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« Les Rudes Etudes de Bitchy Bitch » par Roberta Gregory - Editions Vertige Graphic

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 12 février 2005                      Lien  
Troisième volume de la saga de Bitchy Bitch, la très furieuse héroïne de Roberta Gregory, auteure et éditrice indépendante américaine. Un portrait saisissant de vraisemblance, décapant, drolatique et tellement authentique, de l'Amérique des années 70.

Quand on fera l’étude culturelle de notre époque au 22ème siècle et que l’on tirera un bilan des années Georges W. Bush aux Etats-Unis, se posera inévitablement cette question : « Comment ont-ils fait pour en arriver là ? ». Une partie de la réponse se trouvera dans les œuvres de Roberta Gregory.

Son père dessine « Donald Duck »

Roberta est née dans les années cinquante. La BD, elle connaît, elle est tombée dedans quand elle était petite : son père dessinait Donald Duck pour les studios Disney. Quand elle se met au dessin, en 1976, le mouvement underground impulsé par Crumb et les autres touche à sa fin. Adhérente au mouvement lesbien américain, Roberta auto-édite l’un des tout premiers comics féministes et lesbiens, et livre ses premières bandes à des revues alternatives comme Gay Comix. Elle vit de petits jobs et, depuis des années, la BD est pour elle un à-côté qui ne nourrit pas sa bonne femme mais qu’elle maintient, contre vents et marées, par nécessité vitale.

« Contre Crumb... En fait, tout contre... »

Dans ses petits jobs, elle décroche un jour un poste de maquettiste chez Fantagraphics, la grande figure de l’édition alternative américaine. Entre BD pornos (l’éditeur, pour survivre, y consacre une partie conséquente de sa production) et BD d’avant-garde, elle tombe sur les travaux de Crumb, dont Fantagraphics publie les œuvres complètes. Elle admire certes la figure de proue de l’underground américain mais elle est horrifiée par le machisme qui se dégage de ses BD. Elle décide de créer Bitchy Bitch, un antidote contre les œuvres de Crumb où les hommes seront remis à leur vraie place.

« Je ne suis pas Bitchy Bitch »

Vertige Graphic vient de publier le troisième volume de ses mésaventures (le premier était paru chez Bethy). L’excellente traduction qui en est faite est due à notre collaborateur François Peneaud qui a bien du mal parfois à transposer le caractère référentiel et typiquement américain de certains dialogues. « L’histoire de Bitchy Bitch n’est pas du tout la mienne. Je n’ai jamais été hippie quand j’étais au lycée, je ne suis pas tombée enceinte, je suis restée beaucoup plus de temps en fac qu’elle...  » avait-elle déclaré à Jade il y a quelques années.

Une lourde hérédité

Et, de fait, énervée, obtuse, raciste et antisémite, se méfiant des hommes comme des femmes (surtout quand elles sont lesbiennes), comme dit Roberta, « Elle comprend ce qui se passe autour d’elle, mais elle n’arrive pas à résoudre ses propres problèmes. Sa vie ne changera pas tant qu’elle ne fera aucun effort sur elle-même.  » Il faut dire qu’elle porte une lourde hérédité : son père est anticommuniste, raciste et peut être classé dans la catégorie des fachos ; sa mère est une grenouille de bénitier davantage préoccupée de savoir si sa fille a des petites culottes propres et de bonnes fréquentations que de son avenir. Ses géniteurs ressemblent à s’y méprendre à des électeurs de Georges W. Bush.

C’est là que la lecture de Roberta Gregory prend toute sa valeur. Dans le cadre des aventures de son héroïne, une « éducation sentimentale » écrite par une sorte de Brétécher déjantée, on découvre un prototype de la working class woman américaine, frustrée et agressive, désabusée et apolitique, dont l’idéal hédoniste est sans cesse réprimé par une réalité sordide et matérialiste. Après sa première cigarette de shit, ses premières (et désastreuses) expériences sexuelles menant à un avortement clandestin, voici les études de Bitchy, une séquence de sa vie où nous reconnaîtront sans peine quelques fragments de la nôtre. Un album à lire en parallèle avec le Blankets de Craig Thompson, pour mieux comprendre de quoi est faite l’Amérique profonde.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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