C’est un grand jeune homme de 77 ans qui a fait profession d’être modeste. Et pourtant, quel parcours ! Fils du peintre belge Bellor (alias René Miessen), un artiste surréalisant, admirateur du Quattrocento surnommé « le peintre des secrets », par ailleurs un ami d’Hergé, le jeune Vivian a la chance de soumettre très tôt ses dessins au maître de l’Ecole de Bruxelles.
Dès ses 15 ans, il publie chez Dupuis dans Le Moustique où ses dessins voisinent avec ceux de Sempé, Morris, Will… Il fait un parcours scolaire à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, où Jacobs usa ses fonds de culotte, et à Saint-Luc, avant que Paape et Claude Renard y enseignent. Il fit un stage à l’agence de publicité OTP où il croise William Vance pour qui il dessinera anonymement une BD humoristique pour Tintin, Le Roi soleil.
En 1959, il fait un service militaire traumatisant prolongé par des jours de cachot (en Belgique, chaque jour de cachot se traduisait par un jour de service national supplémentaire.) Son père, ancien compagnon d’arme de Raymond Leblanc aux Chasseurs ardennais, lui présente le créateur du Journal Tintin. Celui-ci est en train de créer les Studios Belvision où il a l’ambition de tenir tête à Walt Disney.
Touïs fait partie des sept « cleaners » sous la houlette de Willy Lateste et y fait tout le parcours de ce métier en compagnie d’un futur compagnon de route, l’animateur Claude Lambert : tracage, coloriage, banc-titre…. Il est rejoint par Ray Goossens qui prend la tête du studio, occasion d’une première rupture avec Belvision pour qui il participera néanmoins, en indépendant, aux longs métrages Astérix et Cléopâtre, La Ballade des dalton, ou Le Temple du Soleil comme chef animateur.
Chez Dupuis
Il est aussi de l’équipée de TVAnimation, le studio éphémère des éditions Dupuis. Il travaille avec Charles Degotte (Le Flagada) et Raoul Cauvin, le futur scénariste-star de Spirou, dans ce qui est davantage une activité expérimentale qu’un vrai business. Il projette d’animer Lucky Luke à sa façon, un peu parodique. À la vue des essais, Morris sourit, mais Goscinny est furax. Ray Goossens apparaît alors dans le paysage et Touïs prend la tangente, notamment en créant Le Sergent Laterreur que Goscinny, pas rancunier, publie dans Pilote (1971-1973).
Dans la lignée Underground d’un Moscoso, et dans la veine antimilitariste d’un Cabu, en contemporain de Pellaert ou de Tito Topin, ils livrent un œuvre "pop" qui a marqué son époque.
Touïs dessine aussi pour Wolinski dans Charlie Mensuel avant de travailler, d’Espagne où il réside désormais, pour Picha (Tarzoon de la Jungle, 1974, puis Le Chaînon manquant) et pour le Studio Idéfix qui vient d’être créé à Paris par Goscinny, Uderzo et Dargaud.
Ses derniers travaux seront pour Belvision encore où l’on met en route un projet d’adaptation en dessins animés de Corentin de Paul Cuvelier et pour diverses productions de tous ordres. Ses dernières BD ont été publiées dans Lapin à L’Association.
Aujourd’hui, Touïs est retraité au fin fond de la province française, « à la campagne », et se concentre sur son activité de peintre et de graveur, tandis que l’atelier Le Chant des muses (Béziers, dans l’Hérault, diffusion en direct pour les libraires) et L’Association éditent ses œuvres.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Ses ouvrages aux Editions Le Chant des muses
Les planches de Touïs en ce moment en vente à la Galerie P38 à Paris
Touïs est l’invité du festival Lire à Limoges, du 27 au 29 avril prochains.
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