Pour la plupart des lecteurs de bande dessinée, votre serviteur y compris, Calamity Jane n’était qu’un faire-valoir de luxe de Lucky Luke. Une espèce de garçon manqué à la carabine, tel le portrait peu flatteur qu’en avaient dressé Morris et René Goscinny. Récemment, la série télévisée Deadwood [1] de David Milch d’après le roman de Pete Dexter a permis au grand public de découvrir un personnage bien plus complexe. Extrapolant un portrait biographique intime, Matthieu Blanchin et Christian Perrissin ont été distingués pour le premier volet de ce triptyque au dernier festival d’Angoulême. La suite était fort justement attendue.
Ce deuxième album couvre la période 1870 – 1876, durant laquelle Martha Jane Cannary rencontre James Wild Bill Hickok, le père de sa fille unique Janey.
À la fin du premier album, on avait laissé Jane après une embuscade à Goose Creek ; une célèbre déroute qui lui valut son sobriquet de Calamity. On la retrouve quelques années plus tard, dans le froid des plaines à l’hiver 1874. Elle a rencontré Wild Bill, lui a sauvé la vie quand des outlaws ont voulu faire la peau au marshall d’Abilene, Kansas. Leur passion est brève mais dévorante. Hickok n’est pas l’homme d’une seule femme, et Jane va l’apprendre à ses dépends. Enceinte de Janey, elle voit Bill irrémédiablement s’éloigner d’elle, et va doucement glisser vers les excès alcooliques qui marqueront cette partie de sa vie. Paniquée, perdant pied, elle va confier sa petite fille au couple O’Neill et à celui qui deviendra Papa Jim, figure récurrente de ses poignantes Lettres à sa fille [2]. En 1876, peu après la bataille de Little Big Horn, elle échoue à Deadwood, ville-champignon de chercheurs d’or, où son chemin recroise celui de Wild Bill Hickok. Elle se prend à rêver d’une réconciliation, mais le destin de Bill sera tout autre…
Comme sa première partie, Martha Jane Cannary, les années 1870-1876 est un livre passionnant. En ne faisant pas forcément le tri entre ce qui s’est réellement passé, et ce que Jane a dit qu’il s’était passé, les auteurs sont fidèles à la personnalité de cette légende de l’Ouest. Un peu mythomane, souvent désemparée, mais toujours volontaire et débordante d’amour pour sa fille : le portrait semble cohérent. Les maladresses du dessin de Matthieu Blanchin rendent les pages très émouvantes, et donnent à son interprétation du mythe américain beaucoup de vivacité.
Son écriture y contribue également : très jetée, à la manière d’un journal de bord. D’une page à l’autre, on peut voir des cases dessinées dans l’urgence, puis d’autres très minutieuses, comme certains panoramiques au lavis.
Une chose est sûre, cette biographie romancée fera date dans le monde très codifié des westerns en bande dessinée.
(par Morgan Di Salvia)
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Matthieu Blanchin, sur ActuaBD, c’est aussi :
> "Calamity Jane avait conscience que grâce à l’écriture, elle se forgeait une légende" (entretien en décembre 2008)
Christian Perrissin, sur ActuaBD, c’est aussi :
des chroniques,
> Barbe Rouge. Les secrets d’Elisa Davis T2
> Cap Horn T1
[1] produite comme Les Soprano, Rome ou Six Feet Under par la chaîne américaine HBO
[2] éditées chez Rivages. Une des principales sources de cette bande dessinée
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