Deux jurys de présélection distincts ont élu les titres nominés de la compétition officielle.
L’un, spécifiquement dédié au Fauve jeunesse était composé de Stéphane Beaujean, directeur artistique du FIBD, de la responsable du secteur jeunesse du FIBD Ezilda Tribot , des libraires Delphine Becaria (La Sardine à lire à Paris) et Johan Devaux (Librairie Nation à Paris), de la journaliste Juliette Salin (Le Monde des ados), de l’auteure et illustratrice Dorothée de Monfreid et du journaliste BoDoï.com Romain Galissot. Vous avez remarqué ? Trois femmes, trois hommes...
Ce premier jury a sorti 12 titres de son chapeau :
Anders et la comète de Gregory Mackay (Hoochie Coochie)
Ariol t.11 de Marc Boutavant et Emmanuel Guibert (BD Kids/Bayard)
Dans la forêt sombre et mystérieuse de Winschluss (Gallimard)
Hägar Dünor t.1 de Dik Browne (Urban Comics)
Ichiko et Niko t.1 de Lunlun Yamamoto (Kana)
La Jeunesse de Mickey de Tebo (Glénat)
Kanerva de Petteri Tikkanen (Les Requins Marteaux)
Louis parmi les Spectres de Isabelle Arsenault et Fanny Britt (La Pastèque)
Musnet t.1 de Kickly (Dargaud)
My Hero Academia t.1 de Kohei Horikushi (Ki-oon)
Quatre sœurs t.3 de Cati Baur et Malika Ferdjouk (Rue de Sèvres)
Roller Girl de Victoria Jamieson (404 éditions)
12 titres, 12 labels, même si certains (Kana, Urban, Dargaud) appartiennent au même groupe. Les lauréats de ce prix seront attribués par un jury d’écoliers de 8 à 12 ans d’Angoulême et de Poitiers.
Le jury officiel
L’autre jury, qui s’attribue la présélection des autres prix, était composé de Stéphane Beaujean à nouveau, des libraires – Guillaume Dumora (Le Monte en l’air à Paris) et Thi Nguyen (Au repaire des héros à Angers), des journalistes Romain Brethes (Le Point) et Anne-Claire Norot (Les Inrockuptibles), de la scénariste Valérie Mangin et du conseiller scientifique au Musée de la bande dessinée Jean-Pierre Mercier. Là, la parité n’est pas respectée : 4 contre trois. mais c’est pas mal quand même.
Avec un tel jury composé de libraires spécialisés, de journalistes et de supports de presse plutôt considérés comme élitistes et d’un éminent historien de la BD, il ne faut pas s’attendre à un choix orienté vers des produits de grande distribution. Seule l’auteure présente peut éventuellement peser sur un choix qui serait trop cryptique. Les négociations ont dû être dures.
La sélection officielle
Leur choix s’est porté sur 42 titres :
L’Arabe du Futur t.3 de Riad Sattouf (Allary)
Bitch Planet t.1 de Kelly Sue DeConnick et Valentine DeLandro (Glénat)
Ce qu’il faut de terre à l’homme de Martin Veyron (Dargaud)
Chiisakobé t.4 de Minetaro Mochizuki (Le Lézard Noir).
Chronosquad t.1 de Gregory Panaccione et Giorgio Albertini (Delcourt)
Chroquettes de Jean-Christophe Menu (Fluide Glacial)
Coquelicots d’Irak de Brigitte Findakli et Lewis Trondheim (L’Association)
Cul de Sac t.1 de Richard Thompson (Urban Comics)
Le Dernier Assaut de Dominique Grange et Jacques Tardi (Casterman)
Dressing de Michael DeForge (Atrabile)
L’Essentiel des Gouines à Suivre de Alison Bechdel (Même pas mal)
La Famille Fun de Benjamin Frish (çà et là)
The Grocery t.4 d’Aurélien Ducoudray et Guillaume Singelin (Ankama)
Hip Hop Family Tree t.1 de Ed Piskor (Papa Guede)
Histoires croûtes d’Antoine Marchalot (Les Requins Marteaux)
L’Homme qui tua Lucky Luke de Matthieu Bonhomme (Dargaud)
Jupiter Legacy t.1 de Peter Doherty, Mark Millar et Frank Quitely (Panini)
Kobane Calling de Zerocalcare (Cambourakis)
Last Hero Inuyashiki t.6 de Hiroya Oku (Ki-oon)
Lazarus t.4 de Greg Rucka et Michael Lark (Glénat)
La Légèreté de Catherine Meurisse (Dargaud)
Le Mari de mon frère t.1 de Gengoroh Tagama (Akata)
Martha et Alan d’Emmanuel Guibert (L’Association)
Mauvaises Filles d’Ancco (Cornélius)
Megg, Mogg et Owl à Amsterdam de Simon Hanselmann (Misma)
Les Ogres-Dieux t.2 de Bertrand Gatignol et Hubert (Soleil)
Otto, l’Homme réécrit de Marc-Antoine Matthieu (Delcourt)
Patience de Daniel Clowes (Cornélius)
Paysages après la bataille de Philippe De Pierpont et Eric Lambé (Actes Sud BD - Frémok)
Pelotes dans la fumée t.2 de Miroslav Sekulic-Struja (Actes Sud BD)
Perceval de Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg (Le Lombard)
Police Lunaire de Tom Gold (Editions 2024)
Rat God de Richard Corben (Delirium)
Le Remarquable et stupéfiant Monsieur Léotard de Eddie Campbell et Daniel Best (çà et là)
Rocco et la Toison de Vincent Vanoli (L’Association)
Saga t.6 de Brian K. Vaughan et Fiona Staples (Urban Comics)
Shangri-La de Mathieu Bablet (Ankama)
Stupor Mundi de Néjib (Gallimard)
Sunny t.6 de Taiyou Matsumoto (Kana)
Les Trois Fantômes de Tesla de Guilhem et Richard Marazano (Le Lombard)
Tulipe de Sophie Guerrive (Editions 2024)
Vivre à Frandisco de Marcel Schmitz et Thierry Van Hasselt (Frémok)
D’un point de vue statistique, on remarquera que 28 éditeurs sont représentés dont 12 sont à considérer comme des « éditeurs alternatifs », c’est-à-dire de toutes petites structures, quelquefois passées sous les radars des librairies et des médias, y compris comme le nôtre. Une forte proportion qui enjoint le consommateur à se tourner vers la librairie spécialisée plutôt que vers son Carrefour favori. Un choix très urbain aussi. Mais vous allez me dire, avec les libraires en ligne, cette topologie n’a plus vraiment de sens. Voire…
Les vainqueurs de l’année –Dargaud et L’Association, trois nominés chacun- reflètent bien ce grand écart. Comme les outsiders : Glénat, Delcourt, Le Lombard, Urban et Ankama ou Actes Sud qui font pendant, avec deux titres chacun, à çà & là, Cornélius, Frémok et 2024. En même temps, à part Papa Guede, Misma et Même pas mal, il y a un certain conservatisme dans les catalogues choisis qui ont souvent de la bouteille, comme Cornélius qui fête ses 25 ans cette année-ci. Cela dit, avec plus de 300 éditeurs de BD en France et un nombre restreint de place, difficile de faire autrement…
On peut s’étonner cependant aussi de revoir cette année encore un Riad Sattouf déjà largement distingué ces dernières années. Le jury a dû considérer que cette année son album est encore plus exceptionnel que dans les années précédentes… Idem pour les Tardi, Lewis Trondheim, Daniel Clowes, Corben, Jean-Christophe Menu et autres Lucky Luke. Mais peut-on les écarter pour autant dans une sélection officielle ?
Reste que les sagaces membres du jury ne passent pas à côté d’ouvrages que nous avons nous-mêmes salués : La Légèreté de Catherine Meurisse, Stupor Mundi de Néjib, Les Trois Fantômes de Tesla de Guilhem & Richard Marazano, Chroquettes de Jean-Christophe Menu ou encore Ce qu’il faut de terre à l’homme de Martin Veyron…
Neuf prix
Ces prix seront ventilés sur cinq récompenses principales attribuées par un Grand Jury réuni pour le Festival et quatre accessoires :
Le Fauve d’Or – Prix du Meilleur Album. Il récompense le meilleur album de l’année, sans distinction de genre, de style ou d’origine géographique.
Fauve d’Angoulême – Prix Spécial du Jury. Ce prix récompense un ouvrage sur lequel le jury a souhaité attirer particulièrement l’attention du public, pour ses qualités narratives, graphiques et/ou pour l’originalité de ses choix.
Fauve d’Angoulême – Prix de la Série - Ce prix récompense une œuvre développée sur plusieurs volumes (à partir de trois), quel que soit le nombre total de volumes de la série.
Fauve d’Angoulême – Prix Révélation. Ce prix distingue l’œuvre d’un auteur en début de parcours artistique, dont la bibliographie professionnelle ne peut compter plus de trois ouvrages.
Le Fauve Patrimoine le dernier de ces prix et sort du choix de ces 42 titres. Il porte sur des titres réédités qui ont plus de vingt ans. Elle nous semble manquer d’un acteur important : les éditions Dupuis dont les Intégrales sont en général remarquables. Pourtant, Dupuis fait son grand retour au festival cette année...
Voici le choix du jury :
Les Aventures de Red Rat t.1 de Johannes Van de Weert (Black Star Editions)
Un Grand Jury présidé par une femme
On se souvient du scandale de l’année dernière suite à l’absence de femmes dans les Grands Prix. Pour parer à cette critique, la présidence de ce jury est attribuée à une femme, l’autrice [1] britannique Posy Simmonds (Gemma Bovery, Tamara Drewe, Scènes de la vie littéraire) qui, soit dit en passant, entend et parle très bien le français.
Elle sera entourée de Marius Chapuis, journaliste à Libération, de l’écrivain Mathias Enard, de l’humoriste et actrice Nora Hamzawi, du scénariste de BD Jean-David Morvan, de la libraire Vo Song Nguyen (Millepages) et de la journaliste de Elle, Catherine Robin. 3 mecs, 3 filles, la parité est assuré, ouf ! Elles restent cependant largement minoritaires dans la sélection…
Les prix des sponsors
C’est un processus obligé : les sponsors (les communicants préfèrent le mot « partenaires ») qui soutiennent financièrement le FIBD sont attachés aux prix. Ils sont deux :
Le Fauve d’Angoulême – Prix du public Cultura (ne cherchez pas : ce n’est pas encore sur leur site est attribué au terme d’un vote du public sur Internet (site Cultura), et au sein de l’Espace Cultura pendant le Festival. Le public de Cultura, donc, élit son album préféré parmi 12 titres de la Sélection officielle préalablement sélectionnés par un comité de lecture composé de libraires de la chaîne de libraires Cultura.
La Sélection Polar / SNCF est dédiée à une littérature de genre. Sa distinction tient uniquement au sponsor, la SNCF, qui, par ailleurs, promeut un prix littéraire dans le même registre. On y retrouve la même volonté de promouvoir les petits labels. En voici la liste :
Dans l’ensemble, donc, la sélection 2017, comme chaque année depuis plusieurs années, s’emploie à donner une prime à la découverte et à soutenir la bande dessinée alternative. Comme les grands éditeurs ont les moyens de promouvoir leurs titres, on peut considérer que c’est une bonne chose et que le FIBD donne là aux petits labels les moyens d’obtenir une visibilité qu’ils n’auraient pu financer. Mais, en contrepartie, le « grand public » continuera sans doute à ne pas se reconnaître dans un choix qui leur passe souvent au dessus de la tête.
Il faudrait vous parler aussi des prix « Découvertes » : Les Prix du concours de la bande dessinée scolaire, le Prix Jeunes Talents, le Prix RévélatiONline et le Challenge digital, mais cela fera l’objet d’un autre article.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême – Du 26 au 29 janvier 2017
Photos (sauf mention contraire) : D. Pasamonik (L’Agence BD)
[1] Autrice ou auteure ? Le choix est laissé à l’intéressée. On ne dit pas « acteure », « créateure » ou « sénateure ». Le FIBD a donc choisi d’élire une autrice.
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