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Manifeste incertain vol. 4 : La Liberté obligatoire - Par Frédéric Pajak - Editions Noir sur Blanc

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 8 septembre 2015                      Lien  
Déjà le quatrième tome du Manifeste incertain de Frédéric Pajak, un auteur qui sait ce le vocable "Roman graphique" veut dire. Une fois encore, il nous offre une expérience unique de dessin, mais aussi d'écriture.

Il y a des images indicibles et des mots qui font image. L’association des mots et des images, dont la bande dessinée est l’une des manifestations les plus notoires, apporte trois champs de référence culturelle au lecteur : celui de l’image tout d’abord, dont la longue lignée a façonné l’imaginaire occidental et qui continue, grâce aux médias électroniques, à nous apporter son lot de sidérations ; le texte, à la force évocatoire sans pareille, qui confère du sens mais aussi, et ce n’est pas banal, une musique ; il y a enfin l’association de ces deux arts qui ouvre des perspectives vertigineuses pour l’esprit.

Ce qui est bien chez Pajak, c’est que nous sommes dans la parfaite conscience de ces phénomènes. On peut se plonger tranquillement dans ses vertiges, dans la profondeur de ses dessins, morceaux de noirceur arrachés à ses nuits, ou dans la paisible érudition de ses textes. Chaque image, chaque phrase, est un instant de réflexion de la part d’un esprit libre qui sait ce que sont les clichés, combien ils obturent l’entendement par la simple force de leur énonciation. Aussi s’emploie-t-il à les dépasser. On sent la photo -le cliché- derrière ses dessins. Mais comme il le fait avec sa cousine l’idée reçue, Pajak en dépasse la translation, en réduit la virulence -comme le ferait une vaccination- et change par là-même notre regard.

Ainsi en est-il de ce Gobineau que les nazis avaient transformé en théoricien du racisme (ce qui n’est pas faux) mais que Pajak nous oblige à relire avec plus de subtilité quand il nous le décrit fils d’une mère faisant de la prison pour escroqueries, jeune homme amoureux d’une ravissante créole, et savant radical relativement bienveillant envers les Juifs. Gobineau, dit Pajak, est un penseur pessimiste fondant sa méditation sur "l’inéluctable faiblesse de l’humanité, sur sa finitude." Mais pas sur la destruction d’une race par une autre...

On découvre son existence par bribes éclairantes. Le système narratif marche bien : après la lecture d’une demi-douzaine de lignes renseignées et profondes, la réflexion se prolonge dans la contemplation du dessin. L’effet est parfois grandiose.
Pajak nous parle sur le même ton d’un moment de la vie de Gombrowicz ou d’une escapade à Santiago de Barriloche en Patagonie, de sa découverte, enfant, du journal de Mickey, du souvenir encore sensible d’un ami disparu, ou encore de Gébé dont l’album publié au Square, Il est fou, est pour lui un choc artistique de première ampleur.

Il y a de quoi être ébahi.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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