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Les représentants des auteurs et des éditeurs s’entendent sur un nouveau contrat d’édition

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 18 décembre 2014                      Lien  
Une cérémonie de signature a eu lieu le 10 décembre dernier sous l'égide du Ministre de la Culture Fleur Pellerin. Un accord qui s'entend sur un contrat-cadre mais dont la question de la rémunération, notamment de l'usage numérique, a été soigneusement écartée jusqu'à présent, tandis que se met en chantier une réforme de la sécurité sociale des auteurs avec "une large consultation préalable des organisations professionnelles concernées" dit la Ministre.
Les représentants des auteurs et des éditeurs s'entendent sur un nouveau contrat d'édition
La Ministre de la Culture Fleur Pellerin a reçu un joli T-Shirt de la part des auteurs présents.

C’était une de ces cérémonies-spectacles dont la République a parfois besoin : dans les locaux du Ministère de la culture, les représentants des auteurs et des éditeurs ont signé publiquement un accord précisant les modalités d’application d’une nouvelle base contractuelle entre auteurs et éditeurs, puis de l’arrêté étendant ses dispositions à l’ensemble du secteur.

Un nouveau contrat présentant de "nouvelles règles du jeu" « ... plus justes, plus modernes et plus simples régissant le contrat d’édition, qui renforceront la transparence des relations contractuelles nécessaire pour bâtir une relation de confiance entre les auteurs et leurs éditeurs  » dit le communiqué du ministère.

La ministre Fleur Pellerin a déclaré : « La réforme du contrat d’édition marque une réforme du droit d’auteur telle que nous n’en avions pas connu depuis plus de cinquante ans. C’est la preuve que le droit d’auteur est souple, qu’il est capable de s’adapter aux grandes évolutions de notre temps. C’est également la preuve que la France est aux avant-postes de la défense du droit d’auteur. C’est la promesse de ces innovations que je porterai à Bruxelles contre ceux qui souhaitent le démantèlement du cadre qui protège ce que nous avons de plus précieux – la création. »

Le T-Shirt offert à la Ministre de la culture.

C’était nécessaire. Face à l’extension du Copyright américain à tous les secteurs culturels et à l’évolution des pratiques culturelles depuis notre entrée dans l’ère numérique, et notamment l’irruption de nouveaux acteurs dans le secteur du livre (Amazon, Google, Apple...), c’est toute sa filière d’exploitation : auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires... qui est ébranlée. Cela nécessite de revenir sur les fondamentaux : la création et son exploitation, en bref le lien entre auteurs et éditeurs.

Un droit d’auteur adaptable à l’ère numérique

Quatre années de négociations ont été nécessaires entre le SNE (Syndicat National de l’Édition) et les représentants des auteurs, le CPE (Conseil Permanent des Écrivains) qui aboutissent la signature, le 21 mars dernier d’un premier document qui, après un certain nombre d’ajustements réglementaires, notamment d’ordre parlementaire et européen, aboutit à l’accord d’aujourd’hui.

"L’aboutissement est un équilibre subtil et gagnant pour les deux parties, souligne Vincent Montagne, président du SNE et par ailleurs président de Média-Participations (Dargaud, Dupuis, Le Lombard...). L’éditeur est conforté dans son rôle d’exploitant des œuvres dans la durée et sous toutes les formes possibles pour atteindre le lecteur, c’est son objectif et celui de l’auteur. Mais son obligation de résultat est largement renforcée."

Le texte de ce nouveau contrat d’édition est désormais disponible sur le site de Legifrance..

"L’enseignement essentiel à mes yeux de ce contrat, poursuit le patron des éditeurs, c’est que le droit d’auteur est adaptable à l’ère numérique." Des négociations sont en cours pour faire en sorte que ce contrat soit porté au niveau de la Commission Européenne. "Le transfert de valeurs qui s’opère aujourd’hui au profit d’intermédiaires de l’Internet dans un esprit culturel et créatif est un enjeu qui va bien au-delà de notre secteur. Il en va d’une civilisation fondée sur le pluralisme et la diversité. Il en va tout simplement de l’âme de l’Europe."

À propos des acteurs du Net qui opèrent en Europe, il parle d’un lobby "puissant et insidieux" qui œuvre auprès des institutions européennes. "La menace est réelle". Il pointe aussi la tentation en France même de considérer, en raison des difficultés économiques, le livre comme "une valeur d’ajustement". Le budget du livre pour les collèges, par exemple, a été divisé par trois ces dernières années, de 60 à 20 millions d’euros. *

Vincent Montagne, président du Syndicat National de l’Edition et l’écrivain Valentine Goby, élue en septembre dernier présidente du Conseil Permanent des Ecrivains signent le contrat sous le regard de la Ministre de la Culture Fleur Pellerin
Emmanuel de Rengervé, délégué général du Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs (SNAC).

Un accord de consensus

Est-ce que le SNAC-BD a joué un rôle dans l’élaboration de ce contrat ? Pas directement : "Nous avons assisté à toutes les discussions et à toutes les négociations préalables entre le SNE et le CPE, le SNAC étant l’un des 17 membres du CPE, nous dit Emmanuel de Rengervé, délégué général du Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs (SNAC), une structure qui coiffe le SNAC-BD. Ce résultat n’est pas quelque chose sur laquelle il faut s’arrêter et ne plus rien faire, mais qui est une évolution de la législation qui va dans un sens d’une plus grande obligation de l’éditeur dans son rapport avec l’auteur. C’est sur la question de la rémunération dont il n’a pas du tout été question dans les négociations et sur le traitement comptable des droits d’auteur dans certaines maisons d’édition avec en particulier des systèmes de compensations intertitres qui font que, alors que l’on pensait que l’on allait percevoir des droits d’auteur, on s’aperçoit que finalement, parce qu’un titre est débiteur, par rapport à un titre créditeur, l’auteur ne percevra rien parce qu’ils agglomèrent en une sorte de compte fournisseur l’ensemble des livres d’un auteur, alors qu’il devrait y avoir selon nous un traitement "œuvre par œuvre". On a fait un accord sur les points de consensus, c’est le propre d’un accord. L’arrêté d’extension signée par la Ministre est un moyen de juger de l’efficacité de l’accord qui a été signé puisqu’il va être étendu à tous les éditeurs et à tous les auteurs."

Marc-Antoine Boidin, représentant du SNAC-BD

Mais pour les auteurs de BD, quelle est concrètement l’impact de cet accord ? Selon Marc-Antoine Boidin, représentant du SNAC-BD : "Les deux grands points qui ont été obtenus sont : la reddition des comptes qui va être clairement explicitée avec tous les items nécessaires : stocks, ventes, etc. dans des délais précis pour tout le monde. Cela va obliger les éditeurs à être carrés, sinon les auteurs pourront les sommer de renvoyer une reddition des comptes conformes, faute de quoi ils perdraient les droits. La deuxième avancée porte sur l’exploitation permanente et suivie qui sera très précise, également sur le numérique. Là-dessus aussi, les éditeurs auront des obligations pratiques à satisfaire sinon il y aura des clauses de sortie obligatoires -sans passer par un tribunal- pour l’auteur."

La question de la rémunération n’est cependant pas abordée : "C’était hors des négociations, le SNE a refusé cette discussion. On a obtenu des minima sur les rémunérations proportionnelles : le pourcentage doit être calculé sur le Prix de vente HT quand c’est vendu à l’unité et l’auteur ne peut pas être rémunéré au forfait sur un abonnement global. Cela, ça ne marche pas."

La question de la précarité des auteurs étudiée par le MOTif

Dans son discours, la Ministre, qui avait opportunément reçu un T-Shirt "auteurs à poil", a souligné combien elle était sensible aux signes de précarité des auteurs. Elle a commandé une enquête spécifique sur cette question. Cette étude est en cours, elle a été commandée par le Ministère de la Culture à un laboratoire universitaire, en lien avec le Centre National des Lettres (CNL) et l’Observatoire du livre et de l’écrit (le MOTif), pour faire un constat de la situation économique des auteurs du livre.

"Je ne sais pas si la bande dessinée sera particulièrement mise en avant dans cette étude, nous dit cependant Emmanuel de Rengervé. Dans l’appréciation de ceux qui ont lancé cette étude, ils parlaient plutôt des gens qui étaient des auteurs de l’écrit. Un dessinateur qui ne serait que dessinateur, un illustrateur qui ne serait qu’illustrateur, je ne sais pas si il sera pris en compte dans les panels. C’est à voir avec le MOTif qui est le moteur de l’étude."

Nous ne manquerons pas de le faire un jour prochain.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Le nouveau contrat d’édition sur le site de Legifrance..

Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

 
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2 Messages :
  • Bonjour.
    Merci de corriger : "Nous avons discuté à toutes les discussions".
    "Assisté" plutôt que "discuté", non ?

    Répondre à ce message

  • Le droit ne freine pas la compétition économique
    20 décembre 2014 14:58, par Zébra

    Au milieu de ce baratin politique, rappelons ce fait : dans le domaine de la compétition économique dont il est question ici surtout (la ministre de la Culture ne cache pas son désintérêt pour le contenu artistique), le droit se contente d’enregistrer des rapports de force a posteriori. Autrement dit, tant que l’édition numérique ne représente pas un enjeu économique, on peut toujours rédiger toutes les lois virtuelles qu’on veut, et caresser les auteurs dans le sens du poil avec de douces promesses, ça ne mange pas de pain. - - Si l’édition numérique devient lucrative, alors les choses sérieuses commenceront - on peut penser que les éditeurs chercheront à s’octroyer la part du lion, ainsi qu’ils l’ont toujours fait par le passé, y compris à travers les fameux "droits d’auteur". Il est parfaitement inexact d’affirmer que les droits d’auteur ont protégé, protègent ou protégeront la création. Si le rapport de force était favorable aux auteurs, et non aux éditeurs, on peut même penser que le droit d’auteur disparaîtrait.

    - Souvenez-vous : d’autres ministres de la Culture précédemment s’étaient fait un devoir de sauver le métier de libraire : résultat, ils ont fait de la plupart des libraires des commerçants qui ont moins le temps de lire que des employés de la Fnac.

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