Il y a chez Loustal des tiraillements, des tensions et c’est ce qui fait tout son prix. D’un côté, il y a l’expérience de la BD. C’est la trivialité même puisque le récit d’aventure se nourrit d’anecdotes. Et puis de l’autre, il y a l’art, la peinture, l’aquarelle. Un regard, une pensée élevée, ce jeu avec la lumière et les surfaces. L’apport de Loustal à la BD à la fin des années 70 et au début des années 80, c’est précisément cette touche artistique inspirée de l’expressionnisme allemand, du fauvisme et de Matisse pour le trait, et de la période californienne de David Hockney pour les couleurs. « Je fais le grand écart car j’ai des expériences très contradictoires, dans tout, y compris dans mes intérêts musicaux ou cinématographiques », nous dit Loustal.
Ce qui structure l’expo, c’est d’abord la ligne d’horizon. Une obsession d’architecte, formation originelle du dessinateur. Puis les matières, le jeu subtil des transparences de l’aquarelle, qu’il élabore d’un pinceau appliqué sur une surface parfois cadencée d’onctueuses hachures. « L’important, c’est la composition graphique, dit-il. Souvent, je rectifie les volumes, je déforme, j’agrandis, je redresse les lignes. » L’ensemble est apaisé, maîtrisé. Il y a de la sensualité, mais pas du pathos. Loustal contrôle. Les agrandissements pigmentaires que le sérigraphe Franck Bordas a faits de ses œuvres montrent la force du trait que le grossissement n’affecte pas. Plus loin, dans ses fusains noir et blanc, la lumière apparaît dans sa crudité. « Ça a beaucoup a voir avec les photos noir et blanc que j’ai faites pendant des années » nous dit Loustal qui a fait ces compositions spécialement pour Cherbourg.
Plus loin encore, un étonnant travail de photomontages. Loustal : « C’est la première fois que je montre ce travail de photo. C’est un assemblage qui permet de recréer l’atmosphère d’un lieu. Une seule photo ne peut pas le faire. Je propose un espace dans lequel on se trouve enveloppé. Un aspect inédit du travail de l’auteur qui rejoint celui de Hockney qui l’avait tant impressionné à ses débuts.
L’expo se conclut sur plus de 150 planches, illustrations et sérigraphies qui donnent un large aperçu de son talent. Exceptionnel. Un parcours qui nous permet de mieux comprendre et apprécier l’un des meilleurs artistes de la génération Métal Hurlant.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Exposition Loustal, Clair obscur à Cherbourg-Octeville
Du 4 avril au 21 septembre 2008
Musée d’art Thomas-Henry, Centre culturel
Entrée libre
Renseignements au 02 33 23 39 38
Ou sur Le site de la ville de Cherbourg
"Les Inrockuptibles" publient un numéro spécial à cette occasion.
Photos : D. Pasamonik pour l’Agence BD.
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