Il régnait une excitation particulière samedi dernier sur la Place de Brouckère, dans le centre de Bruxelles. Et pour cause, c’est au creux de cette après-midi d’octobre (incroyablement ensoleillée au pays du crachin roi) qu’une première poignée de spectateurs allait pouvoir découvrir Le Secret de la Licorne, première aventure de Tintin selon Steven Spielberg.
C’est un mélange d’angoisse et d’impatience qui prévaut dans la longue file qui mène à la salle. Il y a quelques minutes, c’était l’effervescence sur le tapis rouge déroulé devant le cinéma. Spielberg lui-même faisait son apparition. Répondant aux questions des journalistes affairés, il déploie un discours précis, réfléchi. Il a l’aisance toute hollywoodienne d’un réalisateur sûr de son entreprise. Pourtant, derrière cette façade que l’on pourrait croire banale, on sent que l’homme a une connaissance et un respect immense de l’œuvre qu’il vient d’adapter.
La première preuve de ce respect s’est manifestée lorsque qu’au début de l’été, il a choisi de donner la primeur de son film à la ville de Bruxelles. Certes capitale de l’Europe, mais insignifiant marché au regard des enjeux économiques du cinéma. Cependant, Spielberg sait que c’est dans cette ville que le personnage est né, dans l’imagination fertile d’un dessinateur qui signait Hergé. Mais entre Hergé et Spielberg, c’était jusqu’ici une histoire de rencontres manquées. Le temps a passé, mais en gentleman, Spielberg est là. Seul au rendez-vous, il ne manque pas de saluer la mémoire de son inspirateur disparu en 1983, quelques semaines avant leur rencontre programmée.
Massés dans la file d’attente, les spectateurs trépignent. Les excellents échos répandus par la presse et les mots parfaitement choisis du réalisateur ont semble-t-il rassuré. À l’heure d’entrer dans la salle, des regards se croisent, c’est parfois un couple, parfois un parent et son enfant, mais tous sont animés d’une envie : voir ce Tintin, héros populaire du vingtième siècle, à nouveau faire rêver les foules.
Le film est terminé. La salle se vide. Le cinéma déverse un flot de spectateurs exaltés. Les alentours sont uniformément peints aux couleurs du film, parenthèse enchantée dans un pays déglingué par le nationalisme. En levant les yeux, on remarque que l’immense étendard « Tintin, born in Brussels » a laissé sa place à un tout aussi immense « Tintin, back in Brussels ». En traversant le grand boulevard, une silhouette attire notre attention. Un dame, l’air discrètement absente, balade son chien devant l’hôtel Métropole. C’est Fanny, l’héritière, qui vient d’accomplir la dernière volonté d’Hergé, trente ans après. Curieux destin.
Grâce à un enthousiaste cinéaste américain, Tintin a repris sa course vers l’aventure. En commençant par rassembler ses amis chez lui, à Bruxelles.
(par Morgan Di Salvia)
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En médaillon : une vue de la Place de Brouckère à Bruxelles, le 22 octobre 2011
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