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Les pirates d’Hugo Pratt

Par Charles-Louis Detournay le 12 novembre 2010                      Lien  
Attendue depuis longtemps, voici la nouvelle édition de L'Île au trésor de Pratt d'après Stevenson qui retrouve enfin le chemin des librairies, complétée par Enlevé ! qui n'avait plus eu les faveurs d'un réel album depuis plus de trente ans. Nouvelles couleurs et nouvelle maquette : un vrai trésor !

En commentaire du dernier Alix, j’affichais une certaine déception à ne pas trouver un ‘nouveau’ Pratt au catalogue automnal de Casterman. Je fais donc amende honorable, car la nouvelle édition couleur de L’Île au trésor suivie d’Enlevé, est superbe. Dans un format à l’italienne, avec deux strips par page et un cartonnage souple, cette mouture déjà employée pour Sandokan confirme le très bon travail de maquette de la part des éditeurs.

L’Île au trésor : un récit mythique

Les pirates d'Hugo Pratt
Un carton souple entoure le livre en format à l’italienne.

Difficile, voire impossible de ne pas connaître le plus grand roman de Stevenson ! Adapté à plusieurs reprises au cinéma et à la télévision, il est également à l’origine de la série scénarisée par David Chauvel, d’un bel album dû à Faure & Corteggiani, ainsi que du fameux Lord John Silver de Dorison & Lauffray. Le récit débute de manière traditionnelle, dans l’auberge d’un port anglais du XVIIIe. Mais le mystérieux décès d’un marin patibulaire laisse une carte au trésor au jeune Jim Hawkins. Accompagné d’amis, il affrète l’Hispaniola pour aller chercher le trésor du capitaine Flint, sans savoir que les marins du bateau sont tous d’anciens compagnons du pirate, avec à leur tête un certain John Silver, borgne et unijambiste.

Lors de son retour en Europe après son long séjour en Amérique du Sud, Pratt dessina une multitude de récits pour le magazine italien Corriere dei Piccoli, souvent des adaptations de romans d’aventure. Parfois seul aux commandes, mais souvent accompagné au scénario par Mino Milani, il déroutait ses collègues par sa vitesse d’exécution. C’est lors de cette période qu’il a réalisé les deux récits qui nous intéressent, ainsi que Sandokan dont nous avons déjà longuement parlé, et ceci en pleine période de gestation et production d’une certaine Ballade de la Mer salée.

La première mise en couleurs de l’album des Humanos était trop aléatoire : parfois sombre, cachant le trait ; parfois trop peu nuancée quelques pages plus tard.
On notera néanmoins la présence de la documentation à droite de la page.

Les deux récits qui sont repris dans l’album présenté aujourd’hui sont donc des adaptations des deux romans de Stevenson : la mythique Île au trésor, assurément un des meilleurs récits de pirates, et Enlevé - Kidnappé. Toutes deux dessinées alors qu’était en train de naître Corto Maltese, les récits sont emportés et évoquent formidablement l’aventure narrée. La version agrandie qui est ici présentée permet de saisir toute la force de Pratt, dans une part de sa carrière où le détail était encore important : les nervures du bois, les gouttes de pluie, les feuillages des arbres, etc.

Des publications françaises rares, mais perfectibles

Il fallut attendre 1980 pour que les Humanoïdes Associés ne publient alors les deux récits, dans la mouvance des aventures amérindiennes de Pratt. Notons qu’Enlevé ! n’était alors pas présentée sous le titre originel du roman de Stevenson, mais sous celui de son héros David Balfour [1] . Si cette édition avait le mérite de présenter divers croquis marins de Pratt sur une bande verticale des pages de gauche, les couleurs d’Anne Frognier écrasait quelques peu le trait de son ex-compagnon.

La précédente édition de Casterman datait de 1988. Un album rarissime qui vaut autant pour le récit et que pour ses innombrables documents connexes.

Patricia Zanotti retravailla les couleurs du premier récit, L’Île au trésor, dans une splendide édition grand format de Casterman en 1988. Rendant pleinement hommage au trait de Pratt, l’ouvrage était constitué pour moitié de croquis, d’études et de documentation rassemblés pour le travail du récit. De plus, chaque page reprenant 3 strips était introduite par un titre et un dessin original. On comprend facilement que cet ouvrage est un des plus recherchés des amateurs du Vénitien.

Cette nouvelle édition que Casterman nous propose comblera donc le grand public désireux de renouer avec cette bande mythique. De l’ouvrage grand format décrit ci-dessus, Casterman a maintenu l’introduction d’Hugo Pratt, ainsi que quelques-uns de ses croquis. On se rappelle effectivement que Cong, la société gérant les droits des œuvres de Pratt, a décidé que ses illustrations vivraient dans des livres séparés et que les nouvelles éditions profiteraient plutôt d’un reportage photographique contemporain. Cette édition n’y fait pas (malheureusement) pas exception, cars si l’évocation de la vie de Stevenson et du voyage accompli par Pratt sont dignes d’intérêt, le reportage présenté est plus douteux.

La nouvelle présentation reprend deux strips bien visibles, avec en médaillon un dessin en en-tête repris de l’édition de 1988.

Qu’importe, car c’est le récit qui est important ! Chaque double-page de l’Île au trésor reprend d’ailleurs une partie des en-têtes de la mouture précédente, sans les titres bien entendu car le passage de trois à deux strips les vidaient de leur sens. Seul petit bémol dans ce passage à une nouvelle maquette : une des grandes cases finales a été rognée, sans que cela la vide heureusement de son sens.

David Balfour – Enlevé ! – Kidnappé !

Déjà repris dans le hors-série de Bang en 2005 sous le titré Kidnappé !, Enlevé ! reprend donc la dénomination usuelle française du roman de Stevenson. Il évoque les aventures du jeune David Balfour, spolié de son héritage par son oncle, puis vendu comme esclave et contraint à combattre des pirates. Il est finalement traqué dans les Highlands pour son implication dans le meurtre d’Appin.

On l’a compris, Enlevé ! est donc dans la grande mouvance des récits d’aventure. Cette nouvelle édition possède le mérite d’avoir été spécialement remise en couleurs par Patricia Zanotti pour les mêmes raisons qu’expliquées ci-dessus. Des nouvelles couleurs d’ailleurs un peu trop chargées dans les premières pages, mais qui retrouvent vite leur légèreté habituelle ensuite, portant admirablement le récit, laissant respirer le trait de l’auteur.

Après un début aux couleurs très appuyées dans Enlevé !, Patricia Zanotti retrouve la gamme qui rend hommage au travail d’Hugo Pratt.

Malgré quelques cases rognées, cette nouvelle maquette n’apporte donc que des avantages de lisibilité tout en collant fidèlement à l’esprit initial de ces bandes. Un recueil qui vous emportera dans de trépidants récits de pirates pendant vos soirées d’hiver. Dans le même esprit, on souhaite que ce travail de réédition se poursuive avec des récits rares comme L’Assaut du fort ou Sinbad le marin dans l’esprit des collaborations fructueuses de Pratt, ou tels que Ticonderoga et Billy James pour prolonger cette période historique emplie d’aventures.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Toutes les illustrations sont © Cong SA.

[1Dont on connaît l’adaptation par Jacques Laudy dans i>Tintin entre 1952 et 1953.

 
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