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Lorena Canottiere Grand Prix Artemisia 2018 pour « Verdad » (Ed. Ici Même)

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 12 janvier 2018                      Lien  
Est-ce un signe des temps ou un acte volontaire du jury Artemisia ? La proposition de bandes dessinées produites par des femmes est en constante progression ces toutes dernières années, d’où une inflation dans le palmarès 2018 avec quatre prix et 3 mentions sur 24 albums sélectionnés. Cela dit, la qualité des œuvres du palmarès va dans le sens d’une mise en lumière qui était définitivement nécessaire.
Lorena Canottiere Grand Prix Artemisia 2018 pour « Verdad » (Ed. Ici Même)
"Verdad" de Lorena Canottiere (Ed. Ici Même)

Ce qui frappe dans la cérémonie qui s’est passée hier au Musée du vivant à l’AgroParisTech et présentée par Catel Muller, c’est la timidité des lauréates, comme si leur subite notoriété n’était pas légitime. La gorge nouée, les yeux au bord des larmes, elles étaient souvent jeunes, jamais médiatisées et peu habituées au micro. Mais leurs œuvres parlent pour elles, à commencer le Grand Prix Artémisia de la lauréate italienne Lorena Canottiere pour son album Verdad paru aux éditions Ici Même.

« Verdad » signifie vérité en espagnol. Le sujet de l’album est à la fois personnel et universel. Personnel car il s’agit d’une jeune femme qui ignore tout sur son passé et qui apprend au détour d’une conversation avec sa grand-mère qu’elle est le fruit du séjour de sa mère dans « un repaire de pervers », en réalité une communauté libertaire située en Suisse sur le Monte Verità aux alentours de 1900, où une communauté anarchiste tentait de construire un idéal de société bientôt pulvérisé par le franquisme lors de la Guerre Civile d’Espagne, un mode de vie qui abolit les règles normatives jusqu’à l’abandon de vêtements et l’exercice de l’amour libre. L’héroïne, une « bâtarde » issue de cette communauté, s’appelle Verdad comme pour rappeler qu’il faut se méfier de ce terme-même de « vérité » qui porte en lui tant de mensonges.

"Verdad" de Lorena Canottiere (Ed. Ici Même)

En remettant le Prix, Chantal Montellier, la grand timonière d’Artemisia a souligné qu’elle y trouvait tout ce qu’elle aime : un propos politique, un vrai point de vue féminin et surtout un graphisme effectivement somptueux dans la veine de ce qu’il y a de mieux dans une certaine production italienne dont Lorenzo Mattotti est le chef de file.

« La qualité artistique et littéraire de ce magnifique album, sa maturité, dit le communiqué d’Artemisia, ont convaincu les membres du jury à l’unanimité. Le double combat de l’héroïne, contre la dictature politique et le fascisme d’un côté, et pour se débarrasser des oppressions morales et religieuses de l’autre, génère un récit puissant et prenant. Le style libre, inventif et très maîtrisé de Lorena Canottiere est époustouflant. Superposant très intelligemment et habilement des aplats de couleurs vives à des hachures, des striures, des griffures, les images de Lorena sont autant de tableaux d’une très grande expressivité.  »

Chantal Montellier à Lorena Canottiere. : "C’est tout ce que j’aime dans une bande dessinée..."

Le Prix couronne aussi –aucune raison de ne pas en parler- une éditrice, Bérengère Orieux, fondatrice des éditions Ici-Même à Nantes créées en 2012 et dont le valeureux catalogue ne comporte aucun faux pas éditorial. Elle fait partie sans conteste des éditeurs de la bande dessinée alternative incontournables d’aujourd’hui.

Bérengère Orieux, l’éditrice d’Ici Même, et la lauréate du Grand Prix Artemisia 2018, Lorena Canottiere.

Un tweet de la Ministre de la culture

Fait exceptionnel, la Ministre de la Culture Françoise Nyssen a salué d’un tweet cette récompense et « les violences de l’histoire » qui caractérisent cette œuvre. Dommage que le titre ait été éborgné : «  Vivad  » au lieu de « Verdad ». Pour sa peine, la ministre se penchera sur le cas de l’Association Artemisa dont la maigre subvention a été sucrée « pour moralisation de la vie publique » car elle émanait d’une « réserve parlementaire » supprimée. Rappelons que la ministre, patronne des éditions Actes Sud, est par ailleurs éditrice de bandes dessinées, comme nous vous l’avions expliqué. Elle saura d’autant mieux comprendre la nécessité de ce soutien.

Enfant cachée, stéréotypes sociaux et enfance sourde

Le Journal de Catherine par Julia Billet & Claire Fauvel (Ed. Rue de Sèvres)

Nous avons aussi été très touché par le Prix Artémisia de la Fiction Historique remis à Julia Billet & Claire Fauvel pour leur album La Guerre de Catherine (Ed. Rue de Sèvres). Julia Billet a raconté que c’est la propre enfance de sa mère qui est racontée dans cette histoire d’une adolescente juive qui a dû se cacher pendant la guerre, et qui trouve dans l’art, la photographie, le moyen d’exorciser ses angoisses.

« Artémisia a été impressionnée par la puissance et l’originalité de cette narration restituant magnifiquement les émotions des personnages et par la capacité de Claire Fauvel à les traduire avec une grande finesse et beaucoup de justesse » dit le communiqué.

Un bel album, au dessin clair, sur un sujet qui a été bien mis en lumière en 2017 et qui souligne le rôle des "Justes", ces courageux résistants qui ont permis le sauvetage de 75% des Juifs de France destinés par les nazis à une mort certaine.

Le Journal de Catherine par Julia Billet & Claire Fauvel (Ed. Rue de Sèvres)
Julia Billet, la scénariste de La Guerre de Catherine dessinée par Claire Fauvel (Ed. Rue de Sèvres)
Idéal Standard d’Aude Picault (Ed. Dargaud)

Aude Picault reçoit le Prix Artémisia Humour pour son album Idéal Standard paru aux éditions Dargaud, dont Tristan Martine nous parlait dans nos pages avec beaucoup de chaleur. « Cet album très maitrisé, tout en rondeur et humour d’Aude Picault, aborde avec grâce et intelligence les thèmes principaux de la vie des femmes d’aujourd’hui : l’importance du rôle social et du travail, le besoin d’aimer et d’être aimé, la recherche de soi, le désir et le plaisir partagé. Aucun membre du jury Artémisia n’a résisté à son charme » dit le communiqué.

L’Ecorce des choses de Cécile Bidault (Ed. Warum)

Nous sommes aussi très touchés par le Prix Artémisia Avenir obtenu par Cécile Bidault pour son album L’Écorce des choses (Ed. Warum). Un album quasiment muet pour raconter l’histoire d’une fille sourde que Jérôme Blachon avait chroniqué récemment sur ActuaBD. « Artémisia a été touchée par ce livre singulier. Très peu de mots dans ce récit au découpage limpide que l’auteure parvient, par ses seules images, à rendre intelligible, expressif et émouvant  » précise le communiqué.

Mentions

Trois mentions du jury honorent Leïla Slimani & Laetitia Coryn pour leur album Paroles d’honneur (Ed. Les Arènes BD), « pour le combat féministe » ; Daria Schmitt pour « le dessin » de son album Ornithomaniacs (Ed. Casterman) ; Gwenola Morizur & Fanny Montgermont, enfin, obtiennent une mention pour la qualité documentaire de leur album Bleu pétrole (Ed. Bamboo).

Le jury a tenu à accorder une mention « Hors de Prix » à l’ineffable Chantal Montellier, cofondatrice du Prix Artemisia, pour son album Shelter Market , paru aux éditions Les Impressions Nouvelles..

Joli palmarès !

Aude Picault, autrice d’Idéal Standard (Ed. Dargaud)
Catel Muller, membre du Prix Artemisia et la toute jeune Cécile Bidault, autrice de "L’Ecorce des choses" (Ed. Warum)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782369120339

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Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

 
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