Madumo : premier, seul et unique - Par F. Erre - Vide Cocagne

Le trait de F. Erre ne vous est sûrement pas inconnu, en tout cas pas si vous lisez son blog « Une année au lycée » hébergé par le site du Monde. Il y raconte son quotidien d’enseignant d’histoire-géographie avec humour, humanité et perspicacité.

On retrouve ces mêmes qualités dans Madumo, qui présente Martin, un homme d’âge mûr qui rentre dans son village natal après 27 ans d’absence, le jour même où un certain Madumo, dont le visage est encore inconnu, doit être intronisé maître du monde, en présence de l’ensemble des chefs d’État de toute la planète.

Cela donne au passage l’occasion à l’auteur de développer certaines scènes cocasses, comme par exemple celle où De Gaulle, essayant de négocier la place des Français dans le futur État mondial (« J’espère que Madumo s’occupera bien des Français quand il aura en charge le destin du mode… Voyez-vous, c’est un peuple orgueilleux, un peu immature… Je crois que ça l’embête de se trouver fondu dans la masse… »), avant de se disputer violemment avec le roi d’Angleterre et le chancelier allemand…

Il s’avère rapidement que Martin et Madumo ne font qu’un, et que Martin n’est revenu dans son village que pour savourer son triomphe et annoncer à sa famille et à ses anciens amis qu’il est désormais Madumo. Mais il s’avère que seuls sa chambre d’enfant et ses souvenirs n’ont pas bougé. Ses parents sont devenus séniles, sa sœur lui reproche sa longue absence, ses anciens camarades continuent à se moquer de lui et son ancienne amoureuse n’a plus aucun souvenir de cet étrange type….

En réalité, sous la rondeur du trait et l’extrême expressivité des personnages, le style « gros nez » du dessinateur, sous le vernis de science-fiction ou de récit d’aventure, se cache un propos grave et sérieux : une réflexion intelligente sur le temps qui passe, sur le rapport à sl’enfance et à la manière dont celle-ci nous construit.

La narration est un exemple de fluidité et d’efficacité, les découpages rendent le récit très dynamique, le travail sur les couleurs et les textures est superbe. Il n’y a aucun temps mort dans cette bande dessinée inattendue qui nous fait sourire, puis réfléchir.

Les œuvres les plus réussies (en bande dessinée comme au cinéma, pensons par exemple à Un singe en hiver) sont souvent celles qui traitent sans pathos et avec un humour délicat de sujets graves. Madumo est clairement à ranger dans cette catégorie et il s’agit là de l’un de nos vrais coups de cœur du moment !