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Les dessins animés d’Albert Barillé intelligemment adaptés par Soleil

Par Charles-Louis Detournay le 3 avril 2017                      Lien  
Près de 40 ans après sa diffusion sur les écrans de télévision, "Il était une fois...L'Homme" créé par Albert Barillé revient dans une nouvelle adaptation en bande dessinée : une petite réussite, respectueuse et pédagogique, de cet univers transgénérationnel.

Pendant des décennies, les dessins animés d’Albert Barillé ont passionné et amusé des générations d’enfants au travers de 120 pays à travers le monde. La recette de ce succès ? Son orientation volontaire vers des animés destinés à la télévision, et l’idée que le temps d’un jeune spectateur peut être employé utilement en le distrayant et l’amusant, mais aussi en lui apportant des connaissances.

Le succès de Colargol (1970), initialement refusé par l’ORTF et qu’il a auto-financé, lui permet de voir plus loin. Grâce au financement cette fois d’une demi-douzaine de télévisions européennes, il crée Il était une fois… l’Homme, une série de 26 épisodes de 26 minutes, chacun étant découpé en cinq petit chapitres et qui étaient notamment diffusés avant le journal télévisé. De l’idée de départ à la postproduction, en passant par l’écriture, l’orchestration et l’enregistrement des voix des personnages, Albert Barillé crée, écrit et suit de bout en bout son projet, afin de maintenir ses objectifs pédagogiques initiaux.

Les dessins animés d'Albert Barillé intelligemment adaptés par Soleil
Dès l’année de sa projection en télévision, une première adaptation en bande dessinée est publiée (1978)

En 1978, dès la diffusion des premiers épisodes d’Il était une fois…L’Homme, un succès sans précédent pour une création télévisuelle française vient saluer cet investissement, et permet de prolonger la saga avec six autres séries de dessins animés au même format : Il était une fois…l’espace, la vie, les Amériques, les découvreurs, les explorateurs, et la Terre. 40 ans après leur création, et malgré les révolutions dans ce domaine, il est particulièrement surprenant de constater que de jeunes enfants continuent d’accrocher directement au rythme, au propos, aux personnages et l’humour d’Il était une fois…l’Homme !

Plusieurs adaptations en bande dessinée

Dès 1978, une collection de 26 fascicules est éditée par Ytra. Utilisant principalement un gaufrier assez sommaire de huit cases, des dessins directement extraits du dessin animé maintiennent le format télévisuel pour transposer chaque épisode en une trentaine de pages. Les commentaires pédagogiques sous les cases reprennent le contenu des voix-off des dessins animés, tandis que quelques bulles (parfois malhabilement tracées çà et là) tentent de donner vie aux personnages. Chaque fascicule de cette première édition regroupe également une double page d’informations générales sur la période évoquée, ainsi que quatre pages de jeux.

Différentes (co-)éditions suivent au cours des années. Aux 26 premiers fascicules brochés, succèdent 13 albums cartonnés co-édités par Ytra et Prodifu, chacun regroupant deux épisodes. Par la suite, Fabri-Hachette démultiplie le récit en 1991 avec 40 fascicules mono-thématiques, tandis que plus tard, Altaya agrémente chaque épisode d’une vingtaine de pages pédagogiques complémentaires, non sans oublier de rajouter le DVD du dessin animé.

Une première adaptation parfois brouillonne

Soleil change la donne

En reprenant cette licence, Soleil en modifie salutairement le graphisme. C’est le studio Minte qui assure désormais les dessins, grâce à un travail nunérique plus conforme au style de lecture actuelle. Ce look moderne n’empêche pas de maintenir l’esprit des origines, car cette nouvelle mouture maintient globalement les cadrages du dessin animé. Repartir des images fortes des épisodes maintient l’esprit de Barillé, tout en permettant à l’ancienne génération de retrouver les scènes marquantes de sa jeunesse. Notons que le studio a tout de même parfois inversé des cadrages, afin de respecter le sens de la lecture de la bande dessinée, ce qui n’était pas le cas dans les versions BD précédentes.

Le point fort de cette nouvelle adaptation est d’éviter les longs récitatifs qui alourdissaient la lecture des moutures précédentes. Les séquences historiques alternent en effet avec des séquences contemporaines, au sein desquelles Maestro, le personnage-phare de la série, donne des explications à un groupe d’enfants, dans le style du dernier-né de cette collection de dessin animé : Il était une fois… la Terre. Plus interactive et pédagogique, cette excellente idée donne du rythme et du recul face aux explications ainsi dispensées. Pour éviter toute confusion, son style graphique diffère des séquences historiques, car il a été confié à Jean Barbaud, le concepteur graphique des dessins animés originaux.

Les deux styles graphiques alternent, pour donner du rythme au récit

Quant au scénario, il a été confié aux bons soins d’un habitué de Soleil, Jean-Charles Gaudin. L’auteur entre autres de Marlysa ou des Arcanes de Midi-Minuit avait déjà prouvé sa dextérité dans l’adaptation dans L’Assassin Royal. Pour Il était une fois… l’Homme, Il a su se placer en retrait pour laisser Albert Barillé prolonger son développement comme il l’aurait certainement souhaité.

En repartant des mêmes sujets et des mêmes images de la série, Gaudin maintient la chronologie globale de chaque épisode. Bien entendu, il use de quelques raccourcis aussi pour maintenir le rythme et ressert parfois des mêmes phrases, repartant des propos d’Albert Barillé (quelques mots de vocabulaire scientifique en moins...), ce qui ne manquera pas d’éveiller une belle nostalgie auprès de certains lecteurs. Le découpage s’est départi du gaufrier hypnotique pour coller à l’esprit de la bande dessinée. Les séquences humoristiques ont d’ailleurs été maintenues, au plus grand bonheur des lecteurs.

Clapotement de l’Histoire

Un autre pari osé et réussi est de ne plus respecter le découpage initial de l’Histoire en 26 épisodes. En effet, le premier album de 44 planches regroupe les trois premiers épisodes de la série. Le contenu est donc plus condensé, mais il était difficile de faire parler les ancêtres de l’Homme sans multiplier les récitatifs. Certains gags ont été retirés, mais l’esprit demeure. Oubliées également quelques branches éphémères de l’évolution, qui ne survivront pas, afin de maintenir la lisibilité et la compréhension.

Notons qu’il est presque impossible de rester au fait des dernières découvertes scientifiques : ainsi, Gaudin reprend l’ancienne croyance que les premiers organismes cellulaires n’apparaissent pas avant trois milliards d’années, alors qu’on vient de découvrir qu’ils étaient largement antérieurs à cette ancienne datation. Qu’importe ! La vulgarisation scientifique peut accepter quelques approximations. Et même si quelques inventions de l’Homme préhistorique ont été également remisées au rang des vieilles lunes, et si d’inutiles redondances d’affrontements entre les tribus subsistent, ce premier tome est une grande réussite, car il se concentre avant tout sur l’évolution : il évite le rythme lancinant des premiers épisodes télévisuels.n.

Le séquençage se modifie

Nouvelle preuve qu’aux yeux des auteurs, le fond doit coller à la forme, le second album de nouvelle mouture ne reprend pas également trois épisodes de la série originelle, mais se focalise sur le quatrième opus, consacré aux Vallées fertiles, et donc surtout à l’Égypte. Avec la même réussite ! Le respect des propos écrits par Barillé, le déroulé général, l’alternance de gags et d’explications, etc. Seule l’incrustation des images réelles des monuments a disparu, certainement pour éviter que ces photographies ne cassent la lecture des plus jeunes.

Si les auteurs ont retiré quelques effets dynamiques, tel le déroulement rapide du chronomètre pour démontrer l’évolution des villes, notons que certains gags irréalistes (tel la pierre des pyramides qui bouge par quelques tapotements de la main) qui étaient drôles en animation mais qui passent moins bien en bande dessinée, ont été également abandonnés. Enfin, laïcité oblige, le halo lumineux autour de la tête de Moïse a disparu : faut-il voir un signe des temps ?

En dépit de son design numérique qui pourrait rebuter au premier abord, cette adaptation est une vraie réussite, mêlant respect de la matière originelle (graphisme, propos, humour, esprit d’Albert Barillé) et trahisons opportunes (mélange de genre et de styles, regroupements thématiques, etc.).

La seule interrogation réside dans le choix des prochains titres. Le troisième tome abordera les Vikings. L’éditeur choisit-il de mettre de côté les Grecs, les Gaulois, les Romains, l’Islam et les Carolingiens pour se concentrer sur une thématique plus commerciale ? Ou ce bond de deux milles ans ne l’empêchera pas de revenir ultérieurement en arrière ? Seule l’Histoire nous le dira...

Soleil vient également de publier le premier tome d’une autre série à succès d’Albert Barillé : "Il était une fois... la vie"

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782302053793

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