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Maëster : « Mon blog est une respiration, il me permet de réagir à l’actu ! »

Par Nicolas Anspach le 3 mars 2007                      Lien  
Lorsque le créateur de {Sœur Marie-Thérèse} partage avec ses lecteurs son regard sur l’actualité, cela décoiffe ! {{Maëster}} anime un blog depuis fin 2005, où il chronique avec réflexion et humour, les menus faits de l’actualité. Sa plume incisive et son trait dynamique font mouche.

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans la réalisation de ce blog ?

Je voulais réagir à la manière dont certains événements étaient traités notamment à la télé. Le blog est l’outil idéal pour donner une visibilité immédiate à son propos, à ses dessins. Si une information entendue le matin me fait réagir, je peux empoigner mon crayon, réaliser un dessin durant la journée et le mettre en ligne peu de temps après ! Internet permet d’être réactif. La presse est dépendante de délais inhérents à ses différents métiers et filières. Un dessin ne serait pas publié aussi rapidement dans un quotidien. Et puis, si je devais collaborer à un journal, je serais contraint de produire. Alos que là, je n’ai pas forcément tous les jours une idée géniale en rapport à l’information…

Maëster : « Mon blog est une respiration, il me permet de réagir à l'actu ! »Vous teniez à exprimer votre opinion ?

Oui. J’habite en Banlieue... Une banlieue plutôt populaire. La façon dont on a traité les événements qui se sont déroulés dans la périphérie Parisienne à la fin de l’année 2005 m’a fait bondir. Pendant les émeutes, les radios et les télévisions donnaient l’impression que la France était en guerre civile. Or, je ne voyais rien de tout cela en me promenant dans mon quartier (qui n’est pas une zone pavillonnaire privilégiée). J’ai donc voulu réagir au travers de mon art, le dessin.
Et puis, ces illustrations étaient une sorte de récréation. Sœur Marie-Thérèse me demande un travail méticuleux et laborieux : des décors précis à dessiner, des perspectives à respecter, etc. Les dessins du blog étaient pour moi – et sont toujours – une sorte de respiration… Ces illustrations permettent également de m’exercer et peaufiner ma technique dans différents genres : la caricature, la couleur directe, le dessin réalisé rapidement, etc…

Pourquoi avoir rassemblé ces dessins dans un recueil ?

J’ai toujours pensé que ces dessins seraient éphémères. L’internaute ne les verrait que durant la journée où ils ont été publiés sur mon blog. Tout au plus, peut-être irait-il voir ceux mis en ligne une ou deux semaine auparavant…
Les éditions du Lombard m’ont proposé de les rassembler dans un livre publié dans la collection Petits Délires. Je ressentais une très forte envie du Lombard de travailler avec moi. On a réfléchi au projet, et nous nous sommes rapidement rendus compte qu’il contiendrait beaucoup trop de pages pour être édité dans cette collection. Nous avons donc réalisé un album grand format, en couleur, avec une couverture brochée.

« L’Actu Tue » reprend un peu plus d’un an d’actualité. Il aura forcément une vie éphémère…

Cela ne me dérange pas ! Ce sont les dessins qui ont généré un livre. Le Lombard s’est adapté à mon travail, et cette démarque éditoriale m’a séduit ! On peut effectivement associer ce livre à une année d’actualité, et y voir un côté éphémère. Mais d’un autre côté, j’apprécie relire ou découvrir de temps en temps des livres consacrés à des événements qui se sont passés il y a cinq ou dix ans. Serais-je le seul ?

Vous devez-vous de respecter une certaine parité entre la droite et la gauche, en ces temps de campagne électorale ?

Je ne fais pas de politique ! Seuls les événements me poussent à réagir…

Pourtant, il nous semble que vous égratignez plus Sarko que Ségo…

Effectivement. Mais Nicolas Sarkozy a commencé sa campagne beaucoup plus tôt que Ségolène Royal. Et puis, il a été omniprésent dans l’actualité à cause de sa fonction de Ministre de l’Intérieur. Il a multiplié les déclarations… Pour l’instant, il m’agace plus que Ségolène Royal.
Pour être honnête, je dois vous avouer qu’il est beaucoup plus facile à dessiner que son adversaire politique. C’est un plaisir, même… Sarkozy est devenu un personnage de BD, à l’instar de Sœur Marie-Thérèse

Et Chirac ?

Egalement ! J’aime le dessiner comme un vieil homme qui sait qu’il va aller dans une maison de retraite. Un homme qui s’accroche à une colonne de l’Elysée en disant « Non ! Non ! Je ne veux pas partir ! ».

Vous n’avez pas parfois l’impression d’aller trop loin avec l’un ou l’autre gag ?

Non ! Mais je me suis parfois censuré. Notamment pendant l’affaire des caricatures danoises. C’était une problématique difficile. J’ai fait un certain nombre de dessins mais tous ne sont pas dans le livre. Mon objectif principal est de faire rire, pas de déclencher des émeutes !

Cela vous donne l’impression de détenir un pouvoir entre les mains ?

C’est très limité, un blog. Mais le dessin, notamment le dessin de presse, a un réel impact... On s’en est aperçu avec l’affaire des caricatures danoises. Il faut donc se servir de ce pouvoir habilement. L’objectif n’est pas de blesser les gens…

Le titre de l’album, « L’Actu Tue » est incisif …

L’idée m’est venue un matin. La maquette de la couverture était logique suite à ce choix. L’actualité ne tue peut-être pas, mais c’est quand même une chose très anxiogène.

Vous êtes devenu un acharné de l’actualité ?

Je ne l’étais pas avant de commencer ce blog. Mais je suis en train de le devenir. Pour ne pas véhiculer trop d’imbécillités, je me documente de plus en plus. Lorsque j’ai commencé à dessiner Sœur Marie-Thérèse, je ne connaissais pas la religion catholique en profondeur. Je racontais n’importe quoi dans les premiers albums. Puis, je me suis mis à acheter des livres sur le christianisme et sur Jésus. J’ai aujourd’hui une bibliothèque assez fournie en la matière.
Pour l’actualité, c’est pareil : je suis devenu un lecteur de journaux d’information. Ce qui est plutôt bien, car cela m’a culturellement enrichi.

Le blog a-t-il eu une répercussion sur votre travail pour Sœur Marie-Thérèse ?

D’une certaine façon, oui. Grâce à ce blog, j’ai pu réaliser des dessins rapidement. Ce fut un véritable entraînement, à l’instar d’un sportif qui court tout au long de l’année pour être en forme lors des compétitions…
Ce travail n’est pas perdu : des dessins qui me prennent une heure et demie, il n’y en a pas beaucoup sur mon blog. Si cela me prend plus de temps, c’est que l’idée n’est pas bonne. Et je perds alors la spontanéité du trait…

En 2003, le rire tuait tout autant que l’actu dans Fluide...
Couverture du numéro 330 (décembre 2003) - Dessin de Maëster.

Qu’en est-il du prochain album de votre bonne-sœur. Elle se tranforme en Arlésienne…

Il y a eu ces dernières années pas mal de changements à Fluide Glacial. Je ne m’y retrouvais plus. J’avais l’impression que les auteurs étaient assez peu considérés, surtout les "petits". A un moment, j’ai compris qu’il fallait que je tire les conséquences de mon désaccord avec la direction de cette maison. Quand on n’est pas satisfait de la manière dont les gens sont traités, on le dit pendant un certain temps. Et si rien ne bouge, on s’en va.
Mon départ a été très mal vécu par certains camarades de Fluide qui ont considéré cela comme une trahison. Pour moi, cela ne l’était pas ! Au contraire, je me serais trahi moi-même en y restant car j’aurais alors renié mes convictions. Fluide Glacial n’était pas resté le même éditeur et le même journal que j’ai connus quand j’y suis arrivé. C’était une famille ! J’ai passé vingt-deux ans dans cette famille. Mais à 22 ans, il est parfois temps de la quitter !
Chez Fluide, j’avais la possibilité de continuer à publier des livres plus ou moins régulièrement, sans me remettre en question. Mon départ m’a ouvert à d’autres choses. J’ai aujourd’hui rencontré d’autres éditeurs, comme Albin Michel ou Le Lombard. Des vrais éditeurs, comme Hervé Desinge ou Yves Sente, qui ont envie de défendre les livres qu’ils éditent.
Pour le prochain Sœur Marie Thérèse, qui sera publié chez Albin Michel, j’ai signé un contrat qui contient une clause spécifique : une clause de durée, reconductible par accord tacite. Mais si au bout de cette durée, je ne suis pas satisfait du travail de l’éditeur, j’ai la possibilité d’aller voir ailleurs. Un contrat entre un auteur et un éditeur, c’est avant tout une affaire –et un contrat – de confiance. Si on a des suspicions et des craintes envers l’un envers l’autre, le contrat n’a plus lieu d’être…

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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