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Les auteurs doivent-ils céder leurs droits cinématographiques à leur éditeur ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 25 mars 2009                      Lien  
Lors d’un débat au dernier Salon du Livre, Frédéric Beigbeder s’était insurgé contre la SCELF, le syndicat des éditeurs français en charge de la promotion des droits cinématographiques. Il reprochait en substance aux éditeurs de prendre 50% des droits d’exploitation cinématographique, alors qu’un agent ne demande que 20%, voire dans certains cas 10%.

Tandis que le Forum international Cinéma et Littérature ferme ses portes ce dimanche, concurrencé la même semaine par la SCELF (Société civile des Éditeurs de langue française) qui organisait une manifestation concurrente dans le cadre du Salon du Livre de Paris, la question se posait du fossé de plus en plus profond entre les auteurs qui gardent leurs droits cinématographiques et qui en confient la gestion à un agent, et ceux qui cèdent ces mêmes droits dans le cadre du contrat d’édition qu’ils signent avec leur éditeur.

On connaît l’anecdote : Peyo qui avait cédé ses droits dérivés à Dupuis vint le voir au milieu des années soixante pour lui demander de produire des jouets, un fabricant lui ayant demandé la licence de le faire. La main sur le cœur, Charles Dupuis, un honnête homme, jura que jamais il ne vendrait de jouets et lui rendit les droits. Ce qui fit de Peyo un homme riche. Il n’en était pas de même pour les droits cinématographiques. Dès 1964, à l’imitation des éditions du Lombard qui venaient de créer Belvision, Dupuis avait créé son propre studio d’animation pour la télévision, les Studios TVA.

Les auteurs doivent-ils céder leurs droits cinématographiques à leur éditeur ?
Au Forum de Monaco :Le dessinateur Philippe Druillet, l’actrice Jeanne Moreau, l’écrivain Didier Van Cauwelaert et la réalisatrice Josée Dayan. Tous travaillent avec des agents.
Phooto : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Des droits très encadrés

Depuis 1957, les éditeurs français ont obligation de proposer aux auteurs un contrat cinématographique distinct du contrat d’édition. Le plus souvent, les auteurs signent sans réfléchir. « La différence entre mes collègues et moi, disait Peyo, c’est que je lis le contrat avant de signer. » Cette faculté lui permit peu ou prou de défendre mieux ses intérêts que certains autres de ses petits camarades.

Clément Oubrerie. Le dessinateur de "Aya de Yopougon" est associé avec Sfar dans une société qui produira "Le Chat du Rabbin"
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Plusieurs pratiques ont existé : Hergé avait conservé ses droits, de même que René Goscinny ou Jean Van Hamme. Les deux premiers ont toujours négocié directement avec les producteurs, avec un avocat à leur côté. Van Hamme en revanche a élaboré un véritable partenariat avec Media-Participations pour gérer les droits de XIII ou de Largo Winch, Dupuis étant souvent co-producteur de ces films. Mais l’auteur du Milliardaire en Blue Jeans, garde en permanence la haute main sur les décisions prises. D’autres procèdent autrement : un agent, qui n’est pas leur éditeur, gère leurs droits en étant parfois bien moins gourmand que le gestionnaire de ses droits d’édition.

Pas si simple

Alors ? Doit-on céder ses droits cinématographiques à son éditeur ? La réponse n’est pas aisée : souvent les éditeurs considèrent que le crédit qu’ils apportent à l’œuvre en la publiant et le risque qu’ils prennent en la mettant sur le marché, justifie qu’ils puissent récupérer leur mise sur les droits d’adaptation cinématographique. Mais ce faisant, ils les laissent souvent dormir pendant une très longue période, négligeant même parfois d’exploiter l’œuvre principale. Une cession brouillonne des droits peut parfois hypothéquer une œuvre pour longtemps. Il convient donc d’être prudent.

Si ces dernières années, en raison de la multiplication des adaptations de bande dessinée à l’écran, les éditeurs sont sur ce point bien plus dynamiques qu’avant, il n’en reste pas moins que l’auteur se trouve fort démuni face à un éditeur qui détient ses droits mais qui n’en fait rien. Par ailleurs, tant que l’auteur n’est pas un best-seller confirmé, un agent ne s’y intéressera que peu, car il y a trop peu d’argent à gagner. Que faire alors ? Suivre le conseil de Peyo : lire le contrat avant de le signer, et négocier. Il est normal que si, au bout d’un certain temps, le travail de l’éditeur s’avère infructueux, il passe la main à des agents plus aguerris que lui. Un syndicat d’auteurs, le SNAC peut aider l’auteur à négocier ce type de contrat qui prévoit des clauses de sortie au cas où l’exploitation deviendrait stérile.

Tomer Sisley (Largo Winch à l’écran), Nathalie Gastaldo, productrice du film Largo Winch, et Philippe Druillet
Photo : D. Pasamonik. (L’Agence BD)

Mais là-aussi, le rapport de force existe. Un jeune auteur qui n’a jamais publié aura nettement moins de marge de négociation qu’une star courtisée par tous les labels. Joann Sfar négocie les droits comme il l’entend. Il a même créé avec des amis sa propre boîte pour les produire : Autochenille productions. D’autres n’ont pas cette chance. Une franche discussion avec son éditeur et une évaluation concertée des différentes hypothèses dans tous les cas de figure avec l’aide conseils expérimentés peut permettre d’éviter bien des déceptions ou, à tout le moins, de prendre des risques en connaissance de cause.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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15 Messages :
  • Le problème avec ce sujet, c’est qu’on arrive vite à une caricature du gentil auteur qui ne pense qu’à la création contre le méchant éditeur qui ne pense qu’à l’argent.
    Ici aussi, l’article pour ses trois quarts au moins présente le point de vue de l’auteur plus que celui de l’éditeur, qui est évacué en une phrase.

    Quelques précisions : à partir du moment ou l’éditeur participe activement à la notoriété de l’œuvre, en finançant la création, en diffusant l’œuvre auprès du plus grand nombre, en permettant finalement qu’elle existe, tout simplement, on peut considérer que l’éditeur est un partenaire de l’auteur, d’où la fameuse répartition 50/50. On est bien loin du rôle d’agent qui prend en main la destiné de l’œuvre APRES sa création…
    De plus, dire que l’éditeur peut hypothéquer une œuvre pendant de longues années n’est pas juste. Rien n’interdit un auteur de chercher des producteurs avec ou sans l’aide d’un agent. Souvent il est prévu que la répartition entre l’auteur et l’éditeur tombe à 60/40 quand c’est l’auteur qui amène l’affaire… (Cette différence permet par exemple qu’un agent prenne ses 10% sans toucher à la part auteur).
    Pour finir, il est évident qu’un auteur confirmé aura plus de facilité pour négocier un pourcentage en sa faveur. On revient à ce qu’on disait plus haut au sujet de la part de l’éditeur dans la notoriété d’une œuvre…

    Pour faire simple, imaginons les choses autrement : l’auteur n’a qu’à commencer par proposer son œuvre à un producteur, une fois le film réalisé il sera toujours temps de songer à son adaptation en BD. À mon avis, le problème de surproduction de la BD va vite être réglé…

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    • Répondu par Bob l’éclair le 26 mars 2009 à  00:45 :

      Les éditeurs semblent hargneux aujourd’hui... lol...

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    • Répondu le 26 mars 2009 à  08:09 :

      Si un auteur vend les droits d’un livre à un éditeur, il est tout à fait justifié qu’il lui donne avec sa maison en hypothèque, qu’il lui donne les clés de sa voiture, son chien et sa collection complète de Mickey Magazine... Bin voyons.

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    • Répondu le 26 mars 2009 à  08:31 :

      "Rien n’interdit un auteur de chercher des producteurs avec ou sans l’aide d’un agent. Souvent il est prévu que la répartition entre l’auteur et l’éditeur tombe à 60/40 quand c’est l’auteur qui amène l’affaire…"

      L’argument totalement absurde. Il faudrait vraiment être un nigaud pour y trouver un avantage.
      Soyons sérieux, si un auteur cherche un producteur, il a encore plus intérêt à ne pas céder ses droits audiovisuels à son éditeur et à confier la gestion de son affaire à un agent.

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      • Répondu le 26 mars 2009 à  11:49 :

        Il serait en effet bon de ne plus considérer les auteurs comme des imbéciles naïfs, ce sont des adultes réfléchis, pas des enfants à qui il faut tenir la main.

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    • Répondu par cyril pedrosa le 26 mars 2009 à  11:59 :

      Quelques précisions : à partir du moment ou l’éditeur participe activement à la notoriété de l’œuvre, en finançant la création,

      Plutôt que "financer la création", il me semble qu’il serait plus exact de dire que l’éditeur achète à l’auteur le droit d’exploiter sous différentes formes ( qui varient en fonction des contrats) l’oeuvre d’un auteur.
      Ce n’est pas tout à fait la même chose.
      Le principe, donc, c’est que la rémunération de l’auteur est une contrepartie de cette cession de droits.
      L’éditeur essaie d’obtenir la plus grande cession de droits possible, pour le moindre coût, et l’auteur essaie d’obtenir la plus grande rémunération possible en cèdant le moins de droits possible.
      C’est normal.
      Chacun essaie de défendre ces intérêts.
      Le problème n’est pas qu’il y a des gentils auteurs qui ne pensent qu’à l’art et des méchants éditeurs qui ne pensent qu’à l’argent.
      Le problème est que cette négociation se fait sur un rapport de force, rarement à l’avantage de l’auteur.

      en diffusant l’œuvre auprès du plus grand nombre,

      C’est à dire que si un éditeur ne s’engage pas à diffuser auprès du plus grand nombre l’oeuvre d’un auteur, je ne vois pas pourquoi cet auteur lui cèderait le droit d’exploiter son oeuvre sous forme de livres.
      Si l’éditeur ne fait pas ce travail de diffusion, il ne fait pas son travail tout court.

      en permettant finalement qu’elle existe, tout simplement, on peut considérer que l’éditeur est un partenaire de l’auteur, d’où la fameuse répartition 50/50.

      Non, la répartition 50/50 n’est pas liée au fait que auteur et éditeur sont des partenaires.

      Il convient d’abord de rappeler que la cession de droits audiovisuels ne rentre pas dans le cadre des contrats d’édition.
      Un contrat d’édition, c’est un engagement entre un auteur et un éditeur autour du livre : l’auteur permet à l’éditeur d’exploiter son oeuvre, sous forme de livre ( et de droits dérivés du livre si l’auteur les cède) et l’éditeur s’engage à publier et diffuser cette oeuvre contre rémunération ( en général une avance sur droits, qui est une sorte de minimum garanti et des pourcentages sur l’exploitation de l’oeuvre).
      Avec ce contrat d’édition, l’éditeur est donc d’ores et déjà rémunéré pour le fait d’avoir diffusé le livre (et d’avoir participé à la notoriété de l’oeuvre, mais l’éditeur n’a pas d’obligation de réussite en la matière....)

      Pour l’audiovisuel, l’auteur cède ces droits dans un contrat à part ( qui n’a rien à voir avec le fait d’avoir céder ces droits pour le livre).
      L’auteur n’a en général pas de minimum garanti (pas d’avance sur droits sur cette exploitation audiovisuelle), l’auteur n’a pas de garantie que l’éditeur va effectivement exploiter cette oeuvre sous des formes audiovisuelles ( l’éditeur s’engage à "prospecter suivant les usages dans la profession" ce qui est un engagement assez vague)...
      Concrètement, l’auteur cède, la plupart du temps, ces droits sans engagement de l’éditeur, , pour une durée allant jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur, sans autre contrepartie que "le jour où il ya aura une adaptation, l’auteur percevra 50% des droits."

      Ce 50/50 est imposé par les éditeurs comme taux de base. Il est négociable, mais difficile à négocier. Cette négociation est le fruit d’un rapport de force, certes courtois, mais d’un rapport de force tout de même.


      On est bien loin du rôle d’agent qui prend en main la destiné de l’œuvre APRES sa création…

      Effectivement. Un auteur est lié à un agent pour une durée limitée : un an, deux ans, reconductible. Si l’auteur estime que son agent défend mal ces intérêts, il peut interrompre la collaboration.
      Si un auteur estime que son éditeur défend mal ses intérêts, il ne peut rien faire.
      Ensuite, un agent gagne sa vie en percevant 20% des sommes obtenues grâce à son intervention. Si il n’obtient rien, il ne gagne rien. C’est son travail, à plein temps.

      Alors qu’un éditeur fait des livres.
      Le fait d’avoir les droits audiovisuels est d’avantage pour lui un patrimoine dont il dispose ( et qu’a perdu l’auteur) et dont il bénéficiera si un jour une adaptation audiovisuelle voit le jour.
      Bien sûr, certains éditeurs prennent des initiatives, essaient de trouver des perspectives audiovisuelles aux oeuvres, mais ils n’y sont pas tenus. Et ils ont rarement d’engagements contractuels sur ce point avec les auteurs.

      De plus, dire que l’éditeur peut hypothéquer une œuvre pendant de longues années n’est pas juste. Rien n’interdit un auteur de chercher des producteurs avec ou sans l’aide d’un agent. Souvent il est prévu que la répartition entre l’auteur et l’éditeur tombe à 60/40 quand c’est l’auteur qui amène l’affaire… (Cette différence permet par exemple qu’un agent prenne ses 10% sans toucher à la part auteur).

      Rien n’interdit effectivement à un auteur de faire ce que l’éditeur devrait faire en contrepartie des droits audiovisuels qu’il a obtenu.
      Mais si l’auteur trouve un producteur, pourquoi devrait il céder 40% des droits à son éditeur ? Cette rémunération est une contrepartie de quel service, de quel travail ?

      Je pense qu’il serait bon que les auteurs mesurent que ces droits audiovisuels ont une valeur . Parce qu’ils ont une valeur, les éditeurs souhaitent les acquérir, ce qui est compréhensible. Aux auteurs de négocier au mieux, pour obtenir une rémunération juste de la valeur de ces droits, et des conditions d’exploitation qui défendent au maximum leurs intérêts (durée de cession, engagements de l’éditeur, répartition des rémunérations).

      Pour finir, il est évident qu’un auteur confirmé aura plus de facilité pour négocier un pourcentage en sa faveur. On revient à ce qu’on disait plus haut au sujet de la part de l’éditeur dans la notoriété d’une œuvre…

      La part de l’éditeur dans la notoriété d’un auteur, est la même que la part de l’éditeur dans l’absence de notoriété d’un auteur, soyons raisonnable.
      En réalité, un auteur confirmé, et informé, qui a l’habitude de négocier, qui sait qu’il peut être publié ailleurs, qui arrive à estimer la valeur artistique et commerciale de son oeuvre, aura effectivement plus de moyens d’obtenir que le contrat soit d’avantages en sa faveur.

      Pour faire simple, imaginons les choses autrement : l’auteur n’a qu’à commencer par proposer son œuvre à un producteur, une fois le film réalisé il sera toujours temps de songer à son adaptation en BD. À mon avis, le problème de surproduction de la BD va vite être réglé…

      C’est tentant.
      L’auteur peut aussi commencer par proposer son oeuvre à des éditeurs étrangers, en cédant les droits un à un, pays par pays.
      Vous avez raison, il faut encourager les auteurs à prendre conscience de la valeur des droits de l’exploitation de leur oeuvre et à les gérer eux même.
      Très bon conseil.

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      • Répondu le 26 mars 2009 à  13:40 :

        Cher Cyril, je vais tenter de répondre à votre réponse…

        Malheureusement, comme souvent à ce sujet, nous donnons l’impression de participer à un dialogue de sourds.
        Je me suis mal fait comprendre sur les précisions que j’essayais d’apporter. Tentons d’être plus clair.

        Mon objectif était de faire valoir le point de vue de l’éditeur. Je n’avais pas l’intention de convaincre qui que ce soit mais plutôt d’enrichir le débat en expliquant pourquoi un éditeur trouve légitime de partager à 50/50 les fruits de l’adaptation d’une œuvre qu’il a publié. L’idée selon laquelle "l’éditeur essaie d’obtenir la plus grande cession de droits possible, pour le moindre coût" est une vision simpliste (mais largement répandue, certes) du métier d’éditeur. Si l’on poursuit le débat sur ces bases, sans chercher à comprendre le point de vue de l’autre, dans dix ans rien n’aura bougé…

        Le problème c’est que dès le départ vous niez le fait que l’éditeur finance la création d’une œuvre. Vous posez comme base que l’œuvre préexiste à la signature du contrat. C’est parfois le cas, ce fut très longtemps le cas, au temps où l’éditeur était plutôt un imprimeur/libraire auquel un auteur confiait le soin de publier un texte qu’il avait entièrement rédigé. Les deux partenaires se partageant ensuite les fruits des ventes de l’ouvrage.
        Le métier d’éditeur a un peu évolué. Aujourd’hui, dans la grande majorité des cas et notamment en ce qui concerne la bande dessinée, l’auteur vient proposer un projet à un éditeur. Si aucun éditeur n’accepte le projet, il est plus que probable que l’œuvre n’existera jamais. L’auteur proposera autre chose…
        Si le projet est accepté, l’éditeur payera une avance sur recette et non une rémunération. Il s’agit d’avancer de l’argent sur les droits à venir qui reviendront à l’auteur suite à la vente de son œuvre. Cet argent est destiné à permettre à l’auteur de se financer pendant la durée de création de l’œuvre.
        Après viennent les questions concernant la rentabilité de cette opération pour l’éditeur, si les ventes de l’œuvre permettent effectivement de couvrir l’avance qui a été faite ou non, l’équilibre au sein d’un catalogue entre les titres qui se vendent bien et qui permettent de financer les autres titres, les auteurs qui prendront leur essor si on leur en laisse le temps… le métier d’éditeur en somme. Mais ce sont là d’autres sujets.

        Si déjà on comprend dans quelle mesure un éditeur finance bien la création d’une œuvre et si on parvient à comprendre pourquoi un éditeur, de son point de vue, a l’impression qu’il est un partenaire de l’auteur et qu’ainsi il participe à l’existence de l’œuvre, alors on fait un grand pas en avant et on peut commencer à discuter des points suivants de mon premier message. Mais si ce n’est pas le cas, alors il n’y a pas de débat, les auteurs continueront de discuter entre eux et la question de la cession des droits cinématographiques restera sans suite…

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        • Répondu par cyril pedrosa le 27 mars 2009 à  11:42 :

          Je suis ravi que vous ayez pris le temps de répondre à mon intervention.
          Je ne vous reproche nullement de faire valoir le point de vue de l’éditeur, cela me parait tout à fait légitime.
          Je ne suis pas sourd du tout à vos arguments, je ne suis simplement pas d’accord avec eux, et j’essaie d’apporter la contradiction.

          Je ne pose pas comme principe que l’oeuvre préexiste à la signature du contrat ( il ne vous a toutefois pas échappé que cela puisse arriver parfois, de la publication de blogs à de nombreux livres publiés par des structures éditoriales de taille modeste, mais de qualité).

          Effectivement, si aucun éditeur ne veut publier un de mes projets, il est probable que je renonce à faire une bande dessinée qui ne sera pas lue ( bien que, si un projet me tient à coeur je puisse envisager de le diffuser par mes propre moyens sur internet : cela m’est déjà arrivé, je n’ai pas gagné d’argent, mais mon travail a été lu).

          Où je ne suis plus d’accord avec vous, c’est lorsque vous dites que les avances sur droits sont un financement de la création.

          D’abord sur le principe, le cadre légal, un auteur cède l’exploitation ces droits contre rémunération. Il n’est pas payé pour sa création, ni pour le travail qu’il fournit.

          Certes, certains éditeurs, proposent à leurs auteurs une "prime à la création".
          Un seul le faisait pour tous "ses" auteurs, et selon mes informations ce temps est révolu.
          Vous n’ignorez pas que ces primes à la création n’apparaissent désormais que dans les contrats sur des livres dont on sait qu’ils vont générer d’importants bénéfices. Je comprends parfaitement la logique économique qui justifie cette situation, mais vous conviendrez qu’il s’agit plus d’une prime au succès qu’un financement de la création.

          Ensuite, dans les faits, je constate que ces avances sur droits ne sont en général pas proposés par l’éditeur en fonction du travail nécessaire à cette création, mais en fonction de critères économiques ( liés à la possibilité d’investissement de l’éditeur, de la rentabilité potentielle du livre) de son lien avec l’auteur ( souhaite t’il entretenir une relation durable avec lui ? souhaite t’il le convaincre de quitter son éditeur habituel pour signer avec lui ?etc etc...) et de la capacité de l’auteur a négocier.

          Ce n’est pas un reproche, c’est un constat.

          Vous n’ignorez pas non plus que dans les faits, ces avances ne permettent pas à de nombreux scénaristes, dessinateurs et coloristes de vivre de leur travail d’auteur.

          Ce qui me parait en revanche indiscutable, c’est que l’éditeur investit de l’argent sur un projet. Pour différents raison, que je ne hiérarchise pas suivant une échelle de valeur : son envie de publier un livre qui lui tient à coeur, son envie de publier un livre qui a un fort potentiel commercial, son envie de fidéliser un auteur, son envie de développer une partie de son catalogue etc etc etc....

          Je ne crois pas qu’il soit faux de dire qu’un éditeur souhaite que cet investissement lui coûte le moins possible, et lui rapporte le plus possible, ne serait ce que pour pouvoir publier d’autres livres.
          Il n’y a rien de scandaleux à cela, et cela n’enlève rien à son désir sincère de publier un livre, ni à la qualité réelle des relations qui peuvent exister entre auteurs et éditeurs.

          Il me parait raisonnable que les droits cédés par l’auteur soit à la mesure de cet investissement.
          Les éditeurs estiment en général que cet investissement justifie d’obtenir les droits audiovisuels, sans autre contrepartie que de verser 50% des droits générés aux auteurs.
          Je pense, et je crois que c’est un point de vue partagé par de plus en plus d’auteurs, que cette position de principe est exagérèment déséquilibrée au détriment des auteurs.
          Et je ne suis pas surpris qu’ils la contestent, et souhaitent de plus en plus négocier sur ce point.

          Sur la relation de partenariat entre auteur et éditeur, et le fait que l’éditeur estime participer à la notoriété d’une oeuvre et d’un auteur, et à ce titre doit légitimement bénéficier des droits audiovisuels, je vais vous donner un exemple simple.

          Je fais tous mes livres chez un éditeur X. Un jour, séduit par un autre éditeur, Y, je signe un contrat avec lui. C’est la première fois que nous travaillons ensemble. Il demande, comme d’habitude les droits audiovisuels. Je lui cède, et par une chance incroyable, ce livre est adapté au cinéma.

          L’éditeur Y percevra 50% des droits.
          L’éditeur X, avec qui j’ai pourtant "construit" ma carrière et mon travail, qui a "contribué" à ma notoriété, et d’une certaine façon, si je suis votre logique, a contribué au succès même de ce livre publié chez Y, ne touchera rien. Pas un centime. Et il ne viendra pas à l’idée de l’éditeur Y de verser une partie des droits générés à l’éditeur X.

          Tout simplement parce que ce n’est pas le partenariat qui est rémunéré, ni la relation auteur-éditeur autour de la création, mais l’investissement.

          Je conçois tout à fait que tout ceci puisse faire débat, qu’il y ait des points de vue contradictoires, et qu’il ne serait pas inutile d’en discuter sérieusement, comme nous essayons de le faire sur ce site.
          Je constate que, pour l’instant, le SNE n’a pas souhaité évoquer ces questions avec le groupement BD du SNAC.

          Je le regrette sincèrement, car à ne pas vouloir parler de nos désaccords, ouvertement, calmement, nous nous enfermons effectivement dans un dialogue de sourds qui ne peut que générer du conflit.
          Je crois que les auteurs sont prêts à en discuter. J’espère que les éditeurs le sont aussi.

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        • Répondu le 27 mars 2009 à  11:43 :

          Cher éditeur caché,
          1/ le contrat d’édition et le contrat audiovisuel sont deux choses distinctes. Quand un éditeur décide de publier un livre, il ne décide pas de produire un film. Donc, il calcule son coup en pensant uniquement à la rentabilité du livre. Tout le reste, c’est que du bonus. Pour le contrat audiovisuel séparé, l’éditeur ne propose rien d’autre qu’un partage 50/50 qui n’est fondé sur rien. Ce contrat d’adaptation, aucun auteur n’est obligé de le signer et cela ne condamnera en rien l’existence du livre. Ou alors, vous proposez 50/50 et en contrepartie, une avance que vous vous rembourserez lorsque vous aurez trouver un producteur pour adapter l’œuvre. MAis quand je dis uen avance, une vraie, proportionnel aux tarifs pratiqués dans l’audiovisuel.
          2/ vous minimisez complètement le rôle d’internet dans le basculement des rapports entre auteurs et éditeurs. Aujourd’hui, si on ne veut pas vous publier, il suffit de créer un blog ou d’ouvrir un site. Si vous avez du talent et êtes un peu malin, vous faites votre propre publicité et lorsque vous avez 30 000 visiteurs par jour, les éditeurs veulent vous publier. Vous avez vraiment tous oublié de penser à un truc fondamental dans les maisons d’éditions, vous n’êtes que les intermédiaires entre le créateur et son public alors que vous pensiez être devenus des décideurs pour l’éternité.

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          • Répondu par Fabien Vehlmann le 27 mars 2009 à  14:30 :

            Attention toutefois à ne pas nous emballer contre nos chers éditeurs... : )
            Cyril l’a bien dit, il n’est pas question ici de nous braquer les uns contre les autres en une guerre de tranchée. Et si internet ouvre effectivement de nouvelles opportunités d’exploitation de nos oeuvres (opportunités dont il serait urgent de véritablement discuter ensemble, soit dit en passant, ce qui n’a pas encore été vraiment rendu possible par le SNE pour le moment), il ne faut pas oublier tout de même que le travail d’un bon éditeur ne se limite pas à cette seule diffusion : dans l’idéal, l’éditeur est aussi là pour accompagner et encadrer le travail des auteurs, et peut jouer un rôle "d’accoucheur" essentiel pour certaines oeuvres difficiles.

            Pour autant, en ce qui concerne la "philosophie" des droits d’auteurs, je suis 100% d’accord avec chacun des arguments explicités par Cyril. : )

            f

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            • Répondu le 27 mars 2009 à  16:07 :

              Il n’est pas question de s’emballer.

              1/ Que quelqu’un m’explique comment se justifient clairement les 50/50 proposés dans les droits audiovisuels ? Vous répartissez les choses comment ? Les arguments du financement de l’œuvre et de l’aide à la construction de la notoriété de l’artiste ne sont pas cohérents. Alors, quoi ? 25 pour les démarches, 20 pour la rédaction des contrats et 5 pour le café ?

              2/ Le futur des éditeurs : une meilleure maîtrise du net et de bons directeurs littéraires. Pas simplement engranger des droits et attendre que quelqu’un frappe à la porte.

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            • Répondu le 29 mars 2009 à  10:44 :

              Cyril, Fabien,

              ce sujet m’intéresse beaucoup et j’apprécie de pouvoir enfin en discuter de manière constructive. Malheureusement cette discussion sous forme de forum a ses limites. Nous intervenons à tour de rôle avec des délais de publication qui, s’ils nous permettent le temps de la réflexion, ne nous laissent pas réagir spontanément. Nous n’avons pas fini d’explorer toutes les facettes d’un argument que d’autres sujets sont mis sur la table…

              C’est avec plaisir que je discuterais avec vous de vive voix, j’en avais déjà parlé avec Julien B., mais ce ne serait que dans le cadre d’une réflexion autour du sujet et non pas d’une négociation car je ne représente absolument pas le SNE. Je ne représente personne d’autre que moi, en fait…

              Cette discussion aurait à mon sens l’avantage de mieux cerner la façon dont les uns et les autres appréhendent cette question et d’affiner vos éventuelles revendications. Cela permettrait de voir quelles sont les contreparties acceptables par les diverses parties…

              Si vous avez du temps libre à me consacrer, essayons de nous rencontrer.

              Pour donner un exemple de l’aspect ping pong infini que prenait nos interventions sur ce forum, j’allais réagir aux propos de Cyril qui dans son dernier post réfutait que les avances sur droits soient un financement de la création.
              Vous essayez de démontrer que ce n’est pas l’éditeur qui rémunère l’auteur et vous avez raison. L’auteur se rémunère tout seul au travers de ses droits sur les ventes. Techniquement ces sommes ne font que transiter sur le compte de l’éditeur, à aucun moment l’auteur ne peut être considéré comme un "salarié" de l’éditeur.
              Mais là, on parle des droits. Moi je parle des avances sur droits et ça change tout.
              Prenons exemple sur une personne obtenant un prêt de sa banque pour financer un projet, un achat, etc… Nous sommes bien d’accord que le client ne devient pas un salarié de la banque pour autant. La banque ne rémunère pas le client et pourtant elle finance bien son projet, non ?
              Loin de moi l’idée de prétendre que l’éditeur est un banquier. Les relations avec les auteurs ne sont et ne doivent pas être de même nature, mais vous conviendrez qu’en payant des avances sur droits l’éditeur finance bien la création.

              Je me répète, si nous pouvions nous accorder sur ce point nous ferions un grand pas en avant et nous pourrions essayer de passer à la suite…

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              • Répondu le 29 mars 2009 à  17:59 :

                L’éditeur n’est pas un mécène et l’argent ne pousse pas dans ses poches. Les avances ne suffisent pas toujours à un auteur pour financer sa création. De nombreux auteurs sont obligés de prendre sur leurs autres revenus : droits qui proviennent d’autres livres, de droits de diffusion TV, de travaux publicitaires, voire de salaires tirés d’autres activités... Par conséquent, il ne faut pas s’étonner que les auteurs soient de plus en plus pointilleux sur la nature des droits qu’ils cèdent.

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              • Répondu par cyril pedrosa le 30 mars 2009 à  09:35 :

                Je suis bien d’accord avec vous, cette discussion sur ce forum, aussi agréable soit elle, a ces limites, et il est frustrant de ne pas pouvoir échanger plus spontanément.
                Je serai ravi que nous puissions organiser une rencontre avec Fabien et Julien B. Les occasions d’échanger et de confronter un peu nos points de vue ne sont pas si nombreuses...
                Et nous commencerons, bien entendu, par parler des à valoirs, "investissement" ou "financement de la création"... ou les deux.
                A bientôt donc.

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  • AMHA, le problème des maisons d’édition soumises à l’obligation de se renouveler, est que leur modèle économique repose d’une part sur une variable connue récurrente, à savoir une niche économique rentable qui répond de manière générale aux attentes du public… et d’autre part un impondérable important : le succès public individuel de leur auteur.

    Elles ont donc sans doute tort de toujours présenter le « risque » encouru comme monnaie d’échange dans les négociations. En réalité si le besoin de nouveauté du public exige bien une prise de risque, c’est parfois d’avantage l’absence de risque qui motive l’éditeur soucieux de "préserver" en toute rentabilité, la recette éprouvée du succès de niche...

    Ainsi, les éditeurs établis ont tendance, en analysant leur succès, à « formater » les jeunes auteurs à des conditions de travail efficaces (financièrement) selon leur analyse, restreignant le plus possible l’impondérable… sans trop tenir compte de la valeur « artistique » originale - pour autant que celle-ci soit définissable.

    L’auteur indépendant qui à un « potentiel » peut certes faire jouer la concurrence entre deux éditeurs et obtenir des réserves sur ses droits (cinématographiques par exemple) transmis sans menacer le modèle économique de la maison d’édition. Mais pour cela, il doit déjà très bien « connaître » la niche éditoriale (avec de préférence des chiffres concrets de vente au préalable… ou de publicité en tête).

    S’il a un très grand potentiel il peut exiger d’être chercher en limousine à l’aéroport, mais s’il est clair que c’est l’éditeur qui constitue son unique « fenêtre » sur le public… il est possible au contraire que cet auteur doive aussi acheter le café à l’épicerie pour l’éditeur de temps à autre ... et signer à 8% plutôt que 10. Quant aux droits cinématographiques, ahem...

    Il peut certes aussi décider de fonder une nouvelle maison d’édition s’il estime à lui seul (ou avec quelques compagnons) constituer une nouvelle niche éditoriale, le coût d’une telle entreprise étant de plus en plus réduit... Néanmoins il devra encore s’associer à des gens de confiance qui lui laisseront en retour le loisir de continuer à exercer son art, car pour être viable, un éditeur doit pouvoir de préférence se consacrer à plusieurs projets sur lesquels se répartiront les risques de l’acceptation publique (principe économique de l’assurance).

    On voit bien que la présence d’éditeurs indépendants ne change en rien la donne éditoriale pour les auteurs en quête de maison d’édition... sinon qu’elle reflète bien le bas prix technique de l’autoproduction

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PAR Didier Pasamonik (L’Agence BD)  
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