Level E est une série courte de Yoshihiro Togashi : seize chapitres réunis en trois volumes. Elle fut publiée entre 1995 et 1997, à un rythme mensuel, dans l’hebdomadaire Weekly Shonen Jump, bénéficiant donc d’un traitement éditorial particulier. Elle s’inscrit entre deux séries fleuves de Togashi : Yuyu Hakusho achevée en 1994 et Hunter x Hunter, débutée en 1998 et encore en cours de publication. Le titre « Level E » viendrait d’une erreur de transcription en anglais de la part de Togashi, le « E » devant constituer l’initiale du mot « Alien ». Ce « E » ferait par ailleurs référence au film E.T.
Il s’agit d’un récit de science-fiction qui, par certains aspects, peut évoquer l’univers de Men in Black. Le ton y est comique et léger tout en prenant appui sur des situations parfois graves et sérieuses, des registres divers se succédant voire se mêlant. Par ailleurs, Togashi excelle à installer une tension dramatique relativement éprouvante avant de la dénouer brutalement, de manière somme toute plutôt décontractée dans Level E.
La série s’oriente vers des histoires courtes autour de la situation de base qui concerne la présence de nombreuses races extraterrestres sur terre. Le premier récit introduit le héros humain, Yukitaka (qui ne manquera pas de rappeler Yusuke, héros de Yuyu Hakusho, aux fans de Togashi) et le Prince de la planète Dogra, un extraterrestre qui a un don pour la mise en scène et les embrouilles. Le récit est très drôle du fait de la personnalité des héros, et le twist qui dénoue l’action très efficace.
Le second récit semble à première vue plus sombre : quatre collégiens assistent en cachette à une scène de cannibalisme. Une de leurs camarades de classe est entièrement dévorée, os compris, par un autre de leurs camarades, qu’ils n’ont pas pu identifier. Les disparitions se multiplient à mesure que l’enquête avance pour découvrir la nature et les mœurs – extraterrestres – du cannibale. Le dénouement, en deux temps, réinscrit la série dans le genre comique, un humour d’abord grinçant faisant place à un twist bien plus léger.
Graphisme et narration détonnent parfois. Les planches alternent travail minutieux quasi réaliste et représentations expressionnistes marquant l’irruption de la science-fiction. D’autres sont épurées, voire minimalistes. Certaines double-pages font preuve d’une forme d’audace, renonçant à l’illustration pour n’être plus que de purs textes, dialogues ou journal de bord.
Level E constitue donc, à de nombreux niveaux, une sorte d’ovni dans la production shonen, du Jump et d’ailleurs, des années 1990 à nos jours.
(par Aurélien Pigeat)
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