désormais de donner une place à ces vietnamiens oubliés.
(par David TAUGIS)
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Le Vaurien
[1] spécialiste notamment de l’Afrique du Nord et de la guerre d’Algérie