Face aux enjeux nouveaux du numérique, de la surproduction et aux autres spécificités découlant de la gestion de leurs droits (droits audiovisuels, droits étrangers, etc.), les auteurs de bandes dessinées se sont mobilisés pour défendre leur travail, voire leur patrimoine. En 2000, une Association des auteurs de bande dessinée (AdaBD) était née à Angoulême. Elle visait la recherche et le partage d’informations entre auteurs francophones de bande dessinée.
Quelques années plus tard, en 2007, le Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs (SNAC) officialisait la présence en son sein d’un « Groupement des Auteurs de Bande Dessinée », plus communément appelé le « Syndicat BD ». Ses missions allaient bien au-delà de celles de l’AdaBD, jusqu’à servir de conciliateur en cas de litige entre ses auteurs adhérents et les éditeurs. Pour des raisons de discrétion, le Syndicat communique rarement sur les dossiers traités.
Or, voici que depuis février 2009, les coloristes ont également créé une association afin de créer une dynamique permettant la reconnaissance artistique de leur travail, ainsi que la création d’un réel statut professionnel.
Car si plusieurs acteurs travaillent sur la réalisation artistique d’une bande dessinée : le scénariste qui invente l’histoire, le dessinateur qui l’illustre, le coloriste parachève le plus souvent cette création par son travail.
Un manque de reconnaissance
Ces différentes pratiques peuvent être réalisées par la même personne. Mais souvent, sous la pression de la production, le dessinateur et/ou le scénariste ne souhaite pas se charger des couleurs, il fait alors appel à un professionnel. Or, le coloriste qui arrive en bout de course du processus créatif est encore souvent considéré comme « une petite main », un exécuteur assujettis aux ordres du dessinateur et de l’éditeur. Alors que l’on sait que certains coloristes apportent parfois à la narration une esthétique et un charme supplémentaire décisif.
Les coloristes souffrent surtout d’un manque de reconnaissance des éditeurs qui préfèrent ignorer leurs revendications. Quelques-uns d’entre eux, néanmoins, créditent aujourd’hui les coloristes sur les couvertures des albums. Mais ils ne sont qu’une minorité. La plupart des coloristes touchent une somme forfaitaire à la page pour la réalisation des couleurs de l’album. Si l’album devient un best seller, cela ne leur rapporte pas un euro de plus. Rare sont ceux qui, comme Christian Lerolle qui touche un droit d’auteur sur la vente des albums (de l’ordre de 0,5 à 1,5% du prix public hors taxes), touchent un droit proportionnel sur leurs réalisations.
En septembre 2005, ce coloriste expliquait à notre collaborateur Laurent Boileau : « Ce qui me dérange, c’est le fait que les contrats parlent de "rétrocession". Pour que j’aie 1%, scénariste et dessinateur acceptent de me céder chacun 0,5% de leurs droits d’auteurs. Ce qui place le coloriste dans une position de "mendicité". Ce n’est ni agréable, ni valorisant, ni épanouissant. ».
L’Association des Coloristes de BD (AdcBD) souhaite changer les choses. Dans un communiqué, elle dresse ses principaux objectifs. Le premier d’entre eux est de « Penser et expliquer ce qui fait la spécificité du métier. [Cela] nous permettra de démontrer, autant que faire se peut, l’apport du coloriste dans l’élaboration de l’œuvre. La collaboration entre dessinateur et scénariste [doit] se faire sans qu’aucun soupçon de subordination ne soit présent. Alors que, trop souvent encore, la collaboration d’un coloriste et d’un auteur s’envisage comme une collaboration ‘forcée’ où le coloriste serait la petite main de ‘l’auteur de l’œuvre’. »
L’AdcBD se demande pourquoi le coloriste n’est-il pas considéré comme « co-auteur » de l’œuvre ou simplement « l’auteur de ses couleurs ». Reconnaissant que les esprits s’enflamment lorsqu’on aborde ce sujet, l’AdcBD veut, dans un premier temps, porter ses efforts sur une revendication de la généralisation du droit d’auteur en tant que concepteur des couleurs.
L’Association des Coloristes de BD a mis en place un forum pour ses adhérents. Ceux-ci pourront y discuter des problématiques liées à leur métier, que cela soit au niveau artistique, éditorial ou même fiscal.
Cette association saura-t-elle instituer un dialogue entre les éditeurs et les auteurs et se faire respecter ? En ces temps difficiles où les éditeurs rognent sur leurs marges bénéficiaires pour conserver leurs parts de marché, ce n’est pas évident. Par ailleurs, les auteurs sont-ils disposés à diminuer leurs rentrées financières, pour en rétrocéder une partie au coloriste ? Le problème est complexe.
(par Nicolas Anspach)
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Lien vers le forum de l’AdcBD
Le bureau de cette association est composé de Delphine Rieu (présidente), Isabelle Merlet (trésorière) et enfin Angélique Césano (secrétaire)
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