La série Kriss de Valnor est l’une des trois branches de la collection spin-off "Les Mondes de Thorgal" assurée par le scénariste Yves Sente (également titulaire de la série régulière Thorgal) en parallèle avec Yann, qui scénarise les séries Louve et La Jeunesse de Thorgal. Un schéma en fin de volume indique que la série Kriss de Valnor se bouclera en huit volumes.
Le projet est ambitieux : il s’agit de créer un univers foisonnant et cohérent à la manière de celui des super-héros américains avec, pour chaque personnage important, un récit des origines, à la manière de ceux expliquant la source des super-pouvoirs des héros US en collants. Pour ce faire, on creuse la jeunesse de chacun des protagonistes principaux, à la manière des séries TV américaines de la nouvelle génération.
Car il y a du Game of Thrones dans ce spin-off où les armées du Sud affrontent les armées du Nord, les croyances polythéistes combattant le dieu unique de l’empereur sudiste Magnus. On y retrouve aussi ces femmes envoûtantes qui jouent un rôle à la fois souterrain et pervers, sacrifiant leur vertu au jeu des alliances. Ainsi, Kriss de Valnor épouse-t-elle Jolan, le propre fils de Thorgal qu’elle avait jadis entraîné par ruse dans une passion fatale...
Mais Yves Sente reste en deçà du côté hard-boiled du modèle original où les scènes explicitement sexuelles caractérisent parfois lourdement, mais aussi sûrement, les personnages. Il n’y a pas non plus l’effet de réalité qu’offre le cinéma. C’est en général sur ces manques que se construisent les grands récits de bande dessinée qui trouvent leur ressort, dans ce que le cinéma ne sait pas faire : l’entrelacement sophistiqué des ellipses, la qualité littéraire explicite de ses dialogues, une capacité à ériger, par petites touches allusives, la caractérisation de ses personnages...
On ne peut pas dire qu’Yves Sente n’y parvient pas : sa maîtrise est évidente. Mais les situations de cet album nous paraissent -pardon pour cette image en rupture avec le décor rustique qui nous est proposé- un peu "téléphonées". À cela s’ajoute une baisse de régime de Giulio De Vita beaucoup moins pertinent dans l’exécution des décors naturalistes qui sont la marque de fabrique du dessin rosinskien.
Pire que tout : les couleurs. Le nouveau duo de coloristes n’a pas la maîtrise du début de cycle. Nous ignorons ce qui a motivé ce changement d’attelage mais, malheureusement, le compte n’y est pas.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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