La Première 4 du lycée Shinkô Mashida regroupe tous les profils à problème de l’établissement. Véritable poudrière, elle a été laissée aux bons soins de M. Hasumi, jeune enseignant d’anglais plutôt populaire parmi les élèves et devenu leur professeur principal. C’est en usant de psychologie et d’un art certain de la manipulation qu’il entend déminer les problèmes qui se présentent à lui.
Ainsi, il lui faudra d’abord s’occuper des soucis en sport, l’un de ses collègues ayant frappé un élève insolent et provocateur aux parents influents, tandis que l’autre tripote une élève qu’il fait chanter après l’avoir surprise en train de voler dans un magasin. De quoi présenter le caractère de notre héros – Hasumin pour ses groupies qu’il désigne sous l’appellation de "milice personnelle" – loin d’être irréprochable, misant avant tout sur la stratégie, le rapport de force et la dissimulation, plutôt que sur les vertus de l’honnêteté et de la justice, pour parvenir à ses fins.
Lesson of the Evil prend donc le parti de renverser le schéma initial de GTO en posant un personnage principal aux antipodes d’Onizuka, mais confronté aux même types de situations. Froid, calculateur, hautain et réfléchi, Hasumi – qui tient finalement plutôt du Light de Death Note – avance ses pions pour résoudre les difficultés qui ne manquent pas dans cette classe et dans cet établissement.
Mais ce mélange a priori intéressant, orienté seinen, peine à convaincre, comme s’il s’était fait dans le mauvais sens. Récupérer le cadre et les enjeux de GTO en oubliant la nature du personnage sur lequel reposait la réussite du titre, c’est dommage. Tandis que ne conserver de Death Note qu’un héros obsédé par l’intrigue, sans pour autant, pour l’heure, le confronter à de enjeux véritablement dramatiques, c’est risquer de le rendre franchement antipathique.
Et c’est ce qui arrive en partie. Difficile d’adhérer à la personnalité et au projet d’Hasumi, qui semblent tous deux souvent entrer en contradiction. Oscillant entre la figure du ténébreux marginal et celle du sauveur rédempteur, Hasumi navigue dans un entre-deux qui nous laisse perplexe et paraît n’aboutir nulle part. On espère le voir par la suite basculer clairement d’un côté ou de l’autre afin de déployer un véritable développement à partir de ce canevas initial.
Sur le fond, et du côté de l’action, ce manga – adapté d’un roman de Yusuke Kishi paru en 2010 et ayant connu une adaptation cinématographique en 2012 – alterne passages théoriques renseignés en matière de pédagogie ou de psychologie, et situations qui les exploitent sous la forme de raccourcis et de clichés décevants voire agaçants.
On attend donc que le monstre annoncé en la personne d’Hasumi se révèle pleinement pour pouvoir juger si cette série, publiée dans la belle collection Big Kana et annoncée en neuf tomes, décolle enfin. Pour l’heure, et après deux volumes pour lesquels Kana propose une offre de lancement (un pack à 11,90 euros au lieu de 14,90), le bilan demeure très mitigé, malgré un chapitre spécial à la fin du tome 2 qui donne enfin un aperçu de la perspective que devrait adopter la série.
(par Aurélien Pigeat)
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Lesson of the Evil T1 et T2. Par Eiji Karasuyama et Yûsuke Kishi. Traduction Jean-Benoît Silvestre. Kana, collection Big Kana. Sortie le 3 juillet 2015. 190 pages. 5,95 euros.
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