Série bouclée en trois volumes, Levius saisit par l’intensité que son intrigue parvient à ménager. Si les codes du manga de combat sont parfaitement exploités, la tonalité dans laquelle s’inscrit ce récit est clairement celle de la tragédie. Les héros y apparaissent en quête d’absolu et de sublime, les adversaires incarnent des archétypes effroyables, des dilemmes insolubles rythment l’action et la fatalité semble la seule issue envisageable.
Nous l’avions déjà souligné : il y a indéniablement ici quelque chose du premier Gunmm, celui du Colisée et du Motorball : dans ces individualités révélées à travers la violence, ces duels livrés jusqu’au bout où les combattants s’accordent en fin de compte parfaitement au-delà des coups portés et des corps effondrés, dans cette dimension intime et métaphysique que revêt le combat enfin, couplée à un horizon paradoxalement politique.
On pourra certes chicaner sur certains aspects caricaturaux, notamment autour de la figure du clown, le véritable antagoniste qui cristallise toute l’horreur de ce que vivent les héros. Mais la dramaturgie globale est d’une telle qualité, et les personnages si grands, à l’image de ces statues érigées en leur honneur au début de l’affrontement, qu’on se laisse volontiers emporter.
Et que l’on se retrouve tout étonné, à la fin du volume, en découvrant que l’action s’arrête à ce qui ressemblait plus à un grand prologue qu’à une série complète ! C’est que le magazine dans lequel Levius était prépublié, le prestigieux Ikki, de Shogakukan, dans lequel était aussi publié Dorohedoro, s’est arrêté en 2014.
Hahurisa Nakata, dont vous pouvez lire une interview dans le n°13 de Kaboom, a toutefois poursuivi son histoire dans un autre mensuel, d’un autre éditeur : l’Ultra Jump de Shueisha. Mais désormais sous le titre de Levius/Est. Ouf !
(par Aurélien Pigeat)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.