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Les super-héros sont "un désastre culturel" selon Alan Moore

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 juillet 2015                      Lien  
On lui doit quelques-uns des chefs d'œuvre de la bande dessinée de notre temps : "From Hell", "V For Vendetta", "Watchmen", "La Ligue des Gentlemen extraordinaires"... Tandis qu'il s'apprête à publier son second roman, "Jerusalem", un volume comportant un million de mots, soit "200 000 de plus que la Bible" il fustige le développement exponentiel de l'univers des super-héros dans notre culture, qu'il juge "tentaculaire" et "vide de sens."

Publiée sur le blog Slovobooks, une interview d’Alan Moore parue en décembre dernier était passée quelque peu inaperçue avant que le Guardian décide d’y mettre la lumière.

Dans un long développement où il dialogue à propos de chacune de ses œuvres avec l’acuité et la puissance d’analyse qui est la sienne, Alan Moore s’arrête un instant sur l’incroyable succès des super-héros au cinéma ces derniers temps.

Cette évolution le consterne : "Je trouve fâcheux que l’audience des films de super-héros soit composée presqu’exclusivement d’hommes et de femmes de trente à cinquante ans faisant la queue pour aller voir des personnages et des situations qui ont été expressément créés il y a cinquante ans pour divertir des garçons de douze ans.

Cela ne m’interpelle pas seulement comme un fait, je crois que cela devrait sauter aux yeux de n’importe quel observateur objectif. Selon moi, cet intérêt pour des personnages qui se voulaient sans ambigüité aucune est le symptôme d’une prise de distance par rapport à la complexité, certes écrasante, de l’existence d’aujourd’hui.

C’est à mes yeux comme si cette importante fraction du public, après avoir renoncé à appréhender la réalité de tous les jours, s’était donné comme mission de comprendre les univers tentaculaires, vides de sens, et finalement limités de D.C. Comics et de Marvel. Je considère qu’il est culturellement désastreux qu’un phénomène éphémère du siècle précédent prenne autant de place sur la scène culturelle, refusant de développer, au moment où elle accède à un rayonnement sans précédent, ses codes propres, adéquats et nécessaires."

Cette réflexion apparaît à un moment où, selon Leah, la fille d’Alan Moore, le "gourou de Northampton" est en train de mettre la dernière main au manuscrit d’un méga-roman de plus d’un million de mots (soit 200 000 de mieux que La Bible et près du double de Guerre et Paix de Tolstoï) dont le titre est "Jérusalem" et sur lequel il travaille depuis près de sept ans.

Dans les diverses interviews qu’il a données à ce sujet, il convoque Herman Melville, Samuel Beckett, James Joyce et... Enid Blyton, l’auteur du Club des Cinq, annonçant un récit qui se passerait dans sa ville fétiche : "C’est un roman noir mettant en scène le pasteur de Northampton James Hervey, selon moi le créateur du mouvement gothique...", "entre l’histoire de revenants et un délire sous acide".

Ça promet... Selon l’agent Lora Fountain, l’objet, très atypique, sera publié au Royaume-Uni par Knockabout, en Amérique du Nord par Liveright, une prestigieuse maison qui dépend de W.W. Norton. Au Brésil, c’est la prestigieuse Companhia das Letras qui en assure la publication et Rizzoli en Italie. On cherche toujours éditeur pour la France...

Les super-héros sont "un désastre culturel" selon Alan Moore
Alan Moore
Photo : DR / ComicBeat
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(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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28 Messages :
  • le spectateur de la cinquantaine dont je suis n’a pas forcément envie de se prendre le chou après sa semaine de travail, agrémenté de la lecture des informations calamiteuses dans tous les domaines

    il peut avoir envie de se détendre avec des histoires de superhéros prises au deuxième degré , ou les choses sont simples , il y a les bons et les méchants ça fait boum et plaf et même pas mal et le gentil gagne à la fin, c’est pas comme dans la vraie vie, mais pour la vraie vie, suffit d’ouvrir le journal

    ça n’empêche pas ceux qui veulent de lire et voir autre chose genre pavé d’un million de mots (comme si la valeur d’un bouquin se mesurait ainsi), " roman noir mettant en scène le pasteur James Hervey, selon moi le créateur du mouvement gothique...", "entre l’histoire de revenants et un délire sous acide".
    mais bon chacun son trip...

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    • Répondu par marcy le 24 juillet 2015 à  22:06 :

      @romi : on comprend aisément qu’après une semaine de travail, on ai envie de se délasser sans se prendre la tête avec du Proust ou du Joyce, mais avant de "se vider la tête", il faudrait se la remplir un peu. Vouloir se délasser ne devrait pas signifier être gavé de films de super-héros aux scénarios pathétiques, et où OUI les effets spéciaux sont magnifiques, mais une belle photographie et de beaux effets spéciaux ne font pas la richesse d’un film. Un film de super-héro, ok, mais toutes les pléiades de prequel, de ligues et ede si on mélangeait tous les super-héros ensemble encore et encore, c’est minable. Et je pense que l’on peut se délasser sans devenir des légumes bêtes à cracher son fric.

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      • Répondu par romi le 27 juillet 2015 à  17:31 :

        merci pour le "légume bête à cracher son fric"
        d’une
        je n’ai pas l’impression que vous soyez bien familiarisé avec la notion de second degré
        de deux
        et se délasser ne signifie pas forcément regarder exclusivement genre de film, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas
        de trois
        que ceux qui n’aiment pas ça n’en prennent pas mais n’en dégoutent pas les autres disait ma grand mère dans sa grande sagesse

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        • Répondu par alex le 7 août 2015 à  08:02 :

          J’ai un profond respect pour Monsieur Moore, et surtout pour ces oeuvres, mais je suis en désaccord avec son point de vue.
          J’écris sur ce commentaire car je réagis à vos discussions. Je vais voir ces films, mais pas uniquement me détendre mais aussi parceque j’aime ca je lis des comics depuis que j’ai appris à lire et je trouve génial ces mises en images. Alors certes certaines fois les scénarios ne volent pas haut, certes il y a bien mieux pour notre rayonnement culturel mais je tiens à dire plusieurs choses.
          Premièrement, ça n a pas déranger Alan Moore lorsqu’il a touché un joli cachet pour Watchmen.
          Deuxièmement, ce n’est pas parcequ’on va voir des films de super héros qu’on est forcément inculte, (je ne fais pas que ça) et de plus ce concept de sous-culturel n est qu’une prétexte pour dévaluer la culture populaire, pour mettre en valeur une culture de l’élite. Alors qu’en réalité la beauté de notre humanité c’est notre pluriculturalisme.
          Troisemement, je pense qu’Allah Moore se trompe de combat, ce n’est pas le cinéma de super héros le problème, c’est le cinéma blockbuster.
          Quatrièmement (et promis après j’arrête), je pense qu’Allan Moore a surtout dis ça dans le but de promouvoir son roman, et ça pose 2 problème : 1/ ca aurait été sûrement les consommateurs de super héros qui aurait acheté son livre mais du coup il se met cette communauté à dos, 2/ faire de la promotion par ce biais c’est assez immonde, c’est du niveau de Zemmour ... A bon entendeur.
          Merci au courageux qui m’auront lu.

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          • Répondu par Badaidy le 26 juillet 2016 à  23:36 :

            Ah mais non, Watchmen était un brûlot anti-super-héros qui critiquait tout le genre en le retraduisant de manière plus réaliste. Que ce soit devenu un livre culte (dans la littérature super-héroïque de surcroît) n’y change rien.
            De plus Alan Moore a toujours renié toute adaptation de ses œuvres quelles qu’elles soient et sous toutes les formes que ce soient, il n’a donc touché aucun radis sur les adaptations ciné et autres de ses écrits.
            On peut donc dire qu’il a les mains propres et qu’il peut balancer ce qu’il veut sur qui il veut.
            On en pense ce qu’on en veut après, mais on ne peut pas dire qu’il est corrompu.

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  • Et c’est un homme en cosplay avec bagues à têtes de morts à chaque doigt qui vient nous dire ça, lol.

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    • Répondu le 25 juillet 2015 à  00:25 :

      Discrimination !

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    • Répondu par Iadakan le 2 août 2016 à  23:15 :

      "L’homme en cosplay" - voilà précisément l’étendue du désastre culturel dont il parle. CQFD.

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  • Pour information : l’interview d’Alan Moore ne date pas de Décembre dernier mais fait suite à un débat ayant tenu place en Novembre 2013. Suite à ce débat une interview avec Alan Moore fut publiée en Janvier 2014.

    Je regrette l’emploi du français "phénomème éphémère" pour traduire "ephemera". "L’ephemera" outre-atlantique est maintenant un phénomène bien codifié et même muséifié. Je crois que "vestige" était le mot qu’Alan Moore aurait pu employer en français. Et c’est différent dans la connotation.

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  • Ébloui par son idole, l’auteur de l’article a oublié de corriger les fautes d’orthographe :

    cetTE importante fraction

    Quand à considérer la qualité d’une oeuvre au nombre de mots qu’elle contient...

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    • Répondu par Frencho-id le 26 juillet 2015 à  10:39 :

      Ébloui par son idole, l’auteur de l’article a oublié de corriger les fautes d’orthographe :
      cetTE importante fraction
      Quand à considérer la qualité d’une oeuvre au nombre de mots qu’elle contient...

      Quant à semer ses propres fautes... :->

      Répondre à ce message

      • Répondu par Tony le 26 juillet 2015 à  12:26 :

        Loin de moi l’idée de faire mon intéressant, mais elle était belle celle ci : on écrit effectivement "quant à"... Renseigne toi avant l’ouvrir, gros.

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        • Répondu par aurélie le 26 juillet 2015 à  17:53 :

          Loin de moi l’idée de faire mon intéressant, mais elle était belle celle ci : on écrit effectivement "quant à"... Renseigne toi avant l’ouvrir, gros.

          Tu aurais dû éviter de faire ton intéressant Tony, parce que Frenchoid corrige Halnawulf justement, bref tu t’es bien planté,lol.

          Répondre à ce message

        • Répondu par JP le 27 juillet 2015 à  21:13 :

          Ah oui, quand on veut faire le donneur de leçon à un donneur de leçon, il vaut mieux avoir un slip propre.

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  • Gonflé le mec, il en est en grande partie responsable.

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    • Répondu le 26 juillet 2015 à  23:06 :

      Responsable de quoi ? Merci de préciser si vous pouvez.

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      • Répondu par JP le 27 juillet 2015 à  21:04 :

        Responsable de quoi ?

        Du désastre culturel que constituent les super-héros. Suivez un peu le sujet mon gars.

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        • Répondu le 29 juillet 2015 à  01:05 :

          Mais il s’exprimait sur les films de super-héros et il les désapprouvent. Donc, une fois encore : de quoi Alan Moore est responsable selon vous ?

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  • Merci pour ces liens, très intéressants !

    Cela fait longtemps que Alan Moore déclare ne pas aller voir les films adaptés de son oeuvre. Non qu’il déteste le cinéma, mais plutôt qu’il considère que la BD est un art autonome, et que donc toute adaptation au grand écran est vouée à l’échec ou à la trahison.

    Donc, il n’a pas apprécié LEG, en dépit de la présence de Sean Connery, ni From Hell, avec Johnny Depp. Ni V for Vendetta, produit par les frères Wachowsky, ni même the Watchmen de Zack Snyder qui portant témoignaient d’un respect relatif vis à vis du récit original. C’est son droit, surtout s’il refuse que son nom apparaisse au générique (mais je crois que Gibbons et Lloyd ont eux accepté de participer à la promotion).
    Le plus intéressant reste le long règlement de comptes avec son ancien admirateur Grant Morisson.

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  • Et dans le genre incendiaire, celle-ci de Chris Ware n’est pas mal non plus : "Écrire des histoire sérieuses de super-héros pour adultes c’est comme écrire de la pornographie pour enfants"

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    • Répondu par JP le 27 juillet 2015 à  21:07 :

      Mouais, ce n’est comme si Chris Ware avait fait ses preuves, il est au mieux un maquettiste vintage.

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    • Répondu par Deplomb le 27 juillet 2015 à  23:08 :

      Qu’il déprime seul dans son coin, Chris Ware, au milieu de ses histoires "sérieuses pour adultes". Ceux qui savent garder leur âme d’enfant toute leur vie se portent bien mieux.

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  • Selon un super-héros, Alan Moore est "un désastre capilaire".

    (selon Super-Coiffeur je crois)

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  • Il faut se placer dans le contexte anglophone, bien sûr. Ce n’est pas tellement le principe du super-héros qui le gêne (il s’y est amusé lui aussi), mais son omniprésence dans la bande dessinée anglophone.

    Marvel et DC (et même plusieurs indépendants qui restent confinés dans ce genre) squattent la quasi-intégralité du marché. Ce qui peut paraître étouffant, en effet, et frustrant pour un scénariste qui cherche un éditeur.

    Pour nous, Européens, qui avons la chance d’avoir une BD variée, le super-héros n’est qu’un genre particulier qui n’est pas du tout un "désastre culturel", bien au contraire.

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    • Répondu par Sergio Salma le 27 juillet 2015 à  11:55 :

      Alan Moore parle du phénomène super-héros au cinéma.

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      • Répondu par MD le 27 juillet 2015 à  14:46 :

        Voila ce qu’il en disait déjà en 2005 (interview dans D-Side) :

        « Ce sont des films idiots, sans la moindre qualité, une insulte à tous les réalisateurs qui ont fait du cinéma ce qu’il est, des magiciens qui n’avaient pas besoin d’effets spéciaux et d’images informatiques pour suggérer l’invisible. Je refuse que mon nom serve à cautionner d’une quelconque manière ces entreprises obscènes, où l’on dépense l’équivalent du PNB d’un pays en voie de développement pour permettre à des ados ayant du mal à lire de passer deux heures de leur vie blasée. La majorité de la production est minable, quel que soit le support. Il y a des films merdiques, des disques merdiques, et des BDs merdiques. La seule différence, c’est que si je fais une BD merdique, cela ne coûte pas cent millions de dollars. »

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        • Répondu par JP le 27 juillet 2015 à  21:12 :

          où l’on dépense l’équivalent du PNB d’un pays en voie de développement

          Sa remarque est stupide, car ça en rapporte bien plus, ce n’est pas de l’argent gâché, mais investi. Il me fait penser au personnage de Muriel Robin dans un sketch qui ne pouvait quand même pas envoyer son reste de pâtes au gratin en Afrique.

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        • Répondu par Deplomb le 27 juillet 2015 à  22:42 :

          En 2005 le contexte était différent, il y avait moins de films de super héros et ils étaient particulièrement mauvais. Pour dire, c’était l’année de Elektra et des Fantastic Four... "Des films idiots, sans la moindre qualité", beaucoup seront d’accord avec Moore. Depuis, il y a eu des films de super héros de bien meilleure qualité. Ceci dit, on pourra toujours dire que ce n’est pas du grand cinéma, et Moore n’a visiblement pas changé d’opinion à ce sujet.

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