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TRIBUNE LIBRE À Marc Poitevin : Jacobs reviens ! Ils sont devenus fous !

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 23 mars 2017                      Lien  
Marc Poitevin est un connaisseur de bande dessinée et un médiateur culturel de longue date. Il connaît ses classiques sur le bout des doigts, surtout s’ils émargent du domaine franco-belge. Il revient ici sur le dernier Blake & Mortimer, « Le Testament de William S. », pour y constater que ses auteurs n’ont pas la même minutie qu’Edgar Pierre Jacobs… Damnation !
TRIBUNE LIBRE À Marc Poitevin : Jacobs reviens ! Ils sont devenus fous !
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L’anachronisme est une erreur de chronologie qui consiste à y placer un concept ou un objet qui n’existait pas encore à l’époque illustrée par l’œuvre. Cela peut être volontaire, et rentrer dans une narration prévue par le scénariste de manière à déclencher un aspect comique, ou passer totalement inaperçu, ce qui dans un ouvrage à caractère historique réputé « sérieux » et bien « étudié » correspond plutôt à une interprétation libre et non vérifiée, plus encore gênante si le nombre de superviseurs, de correcteurs, d’approbateurs passent aussi dessus. Et là, c’est souvent la crédibilité qui en prend un coup ! Bref… Plus c’est « gros », plus ça « passe », et cela se vérifie dans le dernier Blake et Mortimer, 24e du nom, sous le titre « Le Testament de William S. ».

J’avoue avoir souvent du retard dans mes lectures.
Cela est le fait d’une abondance de parutions et d’être souvent submergé par les albums qui sortent à des moments bien précis (marketing ?) et simultanément.

Je me penche donc sur celui-ci, sans a priori, et dans cette lecture au 1er degré qui est l’aspect récréatif de se laisser emporter par le récit sans approfondir les détails. Bien construit, intéressant, il est bien dans la lignée de l’œuvre léguée par Jacobs. Le duo Y. Sente et A. Juillard fait, comme d’habitude, merveille. Et puis… Malheureusement, arrive la planche 22, strip 2 aux vignettes 1 et 2. Et là, je n’en crois pas mes yeux ! J’ai vécu à Londres, et l’Histoire en général, et plus particulièrement de cette ville ne m’a pas échappé. Que voyons-nous ?

Blake & Mortimer, « Le Testament de William S. » de Yves Sente et André Juillard
© Ed. Blake & Mortimer

La « Grande Puanteur » de 1858 narrée dans la vignette 1, puis illustrée dans la vignette 2 avec le niveau exceptionnellement bas de la Tamise, sur fond du Tower Bridge (Le Pont de la Tour de Londres), et le problème se situe bien dans cette représentation ! Évidemment, il était très caractéristique de mettre un « symbole » fortement connu de la capitale londonienne et vu des millions de fois sur le fleuve pour représenter ce fait. Mais l’ennui réside dans le fait que ce pont n’a été commencé qu’en 1886 et inauguré en 1894, soit près de 36 ans plus tard !

Londres, décidément, ne porte pas chance aux hommes de culture… Pour les cinéphiles, Abel Gance dans son film « Austerlitz », qui se passe en 1805, et où la plus belle des batailles remportée par l’Empereur Napoléon 1er fait l’objet de nombreuses séquences, montre l’une d’entre qui se déroule à Londres dans une salle avec de nombreux protagonistes. Même si l’on sait que le règne impérial se termine à Waterloo en 1815, et même si l’on « pousse » un peu jusqu’à sa mort en 1821, il est totalement hilarant de découvrir en arrière-plan de la fenêtre de cette salle, Big Ben, l’horloge du Parlement britannique, réalisée en 1859, soit 54 ans après Austerlitz !

Que dire d’autre ? « L’anachronisme » a encore de beaux jours devant lui ! À quand, la mort de Louis XVI (en 1793) avec la Tour Eiffel en arrière-plan (1889) ? Cela serait du plus bel effet depuis la Place de la Concorde (Pardon, de la Révolution !).

Si une nouvelle édition voyait le jour, il serait judicieux qu’André Juillard redessine uniquement cette vignette en remplaçant le Tower Bridge par la Tour de Londres elle-même. Elle est juste à côté, au bord de la Tamise, et là au moins, on remonte à Guillaume le Conquérant. Ouf ! Cette tour était bien présente (elle est là depuis 1078) lors de la « Grande Puanteur » !

Marc POITEVIN

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782870972427

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Lire également notre interview de Sente & Juillard qui bouleversent le cadre de Blake et Mortimer

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4 Messages :
  • "Jacobs revient" : c’est un scoop ? Edgar P. est bientôt de retour ?

    À moins qu’il ne s’agisse d’un grosse faute d’orthographe ?

    L’orthographe correcte serait-elle déjà devenue anachronique ?
    L’univers futuriste décrit dans "Le Piège diabolique" serait-il déjà à notre porte ?

    "Jacobs, reviens !"

    Répondre à ce message

    • Répondu par Zébra le 29 mars 2017 à  09:57 :

      Précision architecturale intéressante, cela dit je ne sais pas dans quel pays les BD de Jacobs ont la réputation d’être "sérieuses" ?
      Quelques planches vendues à prix d’or à des collectionneurs ne rendent pas un auteur "sérieux". Conclusion : lisez Shakespeare plutôt que Jacobs ; Shakespeare prouve que l’on peut être sérieux sans être chiant, c’est-à-dire exactement le contraire de Jacobs.

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      • Répondu par Marc Poitevin le 29 mars 2017 à  11:00 :

        Je vous conseille de lire "dans le texte" et dans leur contexte d’époque les "sonnets de Shakespeare" dans un vieil anglais tardif avec la forme usuelle du tutoiement religieux (qui n’existe plus dans l’anglais moderne), et vous aurez une idée sublime du caractère "chiant" que peut avoir aussi cet auteur... La BD offre de multiples courants et celui-ci a encore mal d’adeptes de la narration longue dans les phylactères.

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    • Répondu par Marc Poitevin le 29 mars 2017 à  10:55 :

      La correction avait été faite et envoyée.
      Malheureusement, la parution de l’article est survenue avant.
      Une "grosse fôte d’ortografe" n’arrive cependant pas à camoufler la construction tardive du pont...

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