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Marvano ("La Brigade juive", éditions Dargaud) : "La situation actuelle me fait bigrement penser aux années 1930."

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 10 janvier 2014                      Lien  
Nous sommes en 1944. La 8e armée britannique crée une "Brigade juive" composée de volontaires juifs recrutés dans la Palestine mandataire. Elle participe à la campagne d'Italie et, au fur et à mesure que le front progresse vers l'Allemagne, elle découvre l'ampleur de l'horreur nazie, non sans réagir quelquefois...

Comment vous est venue l’idée de parler de cette Brigade juive ?

À vrai dire, je ne me souviens plus exactement... En avançant sur Grand Prix, j’avais de moins en moins envie de quitter cet univers. J’aimais bien le personnage de Leslie Toliver et je trouvais dommage de l’abandonner. Finalement, il a fini par prendre le contrôle, il s’est imposé à moi. Cela arrive quelquefois : ce n’est pas moi qui trouve l’histoire, mais c’est l’histoire qui me trouve... Je ne sais pas comment cela fonctionne et je ne veux pas le savoir non plus. C’est ainsi, en tout cas, que l’idée de La Brigade juive s’est imposée.

Quelles ont été vos sources ?

Des livres surtout… Sur la campagne italienne, sur les derniers mois de la guerre et les premiers mois d’une prétendue "paix", que les Allemands appelaient “Stunde Null”, l’Heure Zéro, cette période incertaine où l’Europe était au bord du gouffre, au bord d’une guerre civile continentale... J’ai consulté des biographies, un manuel pour les forces d’occupation britanniques en Europe, des articles dans la presse de l’époque, des témoignages d’anciens brigadistes… Beaucoup des activités de cette brigade n’ont à l’époque pas été inscrites dans les rapports militaires, pour la simple raison qu’elles étaient illégales !

Comment vous êtes-vous documenté pour les costumes, les armes, etc.?

Sur la Deuxième Guerre mondiale, il y a énormément de matière iconographique, heureusement.

Marvano ("La Brigade juive", éditions Dargaud) : "La situation actuelle me fait bigrement penser aux années 1930."
La Brigade juive T1 : Vigilante - Par Marvano
(c) Dargaud

Il semble, lorsqu’on vous lit, par exemple dans la trilogie Berlin ou encore dans Grand Prix, que vous vous intéressez particulièrement à l’après-guerre, à cette Europe qui est en train de se construire sur les ruines fumantes de la tragédie qu’elle vient de connaître. Pourquoi ?

C’est là que s’est créé le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Nous avons intérêt à prendre la peine de comprendre d’où nous venons. Sinon, comment savoir où l’on va ?

Les trois séries sont d’ailleurs semble-t-il de plus en plus liées. Quel est votre projet ?

Ce lien est venu petit à petit. Il n’y a jamais eu un “Grand Projet”. Mais quand on travaille d’une façon plus ou moins logique, les pièces du puzzle ont peut-être tendance à s’imbriquer plus facilement les unes dans les autres, je ne sais pas. En tout cas, La Brigade juive m’a déjà mené à une élaborer nouvelle histoire, que je suis en train de développer pour voir où elle peut me mener. Jusqu’à maintenant, c’est fort prometteur, je dois dire.

La Brigade juive T1 : Vigilante - Par Marvano
(c) Dargaud

Vous décrivez des destins et des personnages qui se croisent et dont les intentions sont souvent ambigües, jamais univoques en tout cas. Comment construisez-vous vos personnages par rapport au récit ?

Plutôt rudimentairement. Je crée les personnages, puis je leur laisse la possibilité d’évoluer... Dans La Brigade juive, Safaya a tout de suite évolué d’une façon imprévue, mais cette évolution cadrait avec le développement et la scène finale que j’avais en tête. C’est elle qui m’a donné des idées pour cette nouvelle histoire que je viens d’évoquer. C’était amusant d’observer cette évolution.

Jusqu’où allez vous développer l’histoire de la Brigade juive, jusqu’à l’indépendance de l’état d’Israël ?

Jusqu’au 15 mai 1948, quand neuf pays arabes ont attaqué un pays qui n’existait que depuis 24 heures tout rond, créé avec l’accord confirmé et prononcé par les Nations Unies. C’est le moment où la Brigade arrête d’exister puisqu’elle constitue le noyau de la toute nouvelle armée israélienne. C’est donc une fin logique à cette trilogie.

Pourquoi cela vous intéresse-t-il de raconter ce genre d’histoire aujourd’hui ?

C’est le bon moment pour le faire, je crois. On entend souvent des gens raconter des bêtises à propos de la situation au Moyen-Orient, dans la presse quotidienne en premier lieu ! Les gens ne savent plus ce qui s’est passé il y a un bon demi siècle. On bavarde sans savoir de quoi on parle et cela ne semble gêner personne. En outre, le politiquement correct anesthésie la réflexion, le sens critique, il me semble.

Il y a en France en ce moment une situation qui laisse entendre que la parole antisémite se serait libérée, un peu comme dans l’avant-guerre. Vous qui voyez cela de Belgique, de Flandre même, quel est votre sentiment ?

C’est une des choses qui fait que la situation présente me fait bigrement penser aux années 1930. Raison de plus pour se pencher sur les ressorts de cette période dangereuse.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

La Brigade juive T1 : Vigilante - Par Marvano
(c) Dargaud

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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5 Messages :
  • La dernière vignette (camion et montagnes) est belle comme du Cosey.

    Par contre, ce « Marvano, le "Alan Moore" flamand » discrédite l’article : d’abord parce que ce nationalisme rampant contredit le discours affiché, ensuite parce que cette comparaison est ridicule.

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  • Article intéressant, voilà un sujet que je connaissais mal. Même si, il faut bien le dire, ça paraît un peu exagéré de lire que la parole antisémite se libère et qu’on plonge dans les années 1930. Les ligues ? L’instabilité internationale en Europe ? La montée du nazisme ? Il faut de sacrées lunettes déformantes pour se convaincre que l’on s’apprête à vivre la même chose...

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    • Répondu le 11 janvier 2014 à  13:13 :

      N’est-ce pas plutôt la Hagana le noyau de l’armée israélienne ? Enfin, c’est ce que nous apprend l’histoire officielle.

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    • Répondu par Marvano le 13 janvier 2014 à  10:28 :

      Il faut que tu apprends à lire, Gaston. Je ne parle nulle part de "la montée du nazisme", je ne dis nulle part que l’on s’apprête à vivre "la même chose".

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      • Répondu par Rémy le 14 février 2014 à  00:58 :

        Bonsoir Marvano, Fan de BD depuis le début des années 50 !, j’ai apprécié ce premier tome d’une trilogie annoncée (en quatrième de couverture... ce qui n’est pas banal !) je voulais les acheter Mais en fait les 2 autres tomes ne sont pas encore sortie !! (Pouvez-vous me donner une indication sur les dates de sortie de ces derniers... Afin de ne pas revivre l’histoire de Sasmira de Vicomte... Plus de 10 ans d’attente). Je découvre ce pan de l’histoire et j’attends la suite avec impatience. J’ai un peu honte pour cette remarque sur le fond et la forme à propos de votre message : "Il faut que tu apprends à lire..." Euh !! "Il faut que tu apprennes à lire..." sans rancune. Rémy fan de : (Oscar et Titus dans Cœur Vaillant, Le cavalier inconnu dans Pipo ou Pepito...Reiser ou Edika et Fred !! Yslaire et Bourgeon et encore Cosey ou Auclair et son Simon du fleuve... et encore Valérian et la sympathique Laureline, La série Hybrides de Séraphine, Le Postillon de Joëlle Savey...)

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