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Marvano ("Grand Prix") : « Les coureurs allemands arboraient les signes nazis plus par opportunisme sportif que par affinité idéologique »

Par Nicolas Anspach le 1er juin 2011                      Lien  
Avec « {Grand Prix} », {{Marvano}} retrace le parcours des pilotes automobiles allemands durant la fin des années ’30. Le régime nazi subsidiait les constructeurs afin que leurs recherches dans l’aérodynamisme et dans la puissance des moteurs servent, à terme, leurs sombres desseins.

Marvano ("Grand Prix") : « Les coureurs allemands arboraient les signes nazis plus par opportunisme sportif que par affinité idéologique »Parmi les pilotes automobiles que vous mettez en scène dans « Grand Prix », lequel était votre préféré ?

Bernd Rosemeyer, incontestablement ! Ce garçon venait de nulle part, et s’est imposé dans le monde automobile. Il était charmant, intelligent et surtout casse-cou. Il fallait l’être à ce moment là pour devenir pilote de course. Rosemeyer avait le sens de l’amitié et de la bravoure. Il n’avait aucune crainte de montrer au régime nazi qu’il n’était pas dupe…

Les coureurs ne soutenaient pas Hitler ?

Non. Je ne crois pas que dans la génération des pilotes d’avant-guerre, il y ait eu beaucoup d’adhérents volontaires au régime nazi. Certains couraient avec les sigles nazis sur leurs voitures ou leurs tuniques, mais ils le faisaient plus par opportunisme sportif que par affinité avec leurs idées. C’étaient des sportifs, et ils voulaient être les meilleurs. Le gouvernement d’Hitler leur donnait la possibilité de gagner. On leur mettait à leur disposition les moyens de leurs ambitions.

Les coureurs allemands intégraient d’office les S.S. Quand Rosemeyer s’est marié avec l’aviatrice Elly Beinhorn, Joseph Goebbels lui-même lui a demandé qu’il porte l’uniforme. Rosemeyer a refusé, prouvant clairement qu’il n’aimait pas du tout le régime. Il vivait en Allemagne à l’époque et il fallait faire avec le régime. Il n’avait pas le choix !

Extrait de Grand Prix T2
(c) Marvano, Dargaud.

Quelles sont vos sources documentaires ?

Des livres et des vidéos d’archive. Je possède un bon nombre de modèles réduits représentant les voitures de cette époque. Je peux les tourner dans tous les sens pour mieux dessiner ces bolides. Ce n’est d’ailleurs pas toujours évident de discerner les faits historiques et avérés des éléments qui ont été réinventés. De nombreuses personnes ont réécrit l’histoire après la Seconde Guerre mondiale. Il fallait diminuer l’importance des liens avec le régime nazi et accroître l’héroïsme moral de ces pilotes.

Il y a quelques années est parue une biographie de Mme Rosemeyer. Elle était aviatrice, et à cette époque les avions portaient la croix gammée sur leurs ailes. Assez étrangement ce sigle a été gommé des photos d’époque présentée dans le livre. Il est rare de voir des images des voitures Mercédès et Auto-Union [1] portant la croix gammée. Or, les voitures les arboraient à cette époque. Mercédès et Audi/Volskwagen préfèrent communiquer sur d’autres photos lorsqu’ils évoquent cette période. Ils refusent cet héritage du passé. Pourtant, ils ont été sponsorisés par le nazisme !

Les Allemands n’étaient-ils pas, pour la plupart, obligés de montrer des preuves d’adhésion aux idées du régime ?

Obligés, non ! C’est ce que l’on veut nous faire croire aujourd’hui. Il y avait peut-être une certaine pression sociale, mais il n’y avait pas d’obligation. C’était un choix. Et c’est d’autant plus effrayant de penser cela que s’il y avait eu une obligation, on pourrait pardonner aux personnes qui ont soutenu les thèses nazies.

Ces hommes pilotaient de vrais bolides dépassant les 400 km/h. Mais, en réalité, les coques étaient dépourvues de protection et de renfort, et ces voitures étaient aussi dangereuses que des caisses à savon.

Effectivement ! Ils n’avaient aucune protection. Leurs voitures n’offraient aucune stabilité. Les pneus étaient à l’époque plus proche d’une roue de vélo que des pneus de nos voitures contemporaines. La suspension était rudimentaire, les freins, tout autant ! Ils roulaient par temps de pluie, de neige, de verglas et de brouillard sur des routes généralement en mauvais état ! Les courses duraient quatre heures, voire parfois plus. Il n’était pas rare qu’un pilote prenne le relais d’un autre, tellement son prédécesseur était épuisé ! Il y avait des accidents et des morts chaque semaine ! C’était horrible. J’ai lu une interview d’un pilote qui disait : «  J’ai combattu durant la Première Guerre mondiale ! La course automobile est une grande amélioration par rapport à la guerre : on ne nous tire pas dessus ! »

Croquis préparatoire
(c) Marvano & Dargaud.

C’étaient de vrais pionniers !

Oui. J’ai toujours eu horreur d’employer le terme « héros » pour désigner des gens. Mais ici, ce n’est pas galvaudé ! C’étaient des hommes courageux ! Dans le deuxième tome de Grand Prix, j’ai dessiné une anecdote historique. Un journaliste a demandé à Tazio Nuvolari s’il n’a jamais eu peur de mourir dans un accident de voiture. Le pilote lui répond que c’est une probabilité importante, et que cela pourrait lui arriver. Le reporter, assez choqué, lui demande où il trouve le courage de monter dans ces machines infernales. Tazio Nuvolari lui rétorque : « Et vous, où aimerez-vous mourir ? ». Le journaliste confie qu’il veut mourir dans son lit, dans son sommeil. À cela, le pilote dit : « Vous n’avez pas peur de vous glisser dans vos draps chaque soir ? ».
Ces hommes avaient décidé d’avoir ce style de vie. Ils profitaient de la vie, mais savaient qu’ils risquaient d’être tués rapidement !

Vous évoquez la volonté du régime nazi de faire passer des juifs clandestinement en Palestine avant la guerre et l’horrible solution d’extermination que l’on connaît.

Oui. On le sait, les Allemands voulaient se débarrasser de leurs juifs. Avant de les exterminer, ils ont essayé de les forcer à immigrer dans d’autres pays. Mais aucun pays au monde ne voulait accepter un nombre si important de juifs. Sauf en Palestine ! [2] Ce pays était en partie sous mandat britannique. Les Allemands ont organisé une immigration clandestine de juifs en Palestine en 1937 et 1938 pour embêter les Anglais. Une organisation juive avait même des bureaux officiels à Berlin pour faciliter leur immigration. Ce sont des faits historiques.

Le prochain tome marquera la fin de la trilogie. Aborderez-vous les années de guerre de ces pilotes ?

Non. L’histoire s’arrête le 3 septembre 1939, soit deux jours après l’invasion de la Pologne par les Allemands. Le dernier Grand Prix d’avant-guerre a eu lieu à cette date. La plupart des pilotes ont ensuite été incorporés dans les troupes combattantes. Ils ont pour la plupart survécu. Sauf Rudolf Hesse, qui a péri sur le front Russe. Certains ont repris le volant après la Libération, mais ils n’étaient plus au sommet de leur pouvoir. Hermann Lang fut une exception, car il a gagné les 24 heures du Mans en 1952.

Etude préparatoire
(c) Marvano & Dargaud.

Quels sont les auteurs qui vous ont influencé ?

Il y en a sûrement des dizaines qui m’ont influencé de manière inconsciente ! Mais il y en a un dont je suis certain. J’ai copié ses planches en utilisant le même style, les mêmes matériaux que lui pour comprendre sa technique. Il s’agit d’Hermann. Je me souviens des planches que j’ai dessinées au Rotring pour arriver au plus près de son savoir-faire…

Vous étiez déjà pressenti pour reprendre « Comanche » à une époque. Bien avant la reprise de Michel Rouge …

Oui ! J’ai même encore le contrat signé par Guy Leblanc dans un classeur ! Il était alors le directeur du Lombard. Je lui ai demandé d’annuler le contrat pour différentes raisons : Je ne m’entendais pas très bien avec Greg. Après avoir terminé les planches d’essai, je me suis aperçu que Greg incorporait beaucoup de chevaux à son histoire. Je n’aimais pas cela. En fait, le western n’était pas mon genre de prédilection. En plus, j’avais d’autres projets. Guy Leblanc a été charmant et a compris mes raisons.

Quels sont vos projets ?

Je travaille sur deux histoires et je ne sais pas encore pour laquelle j’opterai. Mais j’aimerais rester dans le vingtième siècle, et plus particulièrement dans les années qui ont précédé et suivi la Seconde Guerre mondiale. Ce sont des décennies charnières qui ont formé le monde dans lequel nous évoluons. Si nous voulons trouver des solutions aux problèmes d’aujourd’hui, nous avons intérêt à comprendre leurs origines. Et la plupart d’entre eux proviennent de cette période.

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire aussi : "Marvano, le « Alan Moore » flamand"

Lire aussi : "Marvano retrace la période noire et dorée du Sport Automobile" (Août 2010)

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Illustrations : (c) Marvano & Dargaud.

[1Ndlr : Auto-Union est devenue par après la marque Audi.

[2Les Livres blancs successifs restreignent considérablement ces flux migratoires à partir de 1922. NDLR.

 
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23 Messages :
  • Je me permets , puisque la série est superbement documentée , de rectifier une information erronée. Dans une des questions , on évoque des "véhicules dépassant les 400 km/h". Non, impossible. Les formules 1 d’aujourd’hui n’atteignent même pas cette vitesse. Ce sont les voitures "type 24 heures du Mans " qui peuvent atteindre ces vitesses, autrement équipées aérodynamiquement. A cette époque, si on parle de courses, non seulement les moteurs ne sont pas assez performants en cette fin des années 30 , mais une telle vitesse n’aurait été possible que sur une ligne droite de plusieurs kilomètres. De plus , vu le poids des engins et la configuration des circuits, la voiture se serait envolée , on parle d’ailleurs de pneus absolument ridicules et d’un cx qui les en aurait empêché . Le record de vitesse de ces années -là ( sur le lac Salé ou la Daytona Beach) doit tourner autour de 350 km/h.

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    • Répondu le 1er juin 2011 à  13:38 :

      En 1971, pour confirmer les dire de S.Salma, les porsches 917 Longues queues étaient aux alentour de 385 dans la longue ligne droite des hunaudières, au Mans, Grand bout droit très long qui a été tronçonnée depuis avec chicane.
      Donc des F1 de fin des années 30, Si elles atteignaient 280, ce devait être leur maxi.

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    • Répondu par Sam le 12 août 2011 à  09:18 :

      Pour information, Rudolf Carraciola a établi un record de vitesse à 432,7 km/h en janvier 1938. Bernd Rosemeyer s’est d’ailleurs tué en tentant de le battre.

      La comparaison avec les F1 actuelles n’a pas lieu d’être dans le sens où ce ne sont effectivement pas des voitures conçues pour rouler à haute vitesse sur un anneau aux virages relevés mais pour pouvoir enchainer des courbes et des lignes droites le plus rapidement possible.

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  • "Mercédès et Audi/Volskwagen préfèrent communiquer sur d’autres photos lorsqu’ils évoquent cette période. Ils refusent cet héritage du passé. Pourtant, ils ont été sponsorisés par le nazisme !"

    Ford a sponsorisé le nazisme, et aujourd’hui, tout ça est gommé. Henry Ford était l’un des plus célèbres bailleurs de fond d’Hitler...et dans les années 70, le jeunes chevelus californiens roulaient en Ford Mustang... On pourrait aussi parler de Louis Renault, etc... Le rôle des industriels de l’automobile pendant la Seconde Guerre Mondiale, tout un programme. De quoi offrir de grands sujets aux scénaristes...

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    • Répondu par Sergio SALMA le 1er juin 2011 à  14:57 :

      C’est Hitler et Ferdinand Porsche qui ont inventé la coccinelle. Des millions et des millions de gens ont roulé dans cette sympathique bagnole qui est devenue une des voitures les plus vendues au monde.

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      • Répondu le 1er juin 2011 à  17:09 :

        Ferdinand Porsche a aussi réalisé de très efficaces tourelles pour char Tigre, le 6, königstiger, entre autres, mais si on va par là, Messerchmit est une des composantes de EADS, donc airbus, Von Braun a conçu des tas de fusées US dont la saturn V, etc ... on n’en sort plus Mister Salma ; )

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        • Répondu par Sergio SALMA le 1er juin 2011 à  20:47 :

          Oh ben oui, et mon observation n’est en rien une charge, parce que oui si on va par là, comme vous dites, toutes les guerres ont été de formidables tremplins pour pas mal d’industries. Citroën, les avions Zéro des Japonais c’est Mitsubishi, le zyklon , BASF y a travaillé, Siemens, Krups avant de faire des machines à café avait d’autres spécialités etc...Ce serait un peu idiot de commencer à faire l’inventaire en portant un doigt accusateur. D’autant que le livre de Marvano traite de ce sujet en mettant bien en perspective les événements et les hommes. Il faudrait justement qu’aujourd’hui on sache bien que le mot "nazi" a une signification que les populations ne pouvaient pas envisager de la même manière étant le nez dedans. Surtout avant-guerre.

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      • Répondu par Oncle Francois le 1er juin 2011 à  21:09 :

        Oui, Monsieur Salma, mais il faut quand même raison garder. Car si le régime nazi a accumulé des milliards de marks grace à la promesse de la réservation d’une VW (par le biais d’une sorte de plan d’épargne-auto !), il faut bien voir que 100 à 500 voitures seulement ont été produites avant et pendant la guerre. En effet, les fonds collectés ont principalement servi à financer la fabrication d’engins militaires, hélas...

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  • ah, ces chouettes BD avec des avions nazis et des pilotes SS "malgré eux" qui tendent le bras... Au moins avec ça pas besoin de glose schtroumpfienne pour décripter. Merci Marvano.

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    • Répondu par mikekafka le 2 juin 2011 à  11:24 :

      ""Les coureurs allemands arboraient les signes nazis plus par opportunisme sportif que par affinité idéologique ""
      traduction : les coureurs allemands couraient sans principes moraux .. à la limite j’aurais préféré que ce soit par affinité idéologique

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      • Répondu par Sergio SALMA le 2 juin 2011 à  12:25 :

        Mikekafka ,vous oubliez de contextualiser. Vous avez les informations aujourd’hui sur ce passé horrible. C’est justement le côté dérisoire de l’histoire de l’humanité. En 1935 quand des sportifs étaient aux jeux olympiques , chacun aurait peu dire "j’ai des principes moraux donc je ne représente pas mon pays. Ni le Belge parce que le Congo était une effroyable colonie, ni les Français , ni les Anglais etc...aujourd’hui, oui on sait ce qui se passait, on connaît les moindres détails et on a bon dos de dire" ils n’avaient qu’à se rebeller contre le pouvoir". Aujourd’hui un athlète italien serait selon vous un fervent admirateur de Berlusconi ? Aujourd’hui un sportif français de haut niveau est forcément de droite ? C’est ça que Marvano veut dire. Les procès 80 ans plus tard ont cette furieuse tendance à rendre crapules et à sanctifier. Alors que vous n’avez presque aucune information sur le quotidien qui vous entoure. Si vous avez votre argent dans une banque, cette banque a une histoire, avez-vous fouillé son passé ? Et cette banque par une holding ne serait-elle pas complice de crimes contre l’humanité ? VOUS payez des impôts et avec ces impôts votre pays achète et vend des armes, vous êtes donc complice ?!

        Des livres comme ceux-là soulèvent des questions terrifiantes sur la conscience mais venir avec le bagage d’aujourd’hui pour juger les hommes et les femmes du passé c’est de la paresse intellectuelle. Je ne veux pas éluder le fait que beaucoup d’athlètes allemands étaient effectivement aussi ouvertement nazis, ou qu’ils étaient d’accord avec leurs dirigeants, mais avouez qu’en 1935, il aurait fallu avoir une curiosité que les athlètes ne pouvaient pas tous avoir , ils étaient passionnés par leur sport, leur art. Il ne s’agit pas de dire" ceux qui ont résisté avaient des principes moraux" et les autres étaient des salauds mais de dire le monstrueuse rencontre des ambitions humaines.

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        • Répondu par mikekafka le 3 juin 2011 à  08:38 :

          ""Mikekafka ,vous oubliez de contextualiser.""

          L’opportunisme sportif me semble plus dangereux que l’affinité idéologique en ce sens qu’il épouse sans reflexion ou indistinctement .. n’importe quelle idéologie.

          et au niveau professionnel (avec impact sur le public) la pratique d’un "noble" sport ne dédouane pas automatiquement du contexte

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          • Répondu par Sergio Salma le 5 juin 2011 à  11:55 :

            Mikekafka, vous oubliez de contextualiser.

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      • Répondu par Matthieu V le 2 juin 2011 à  16:07 :

        Sans vouloir pousser la comparaison, les coureurs des 30 dernières années ont arborés des publicités pour l’alcool et les cigarettes alors je crois que, à de rares exceptions, les principes moraux n’ont guère changés...

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    • Répondu par Matthieu V le 2 juin 2011 à  16:22 :

      Cher Avi,

      Sans aggressivité dans ma question, que decryptez-vous dans cette bande dessinée ? L’avez-vous lue ? Ou bien est-il malevenu de décrire l’ambiance d’avant guerre en Allemagne autrement que sous le schéma classique des "salauds de boches nazis" ? Il est bien plus confortable de vivre avec l’idée que c’étaient tous des betes immondes, pas des gens normaux qui se sont poussés l’un l’autre vers des actes barbares et inhumains.

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      • Répondu par Avi le 2 juin 2011 à  22:37 :

        Comparer le tabac et le nazisme, c’est assez effrayant... Comparer Hitler à Berlusconi, c’est encore pire. Comme quoi la BD, ça peut être instructif, au moins sur la hauteur de vue de ses contemporains.
        Ne pas voir dans ce genre d’album une forme de complaisance, ne serait-ce que dans la présentation, car on n’est pas obligé de mettre certains signes sur la couverture, c’est pour moi de l’aveuglement. Mais c’est juste une impression, n’allez pas croire que j’en veuille à Marvano, il risquerait d’arrêter de nous éclairer de sa science. Quand on a de la doc, on est poussé à s’en servir.
        Mais feindre de croire que des gens qui naviguaient dans les hautes sphères du régime comme ces sportifs le faisaient n’avaient rien à voir avec la politique de l’époque, c’est soit prendre les coureurs en question pour des crétins, et à quoi bon faire des bouquins sur des imbéciles, soit c’est prendre les gens pour des idiots. Il y a aussi l’hypothèse que Marvano , tout Allan Moore flamand qu’il soit (tiens, il n’y a plus de Belgique, c’est officiel) ne se soit pas très bien documenté sur les rouages de l’Allemagne hitlérienne. Dans ce dernier cas, il faut qu’il se renseigne un peu avant de nous infliger d’autres bouquins remplis de gentils coureurs blonds qui sortaient de la route de temps en temps...

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        • Répondu par Cyrille JEAN le 3 juin 2011 à  00:51 :

          hihi, que c’est simple .... le sport est politique personne ne dira le contraire, mais cette diabolisation est absurde.
          Si l’on vous comprend bien, à peu près tous les sportifs adhéraient au régime et à ses valeurs s’ils acceptaient de faire certains signes ou d’arborer certains symboles (qui n’ont pas être diabolisés ... un salut hitlérien sur une couverture, ce que c’est choquant !). les tabous sont eux aussi le début de la bêtise, le refus de comprendre ou de prendre en compte ...
          Et puis vous savez, la meilleure equipe de foot soutenue par le régime était alors Schalke .... avec une très grosse part de slaves à l’intérieur ... donc si, c’est effectivement beaucoup plus compliqué (à moins de considérer qu’il s’agissait là uniquement de slaves- polonais, tchèques hongrois, sucidaires ou mazochistes !)

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        • Répondu par Sergio Salma le 5 juin 2011 à  18:38 :

          Puisque vous voulez jouer avec les mots , jouons avec les mots.
          J’imagine que vous avez été touché de très près par les drames de l’holocauste. C’est une chose qui forcément vous touche et cette énorme émotion vous fait oublier de quoi on parle ici. Marvano selon vos mots (complaisance) serait donc un affreux bonhomme et tous ceux qui placent en couverture les sigles et insignes de l’horreur nazie seraient donc complaisants. C’est effroyable . Une œuvre de fiction quelle que soit son niveau( ça va de Maus aux idioties genre Ilsa chienne des SS) sont des objets créés pas des individus et s’il y a parmi eux des imbéciles, la plupart sont juste des conteurs. Vous n’allez pas nous refaire le coup des albums publiables et des albums impubliables, ce serait un comble. Mais ça vous énerve , soit. D’autant que , oui, parfois , le mauvais goût n’est pas loin. Là où je ne vous suis pas du tout, étant moi-même auteur et donc comprenant l’intérêt de plonger dans des périodes troublées , puis aussi en simple lecteur, j’ai envie qu’on me raconte des histoires et là, en couverture , au moins je sais à quoi m’attendre, on me montre le sujet. La culture de l’image pousse à une clarification des codes et ces signes étant inscrits dans l’imaginaire et la mémoire on les utilise . Je ne suis pas pour autant fan ou amateur de cette littérature outre-mesure, mais je comprends l’emprunt. Là où je ne vous suis pas du tout non plus c’est dans votre volonté de ne pas croire en l’erreur , monstrueuse oui, mais humaine de millions de gens. Et donc d’athlètes, d’artistes qui ont par les malheureux hasards de l’histoire humaine été amenés à côtoyer l’indicible. Sauf que l’indicible est un fait historique que l’on a découvert bien après coup. Le mot Shoah tant utilisé ne fut inventé que des années plus tard etc... les camps d’extermination , les expériences, les mutilations , tous ces faits étaient souterrains. La volonté de puissance de l’Allemagne était claire mais il y avait des jeux Olympiques, des tournois , des rencontres sportives , des festivals, des expositions universelles, une diplomatie jusque quelques mois avant la déclaration de guerre. C’est ça contextualiser , c’est replacer la mécanique gigantesque qui s’était mise en place. Ces fameux mots" certains savaient..." qui nous permettent aujourd’hui de dire que la moindre allégeance avec ces fous était un crime. Il faut un peu de recul et voir comment fonctionne un club sportif, comment sont octroyées les subventions, comment étaient organisées les communes, les allocations, les budgets. On peut parler de formule 1 mais aussi de tous les clubs sportifs et des jeunesses hitlériennes( nous les appelons comme ça aujourd’hui et on sait comment elles ont servi et à quoi). C’est depuis 1922, 23 que le système se met en place même avant l’accession au pouvoir d’Hitler. La république de Weimar, le parlement, les élections, le récent conflit perdu, l’honneur, la puissance industrielle, le formidable réservoir d’idées et des scientifiques, il a fallu une conjonction infernale et elle a eu lieu. Pendant que le pouvoir était gravi par les nazis, des clubs de sport servaient aussi à appuyer cette puissance, il s’agit bien là de démonter et démontrer l’extraordinaire conjonction d’éléments. Je ne sais pas quel âge vous avez mais votre moquerie autour des coureurs blonds prouvent que vous avez envie de caricaturer alors que Marvano (si vous lisez ses livres) montre justement l’ambiguïté, la terrible coïncidence. Il ne s’agit pas non plus de comparer Berlusconi , le tabac etc...On tient simplement à exposer le fait que les "sponsors" d’un club, d’une marque , d’une équipe, d’une écurie "achètent" en effet les membres . Mais quand on revoit la furie d’une époque, il faut rester calme et essayer de comprendre comment ça se manifestait au quotidien. On ne disait pas aux sportifs (quel qu’étaient leur niveau ou leur âge ) :" notre parti vous paie un stade tout neuf mais en jouant sur ce terrain vous êtes complices de l’extermination des juifs que nous mettons en place avec l’industrie et les scientifiques de notre pays". C’est caricatural ?! C’est pourtant c e que vous soutenez. La bande dessinée comme le cinéma ne doivent pas être purs comme vous l’entendez." Pur" ça voudrait presque dire que ces sujets sont intouchables parce que trop délicats. Je serais presque d’accord avec vous dans une certaine mesure, il faudrait de l’extrême prudence, il faudrait une pudeur mais on irait vite vers un extrême contrôle et une extrême censure. Et là, un autre danger pointerait. Et si vous soutenez que ne sachant pas ça, les athlètes et pilotes étaient des imbéciles, c’est aujourd’hui du mépris pour les petites gens, tous ceux qui se sont laissé embringuer, enrôler dans une horreur . Vous posez un réel acte de mépris. Mon père, né en 1915 me disait, naïvement que Mussolini était venu dans sa région et que l’année suivante il y avait une route macadamisée symbole de modernité dans son sud misérable. Mon père n’était pas une chemise noire, il n’a jamais rien compris à rien et on l’a enrôlé après ça comme manoeuvre dans des usines avec un autre casque et dans une vie presque aussi dangereuse. Oui, selon vous tous les Italiens , fiers et cons d’être italiens étaient d’infâmes crapules complices de la chasse aux homosexuels, oui, bien sûr.

          La bande dessinée à vocation populaire n’est pas vous pour vous, Avi. Vous n’avez pas la distance vis-à-vis de ce média qui nécessite une attitude intellectuelle que vous refusez d’avoir. Une bande dessinée "réaliste" utilise des décors, des personnages, s’inspire de la réalité. Encore plus qu’au cinéma( puisque les rôles sont joués par des humains) il s’agit d’un jeu. Un jeu qui souvent met en scène des sujets très graves ( par la dérision ou par l’approche sensible ou bien les deux, je pense à Hitler =SS de Gourio et Vuillemin). Une blague raciste et idiote met en lumière non pas le racisme de la personne qui raconte mais surtout le degré de tolérance de celui qui écoute. Vous êtes vraiment loin de ce seuil, de cet abandon d’incrédulité qui est nécessaire pour lire ou regarder une fiction. Elle vous touche par le sujet, le fond et vous rend dans ces cas-là implacable.

          Marvano ne tente pas de vous éclairer de sa science sur un sujet. Il vous raconte une histoire où se mêlent ces éléments et l’histoire tragique. Il ne fait pas de prosélytisme contrairement à ce que vous avancez.

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          • Répondu par Avi le 6 juin 2011 à  12:55 :

            ça c’est de la contextualisation... Je comprends mal votre acharnement à me persuader que j’ai tort de ne pas aimer cette couverture d’album, mais c’est plutôt sympa au fond. Cela dit, la vieille rengaine du type "on n’en savait rien" et le coup du maelstrom historique incontrolable, c’est aussi un jugement apres-coup. Tous ces types avaient mein kampf à disposition, et avant la guerre ils vivaient confortablement dans une dictature féroce qui ne s’avançait pas masquée.
            Il faudrait éviter de ramener à tout bout de champ son histoire personnelle, et je ne crois pas que votre père ait quoi que ce soit à voir avec Rosemeyer. Je voulais dire que ces sportifs ne sont pas des sportifs ordinaires comme on peut le concevoir de nos jours mais des portes drapeaux d’un régime. Ils fréquentaient assidument les dignitaires de ce dernier. Quelque part, ce genre de BD en remettant les choses "en contexte", indirectement, et je précise que je ne juge pas que Marvano soit volontairement complaisant, fait que les efforts du régime nazi de se constituer une vitrine n’étaient pas vains.
            J’aime beaucoup la BD, rassurez vous. Mais je crois qu’il faudrait faire attention, car ces derniers temps les insignes nazis sont devenus, à l’instar de la fille pulpeuse et du mec buriné avec un flingue, un élément incontournable du genre. Je voulais juste dire que ça ne me plaisait pas, car là on tombe plus dans la tendance Martens que dans la tendance Franquin, si vous voyez ce que je veux dire. Je veux bien croire à la bonne foi d’un auteur, mais je ne fais pas d’angélisme non plus.
            C’est juste mon opinion, rien de plus.
            Bien à vous
            Avi

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            • Répondu par Matthieu V le 6 juin 2011 à  13:42 :

              Je comprends mal votre acharnement à me persuader que j’ai tort de ne pas aimer cette couverture d’album, mais c’est plutôt sympa au fond.

              Nous ne parlons pas que de la couverture mais des histoires de ces albums aussi.

              Cela dit, la vieille rengaine du type "on n’en savait rien" et le coup du maelstrom historique incontrolable, c’est aussi un jugement apres-coup.

              Oui, mais vous aussi effectuez un jugement apres-coup.

              Quelque part, ce genre de BD en remettant les choses "en contexte", indirectement, et je précise que je ne juge pas que Marvano soit volontairement complaisant, fait que les efforts du régime nazi de se constituer une vitrine n’étaient pas vains.

              Justement, voir la mise en place de ces vitrines et connaitre les horreurs qu’elles vont cacher (que nul ne peut ignorer, encore moins nier), c’est interessant et formateur. Ces techniques n’etaient d’ailleurs pas uniquement utilisees par les facistes et les nazis, mais aussi par les communistes. En quelque sorte, c’est une maniere de dire qu’on est pas dupe et qu’on voit le cadavre au milieu des fleurs. Cela ne veut pas dire que les fleurs ne peuvent etre appreciees. Mieux vaut en parler que de ne rien dire et laisser les choses se reproduire.

              J’aime beaucoup la BD, rassurez vous. Mais je crois qu’il faudrait faire attention, car ces derniers temps les insignes nazis sont devenus, à l’instar de la fille pulpeuse et du mec buriné avec un flingue, un élément incontournable du genre. Je voulais juste dire que ça ne me plaisait pas, car là on tombe plus dans la tendance Martens que dans la tendance Franquin, si vous voyez ce que je veux dire.

              Il ne s’agit pas de banaliser les insignes nazis. Pardonnez mon ignorance, a quel Martens faites-vous allusion ?

              Je veux bien croire à la bonne foi d’un auteur, mais je ne fais pas d’angélisme non plus. C’est juste mon opinion, rien de plus.

              Merci de nous la donner.

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            • Répondu par Sergio Salma le 6 juin 2011 à  14:14 :

              Cher Avi, c’est plus par souci d’éviter tout malentendu mais l’écrit est terrifiant et réducteur. Et surtout n’allez pas croire que vous êtes le seul à avoir constaté cette"invasion" de croix gammées. Si vous étiez un de mes amis sur Facebook, vous auriez eu droit à ma petite récolte de couvertures BD. Puis d’autres personnes m’en ont encore envoyées. Le tout sorti ces dernières années, quand ce n’est pas sur les quelques derniers mois...

              Mais je pose là-dessus un regard un peu moins effrayé que vous dans le sens où je ne me sens pas agressé par l’idéologie . Il y a aussi d’autres "courants" tout aussi étonnants, voire inquiétants. La kyrielle de bandes dessinées sur la bible, les templiers, les croisades, les testaments, les sociétés secrètes, le vatican... Chacun y apporte sa vision, soit, mais on est bel et bien dans un mouvement( l’après Da Vinci Code mais pas que ça et lui-même correspondit sans doute à une attente, vieux débat). Je me permets de vous reprendre(une dernière fois ?) puisque vous écrivez " il faudrait éviter de tout ramener à tout bout de champ son histoire personnelle...". D’abord je ne vois pas comment on pourrait éviter de faire entrer son expérience personnelle puisque c’est elle qui modèle notre avis et deuxièmement , je crois que vous faites justement entrer votre histoire personnelle dans votre commentaire.

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              • Répondu par Franck Biancarelli le 15 juillet 2012 à  10:19 :

                En passant, "faire rentrer" et "tout ramener" ce n’ est pas la même chose.

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  • J’ai été un peu déçu en découvrant la série. La démonstration de l’intrication entre sport et politique est certes superbement réussie. Mais les intrigues s’ajoutent les unes aux autres, et l’on finit par s’y perdre. Sport+politique, puis on ajoute quelques histoires d’amour, puis une histoire d’espionnage, puis une embrouille familiale, puis... Ca fait trop. On s’embrouille, on perd le fil, le rythme est haché. C’est dommage. Les intrigues secondaires étaient-elles réellement nécessaires ? Qu’apportent-elles à l’histoire ? On dirait que Marvano en a trop fait de peur de ne pas en faire assez.

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