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Loic Jouannigot : (Petitmardi et les zumins) : "toutes les composantes d’une image doivent être vivantes"

Par Nicolas Anspach le 16 novembre 2010               Petitmardi et les zumins) : "toutes les composantes d’une image doivent être vivantes"" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="Linkedin">       Lien  
Illustrateur reconnu dans le secteur du livre jeunesse, {{Loïc Jouannigot}} a consacré l’essentiel de sa carrière à développer avec succès l’univers de {La Famille Passiflore}. En 2009, il publie une bande dessinée muette, {Château Chat}, aux éditions Dargaud. Il persiste et signe avec {Petitmardi et les Zumins}, une série d’aventure pour les enfants.

Voltaire et Cerise, deux enfants, découvrent au fond de la niche du chien une porte condamnée. Après l’avoir forcée, ils s’engouffrent alors dans un monde étrange peuplé de souris habillées comme des humains qui se jettent sur eux et les capturent. Les deux enfants se retrouvent prisonniers dans un monde particulièrement étrange peuplé de Zanimos et de Cramoisis.


Loic Jouannigot : (<i>Petitmardi et les zumins</i>) : "toutes les composantes d'une image doivent être vivantes"Pourquoi avez-vous décidé de passer le cap, et de publier des bandes dessinées.

Je suis un grand lecteur de bandes dessinées et j’ai toujours voulu en faire ! J’en ai lu dans tous les styles et destinées à tous les âges. J’avais jusqu’à présent dessiné beaucoup d’illustrations pour des livres pour la jeunesse. C’était devenu, en quelque sorte, ma marque de fabrique. J’ai été victime du succès. Mon premier livre d’illustration, Le premier bal d’Agaric Passiflore, aux éditions Milan, a été un succès. Les ventes étaient supérieures aux autres livres du genre. J’ai donc enchaîné sur d’autres livres de ce type. J’ai passé beaucoup de temps et eu encore plus de plaisir à dessiner pour ce type de support. Mais j’ai toujours eu envie de réaliser des bandes dessinées. Il fallait que je trouve le temps et l’opportunité pour m’y consacrer. Et il m’a fallu trouver et convaincre un éditeur que l’on pouvait réaliser des bandes dessinées uniquement pour la jeunesse ! C’était ce type de BD qui m’intéressait…

Un best-seller du livre jeunesse

Le difficile marché de la bande dessinée jeunesse

Oui. J’ai d’abord tenté de comprendre où se trouvent les barrières. La première d’entre elle est sans doute la plus importante : la lecture. Il faut travailler la narration pour que les histoires soient linéaires, avec un phrasé et une manière d’écrire très « coulée », à la portée des enfants. Évidemment les histoires doivent les intéresser. Cela coule de source !

Michel Plessix me disait que vous aviez commencé à développer des bandes dessinées avant lui. A l’époque, vous étiez déjà talentueux…

J’ai commencé très tôt à réaliser des bandes dessinées, mais je n’étais pas au point. Je n’ai pas réussi à percer à ce moment-là. Je me suis rendu compte de mes faiblesses au fil des années, ce qui est tout à fait normal. Aujourd’hui, je suis en pleine possession de mes moyens pour proposer des sujets aux éditeurs. J’aime avant tout raconter des histoires pour le premier âge, c’est-à-dire pour les enfants qui commencent à lire, mais qui ont encore besoin de l’adulte pour les assister. C’est intéressant d’anticiper tous les problèmes de lecture des enfants dans la construction d’une histoire.

Extrait de "Petitmardi et les zumins"

Il faut aussi susciter l’imagination des enfants. Souvent ils s’imaginent une histoire sur base des dessins, alors qu’ils ne savent pas lire, ou les comprendre entièrement…

Tout à fait ! J’ai d’ailleurs commencé par publier Château Chat, une histoire sans parole. Même si cette histoire ne contient aucun texte, elle demande quand même un apprentissage des premiers stades de la lecture : ouvrir un livre, le tenir dans le bon sens, tourner les pages une à une, lire de gauche à droite, de haut en bas, etc. Ces évidences s’apprennent. C’est un travail passionnant de raconter une histoire simple rien qu’avec des images.

Extrait de "Petitmardi et les zumins"

Était-ce facile d’apprivoiser la narration propre à la bande dessinée ?

Je pense avoir suffisamment d’expérience de l’image. La narration propre à la bande dessinée allie le langage parlé à celui des images. Nous ne sommes ni dans l’illustration, ni dans la littérature, ni dans le cinéma. La bande dessinée est entre ces genres, et il faut trouver un équilibre…

Le « Château Chat » était un album sans parole et vous enchaînez aujourd’hui avec « Petitmardi et les zumins », une aventure dialoguée…

Le premier récit était un exercice de style, une expérience que je voulais mener à terme. Petitmardi et les zumins est un récit plus classique développé autour d’un univers créé pour l’occasion. J’ai essayé de respecter certaines règles. J’aime que dans une histoire, on ne sache jamais ce qui va se passer quand on tourne la page. Je n’apprécie pas de lire une BD où les éléments de l’intrigue sont attendus, téléphonés. Avec Petitmardi et les Zumins, j’ai donc cherché à surprendre le lecteur, tout en incluant un certain dynamisme dans les scènes d’action. L’histoire contient de l’humour. Je ne me suis pas forcé car cela fait partie de ma façon de voir la vie ! J’espère seulement ne pas avoir été trop bavard dans ce récit.

Extrait de "Petitmardi et les zumins"

Chaque élément que vous dessinez est animé. Par exemple, le mobil-home que vous avez dessiné en couverture a beaucoup de personnalité. On a l’impression qu’il s’agit plus d’un personnage que d’un objet, tant ses formes bougent et vibrent…

Vous avez un excellent sens de l’observation ! J’ai toujours eu cette volonté d’animer les objets. Vous pouvez regarder les albums de la Famille Passiflore. Je pars d’un principe : toutes les composantes d’une image doivent être vivantes. Que cela soit les humains, les animaux, les arbres, les plantes, les véhicules, les meubles, etc. Dans les Passiflore, j’ai passé beaucoup de temps à m’appliquer à faire vivre de nombreux objets d’intérieur. Il fallait qu’ils vivent comme un personnage ! Et quelquefois ils se manifestaient ! Cela apporte une ambiance au récit, et les cases « vibrent » beaucoup plus ! Je n’aime pas lire une BD où les images sont froides, réduites au minimum. On y perd en humanité. J’ai envie que le lecteur prenne du plaisir à regarder une case et recherche le balai dans une cuisine. Je dessine les lieux de vie avec minutie et d’une manière vivante pour répondre aux questions que peuvent se poser le lecteur : Dans quel état se trouve le sol ? A-t-on fait la vaisselle ?, etc.

Vos bâtiments ont également une architecture improbable. Pourtant ils dégagent un certain charme…

Oui. Je casse les perspectives, les choses attendues. J’ai réalisé des études classiques aux Beaux-Arts et je sais très bien dessiner un bâtiment dans les règles de l’art. Mais c’est beaucoup plus intéressant de contourner les codes, pour aboutir à une sorte d’ambiance et de réalité différente. Je recherche une cohérence dans l’univers que je dessine et celui-ci doit être à l’image des personnages. Je ne pourrais pas meubler ce type de maison avec des chaises Louis XVI par exemple… Cela ne collerait pas !

Extrait de "Petitmardi et les zumins"

En combien de volumes est prévue cette histoire ?

Trois ! Je suis déjà bien avancé sur le second. Je projette ensuite d’adapter en BD la Famille Passiflore, que j’ai animée avec Geneviève Huriet. Ce sera bien sûr destiné au premier âge.

Vous êtes respecté dans la profession. À quoi est-ce dû ?

Les auteurs sont gentils. Mais peut-être ce dû au fait que j’ai illustré beaucoup de livres. La Famille Passiflore a été traduite dans de nombreux pays. En trente langues au total. La série a bénéficié d’une adaptation en dessins animés qui sont également diffusés un peu partout dans le monde. C’est une belle aventure !

Extrait de "Petitmardi et les zumins"

Quelles techniques utilisez-vous sur Petitmardi et les zumins ?

De l’aquarelle, avec une touche de gouache de temps en temps. Je travaille à l’aquarelle depuis plus de 35 ans. Je commence donc à connaître cette technique (Rires). Les planches sont légèrement plus grandes que le format A3.

Quels sont vos maîtres en BD et en illustration ?

Sempé, Tardi, Loisel, Norman Rockwell, Hergé et Franquin. Bref, les grands classiques, les incontournables.

Marc Wasterlain & Loic Jouannigot à "Quai des Bulles" (Saint-Malo)
(c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

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Photos : (c) Nicolas Anspach
Illustrations : (c) Jouannigot & Dargaud. Sauf mention contraire.

 
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