Marvano retrace la période noire et dorée du Sport Automobile

Allemagne, 1933. Le projet machiavélique d’Hitler passe par des équipes automobiles fortes, des têtes brûlées aux commandes des voitures, mais surtout par des constructeurs innovants et capables de façonner des bolides aussi aérodynamiques que légers.

Marvano, à côté d’une "Flèche d’Argent" (Mercèdes)

Une voiture qu’il a mis en scène dans "Grand Prix" - Photo : (c) CL Detournay.

Pourquoi le dictateur montre-t-il tant d’intérêt pour le sport automobile ? Le traité de Versailles qui symbolisait la paix entre les Alliés et les Allemands après la première guerre mondiale imposait de sévères restrictions militaires aux vaincus. Ceux-ci n’avaient notamment pas le droit d’avoir une aviation militaire et de débloquer des budgets pour la recherche aéronautique. Conscient qu’une armée forte passe par une maîtrise et une innovation technologique, Hitler décida de détourner cette contrainte en focalisant les recherches des ingénieurs sur les améliorations possibles pour les voitures de course.
Ainsi, il aurait dit à Ferdinand Porsche qu’en plus d’offrir une « voiture du peuple » à chaque travailleur (avec pour objectif non avoué d’habituer les ouvriers à des cadences infernales dans les usines), l’Allemagne devait maîtriser différents aspects techniques pour parvenir à produire un moteur puissant de 1000 CV. Soit le triple des voitures de courses de 1933. Ferdinand Porsche se serait montré sceptique face à Hitler. L’ex-caporal lui aurait confié qu’il trouvera bien une solution pour ce type de moteur dans un avenir proche.
L’anecdote était tombée dans l’oreille de Marvano. Il n’en fallait pas plus pour trouver un angle original d’assouvir son envie de traiter la thématique de la seconde guerre mondiale de manière originale. Il avait déjà évoqué cette période dans sa trilogie Berlin parue aux éditions Dargaud. En février 2010, il nous rappelait à quel point la seconde guerre mondiale et les événements qui l’ont initiée, avaient formé notre monde actuel.

Extrait de Grand Prix

(c) Marvano & Dargaud.

Marvano est né à Zolder en 1953, et y a passé une partie de son enfance, alors qu’on y construisit un circuit automobile. Le Grand Prix de Formule 1 de Belgique s’y est d’ailleurs tenu de nombreuses fois dans les années 70 et 80. Un tel événement dans sa commune ne pouvait qu’éveiller l’intérêt du jeune garçon pour le sport automobile. « La course passait presque dans mon jardin », nous confie-t-il avec une dose d’humour .

Plus tard, chez un bouquiniste, il trouve une biographique consacrée à Rudolph Caracciola, le célèbre pilote allemand qui gagna plusieurs courses avant de voir son destin brisé, en même temps que ses jambes, dans un accident lors du grand prix de Monaco en 1933. Alors qu’il était toujours handicapé par les suites de son accident, il fut engagé deux ans plus tard par Mercedes. Son aura servant à conforter l’esprit propagandiste du constructeur allemand ! Grace à sa pugnacité, il gagna néanmoins le Championnat d’Europe des Grands Prix.

Extrait de Grand Prix

(c) Marvano & Dargaud.

Le dessinateur néerlandophone a bâti une histoire en trois volumes à partir de ces différents éléments. «  Rudolph Caracciola était un personnage fascinant », nous dit-il. C’était une époque « totalement différente de notre présent ».

Marvano retrace avec brio les grands moments de la course automobile de cette époque, tout en n’omettant pas le fait que la puissance des machines allemandes de Mercedes et d’Auto Union servait l’ambition du dictateur et futur génocidaire Adolph Hitler. Les pilotes, eux, étaient animés par leur passion et une quête d’aventure. Ils étaient des pionniers dans leur domaine : la course automobile. Leurs bolides disposaient bien peu de protection, et les circuits encore moins. Ils courraient chaque course en sachant qu’ils pouvaient y laisser la santé, ou pire la vie.

Avec un trait méticuleux, clair, élégant et précis, Marvano retranscrit la réalité d’une époque sans tomber dans les travers d’un biopic ou d’un récit de genre comme Michel Vaillant. Un régal !

Extrait de Grand Prix

(c) Marvano & Dargaud.