Non seulement ils s’aiment d’un amour solide mais la lassitude du couple, la tentation de l’adultère, ils en font leur affaire. Étudié, analysé, classé. Tout va bien donc. Les amis n’ont qu’à remballer leur glose. Seulement voilà : Fabrice veut quand même briser la routine et change de look en se rasant le torse et la tête. Surprise, voire effrayée, sa femme Gladys est vite sous le charme. Mais l’effet pervers de ce petit événement, c’est qu’elle commence à vouloir elle aussi, en dehors du foyer, tester son pouvoir de séduction. Au travail, au café, voire même...
Mardon a semble-t-il un projet de triptyque (cf préface de Berberian) autour du couple. Cet univers urbain gonflé de conventions vacillantes, il l’a déjà abordé dans Corps à corps. Et le type qui se rase évoque forcément le roman La Moustache d’Emmanuel Carrère. Pourtant l’histoire nous prend de court en focalisant le personnage de l’épouse, pourtant si sûre de son contrôle émotionnel. Sa métamorphose, bousculant le bon sens de son époux, donne un rythme haletant à ce récit, d’apparence si ordinaire.
Tirant le meilleur de son décor citadin, Mardon adapte son graphisme à chaque scène avec brio. La violence, l’embarras, la séduction et l’érotisme s’épanouissent autant sous son trait.
Mieux encore : le profil de ses personnages donne un piment incontestable à ces poils-là : Fabrice et Gladys évoluent dans des milieux qui s’ignorent : elle, dans celui la pub d’un journal féminin, lui comme gradé d’un commissariat de police. Quelle magistrale mise en orbite de la nouvelle collection "l’extravagante comédie du quotidien", qui réédite également Leçons de choses.
(par David TAUGIS)
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