Le plus surpris fut sans doute l’éditeur Dargaud : « Nous avions tiré le tome 1 à 25.000 exemplaires et mis en place à 15.000 ex. Nous pensions qu’avec 10.000 exemplaires, la marge était suffisante pour assurer le réassort, témoigne François Le Bescond, lourde erreur ! » En effet, en quelques mois ce tome 1 atteint le score ahurissant de 120.000 exemplaires vendus. Remarquable en ces temps de crise.
Lors de la conférence de presse de lancement du tome deux, Christophe Blain se montre d’abord taiseux. Mais à la première question, il devient volubile, raconte avec passion son aventure dans la réalisation de cette histoire, sa rencontre avec Abel Lanzac (c’est un pseudo), proche collaborateur de Dominique de Villepin (dans la BD : Alexandre Taillard de Vorms) au moment où il occupe le Ministère des Affaires étrangères, pour qui il écrit les « éléments de langage » en collaboration avec toute une équipe de conseillers, spécialiste des questions internationales.
« Le scénario de ce tome 2 a été écrit quatre fois » explique Blain qui souligne la nécessité de condenser les faits pour les rendre lisibles. Trente conversations entre Villepin et Powell sont résumées en une seule. « C’était trop chiant, on a rajouté des gags hors champ » dit-il dans un sourire.
C’est pourquoi c’est une fiction : « En substance, tout est vrai », précise-t-il, la volonté des auteurs est de montrer comment se passent les relations internationales, mais il fallait que ce soit « jamais didactique mais toujours romanesque. » Dès lors, pour permettre cette liberté dans la narration, il fallait que ce soit une fiction.
Pour Villepin, il ne s’est jamais documenté visuellement, il le dessine de mémoire, comme cela, de chic. Il ne l’a jamais rencontré, « surtout pas ! » Encore moins dans la phase promo : « Vous m’imaginez avec lui sur un plateau ? Il me boufferait en un instant ! »
Avec Abel Lanzac, il écrit les séquences une par une, parfois dans le désordre, sauf quand il a commencé à publier dans Le Monde, cet été : alors sa production se fait en temps réel, avec quelques coupures heureusement dues aux planches qu’il avait déjà dessinées. Contrairement à ses autres albums dont il conçoit avant le storyboard complet, cet ouvrage-ci a été écrit de façon très tendue, avec de nombreux repentirs.
Est-ce que cette vision de la politique n’en fait pas une histoire de zozos ? Faut-il être fou pour être ministre ? « C’est une réflexion sur le pouvoir, objecte Christophe Blain, rares sont les sages qui deviennent politiques. Il faut une part de folie, c’est vrai. »
Il a aimé dessiner cette histoire contemporaine, cette aventure humaine qu’il prolonge en ce moment en écrivant le scénario pour le film que Bertrand Tavernier s’apprête à tirer de leur album. Lanzac et lui ont avaient reçu trois propositions autour de leur ouvrage : un dessin animé qu’on leur proposait de réaliser eux-mêmes et un téléfilm.
C’est finalement Tavernier qui en fera un film live. Le scénario est en cours de développement, en attendant une suite à Isaac le Pirate que Blain attend avec impatience, car il commence à en avoir « marre de la politique »…
De celle-là, nous, on en redemande.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion