L’idée est venue de Dupuis. Que faire pour accompagner le lancement du 61e album des Tuniques bleues signées Raoul Cauvin et Willy Lambil, après l’exposition des 60 ans de nos uniques Tuniques au Centre Belge de la BD en 2016 ? L’idée est venue de faire quelque chose au Musée du Cheval à Chantilly. Elle a été accueillie avec enthousiasme par Aurore Bayle Loudet, directrice du musée qui s’est aussitôt mise au travail avec la commissaire Christelle Pissavy-Yvernault pour intégrer une trentaine de planches originales de Willy Lambil dans une collection prestigieuse racontant l’histoire du cheval et l’art de la cavalerie.
Willy Lambil était là, visiblement impressionné, d’autant qu’à la fin de l’exposition, un de ses dessins sera intégré dans la collection du Domaine de Chantilly, déjà riche de toiles de Raphaël, de Nicolas Poussin ou d’Ingres ! Le lieu est somptueux. Il a été fondé au XVIe siècle par Anne de Montmorency, a appartenu aux princes de Condé, et après bien des péripéties, a été offert à l’Etat par un prince-collectionneur, cinquième fils du roi Louis-Philippe, Henri d’Orléans Duc d’Aumale.
L’exposition met en perspective toute la série (elle commence avec une planche de Salvérius) en situation avec les différentes salles du Musée du Cheval situées dans les Grandes Ecuries avec son dôme magnifique transformé en salle de spectacle. Quand nous l’avons visité, justement, on y faisait les essais pour le spectacle de Noël. Fascinant. Lors de la visite la directrice du musée nous explique son étonnement de constater l’exactitude de la représentation des chevaux, alors même que Willy Lambil n’a jamais monté à cheval, au contraire de Morris et de Derib, par exemple. C’est la preuve d’une documentation solide.
Évidemment, lors des discours de l’inauguration, l’administrateur du musée, le général (et cavalier) Jérôme Millet n’a pas manqué de faire remarquer à son hôte l’antimilitarisme affiché de Blutch par rapport au va-t-en guerre de Chesterfield, ce qui le dérangeait quelque peu. « - Ah mais, a répondu Lambil, je ne suis que le dessinateur ! J’ai fait mon service militaire et j’en ai été très content ! » « - Notez bien que c’est la guerre qui est dénoncée et en aucun cas les soldats qui font un métier très honorable » a-t-il ajouté.
Ce qui frappe, c’est la qualité des planches de bande dessinée présentées. On a rarement l’occasion de voir le travail du dessinateur belge sur ses originaux. Et là, on ne peut que s’étonner : le trait est d’une clarté exemplaire et le dessin vraiment très solide, avec quelques moments naturalistes, car notre homme aime dessiner les animaux. Il avait commencé comme lettreur (en flamand, s’il vous plaît) aux éditions Dupuis. Il dessinait la série Sandy & Hoppy (24 épisodes) que Dupuis n’envisageait pas de publier en albums car le dessinateur était l’employé des éditions Dupuis : « - Un employé, vous n’y pensez pas ! », aurait dit l’éditeur de Marcinelle. [1] Il a fallu la tragique circonstance du décès du dessinateur Louis Salvérius en 1972 pour que Lambil reprenne avec brio la série scénarisée par Raoul Cauvin, eyt avec le succès que l’on sait : 26 millions d’albums vendus à ce jour.
Il fallait bien un musée prestigieux pour accueillir ce « probe artiste » qui s’est toujours mis au service d’un scénario malin, enjoué, formidablement dialogué et sans l’ombre d’une prétention (ce qui l’éloigne à jamais d’une certaine critique…). Cauvin trouve à chaque fois le « twist » pour surprendre le lecteur sur des ressorts pourtant passablement amortis, et ça marche à chaque coup, comme dans cet album-ci. Chantilly est en vue… « Chaaargeeez !!! », comme dirait Stark.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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[1] Ils ont fini par être publiés par les éditions Magic Strip, Dupuis réalisant le 24e dans la collection Péché de jeunesse…