Publiée sur le blog Slovobooks, une interview d’Alan Moore parue en décembre dernier était passée quelque peu inaperçue avant que le Guardian décide d’y mettre la lumière.
Dans un long développement où il dialogue à propos de chacune de ses œuvres avec l’acuité et la puissance d’analyse qui est la sienne, Alan Moore s’arrête un instant sur l’incroyable succès des super-héros au cinéma ces derniers temps.
Cette évolution le consterne : "Je trouve fâcheux que l’audience des films de super-héros soit composée presqu’exclusivement d’hommes et de femmes de trente à cinquante ans faisant la queue pour aller voir des personnages et des situations qui ont été expressément créés il y a cinquante ans pour divertir des garçons de douze ans.
Cela ne m’interpelle pas seulement comme un fait, je crois que cela devrait sauter aux yeux de n’importe quel observateur objectif. Selon moi, cet intérêt pour des personnages qui se voulaient sans ambigüité aucune est le symptôme d’une prise de distance par rapport à la complexité, certes écrasante, de l’existence d’aujourd’hui.
C’est à mes yeux comme si cette importante fraction du public, après avoir renoncé à appréhender la réalité de tous les jours, s’était donné comme mission de comprendre les univers tentaculaires, vides de sens, et finalement limités de D.C. Comics et de Marvel. Je considère qu’il est culturellement désastreux qu’un phénomène éphémère du siècle précédent prenne autant de place sur la scène culturelle, refusant de développer, au moment où elle accède à un rayonnement sans précédent, ses codes propres, adéquats et nécessaires."
Cette réflexion apparaît à un moment où, selon Leah, la fille d’Alan Moore, le "gourou de Northampton" est en train de mettre la dernière main au manuscrit d’un méga-roman de plus d’un million de mots (soit 200 000 de mieux que La Bible et près du double de Guerre et Paix de Tolstoï) dont le titre est "Jérusalem" et sur lequel il travaille depuis près de sept ans.
Dans les diverses interviews qu’il a données à ce sujet, il convoque Herman Melville, Samuel Beckett, James Joyce et... Enid Blyton, l’auteur du Club des Cinq, annonçant un récit qui se passerait dans sa ville fétiche : "C’est un roman noir mettant en scène le pasteur de Northampton James Hervey, selon moi le créateur du mouvement gothique...", "entre l’histoire de revenants et un délire sous acide".
Ça promet... Selon l’agent Lora Fountain, l’objet, très atypique, sera publié au Royaume-Uni par Knockabout, en Amérique du Nord par Liveright, une prestigieuse maison qui dépend de W.W. Norton. Au Brésil, c’est la prestigieuse Companhia das Letras qui en assure la publication et Rizzoli en Italie. On cherche toujours éditeur pour la France...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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