Rares sont en effet les cités qui cumulent à la fois une institution muséale nationale et un rendez-vous événementiel de dimension internationale. Seuls Haarlem et Angoulême, si ma mémoire ne me fait pas défaut, disposent de ces qualités. Alfredo Castelli se plaignait récemment que le Festival de Lucca ne jouisse pas d’un rayonnement aussi prestigieux que celui d’Angoulême : « Il y a trop de festivals en Italie », jugeait-il. Pourtant, c’est bien la ville toscane qui fut la première à lancer un Festival consacré au neuvième art après un mémorable colloque à Bordighera en 1966.
Lucca rattrape son retard
Angoulême avait pris de l’avance en créant son musée national. Cette institution ancrait le festival dans la ville et lui donnait le lustre qui la distinguait des autres salons de la BD de province. Partie plus vite, comme le lièvre de la fable, Lucca rattrape son retard. De par l’importance du Festival, d’abord, le premier d’Italie ; de par son jumelage avec une institution ensuite. Toutes les conditions sont réunies pour en faire un Festival de la première importance : en fusionnant avec Lucca Games, créé par Emanuele Vietina, et Lucca Multimedia, dirigé par Massimo Silva, Renato Genovese et Stefani Beani font accéder Lucca Comics & Games 2004 à une dimension qu’Angoulême n’est jamais arrivé à maîtriser : concilier la BD et les nouveaux médias.
Un musée national à vocation internationale
Le Festival ouvrait ses portes quasiment en même temps que le Musée national (officiellement ouvert depuis le 23 octobre dernier) créé par Gianni Bono, à la suite d’un appel d’offre fait par la Ville de Lucca. Le projet, doté de 8 millions d’euros, porte sur un espace de 6.000 m² (seuls 2000 m² sont en fonction actuellement) et rassemble dans une scénographie élégante, intelligente et simplissime, quelques-uns des auteurs italiens les plus marquants, mais aussi quelques grandes signatures internationales (surtout américaines) dans un lieu qui est une ancienne caserne établie dans un ancien couvent transformé en temple de la BD grâce aux bons soins de l’architecte Pietro Carlo Pellegrini. Anecdote amusante : le général qui dirigeait l’année dernière encore cette caserne est encore là jusqu’à l’année prochaine : les organisateurs n’ont pas réussi à le déloger avant la fin de son bail. Son chien accueille ( ?) les visiteurs en aboyant férocement. Il faut dire que sa tranquillité est perturbée : plus de 1500 personnes défilent chaque jour et le lieu espère profiter de l’événement annuel (qui a rassemblé 52 000 visiteurs en 2003) pour se faire connaître davantage encore.
Une base de données de 30 000 documents
Le clou du Musée est sa base de donnée multimédia. Une présentation en a été faite le week-end dernier aux représentants d’Angoulême et de Charleroi par leur initiateur Gianni Bono (auteur d’un Guide la BD italienne) et Alfredo Castelli (créateur de Martin Mystère et l’un de plus fins connaisseurs de l’histoire de la BD mondiale). Ce dernier en a profité pour présenter son prochain ouvrage, Eccoci Ancora Qui (« Nous sommes encore là ! », traduction de « Here We Are Again ») qui est une encyclopédie (à paraître) retraçant les 25 premières années de la bande dessinée américaine, dotée, fait exceptionnel, de quelque 5.000 illustrations inédites ou peu connues. Cette richesse documentaire se retrouve dans la base de données qui est proposée, puisque ses initiateurs ont numérisé plus de 30 000 documents. Mauvaise (ou bonne) nouvelle pour les chercheurs : pour la consulter, il va falloir faire le voyage en Toscane !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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