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Maryse & Jean-François Charles : « Ella Mahé est loin d’être un "Indiana Jones" au féminin »

Par Charles-Louis Detournay le 2 novembre 2010    au féminin »" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="Twitter">            "Indiana Jones" au féminin »" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="Linkedin">     au féminin »&body=À%20lire%20sur%20ActuaBD%0D%0Ahttps://www.actuabd.com/Maryse-Jean-Francois-Charles-Ella" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="E-mail">   Lien  
Le couple d'auteurs nous expliquent la genèse de leur [nouvelle série->art10957], le choix des différents dessinateurs, et l'esprit qui règna lors de leurs échanges.

D’où vient votre envie de vous attaquer à une série multi-dessinateurs ?

Maryse : Dans un premier temps, c’est Jacques Glénat qui nous avait proposé de réaliser un one shot. Nous choisissions le cadre exotique où cela se déroulerait et il nous offrait le voyage. Nous avions décidé du pays et construit un synopsis, mais pour des raisons familiales, il nous a été impossible de nous déplacer trop loin et trop longtemps. Nous avons alors choisi l’Égypte, pays que nous avions déjà visité trois fois, et pour lequel nous avions encore une documentation importante, acquise pour Fox.

Le fait de ne pas y être retourné ne donne-t-il pas une autre caractéristique au récit ?

Maryse & Jean-François Charles : « Ella Mahé est loin d'être un <i>"Indiana Jones"</i> au féminin »Jean-François : Notre dernier voyage datant de plus de quinze ans, nous avons vraiment travaillé avec nos souvenirs, ce qui confère sans doute à la série un aspect plus romancé. Avec le recul, on a oublié les mauvaises expériences pour n’en conserver que les meilleures. De plus, je me suis attaché à restituer l’Égypte de 1980, parce que j’aime que l’on ait toujours un peu de recul par rapport à la période contemporaine. Je me base donc sur diverses de mes photos pour recomposer par après une scène à ma manière.

Votre personnage principal, Ella Mahé, est assez particulière. Comment l’avez-vous définie ?

Maryse : Ella Mahé n’est pas une archéologue, ni une aventurière. C’est une jeune femme déterminée mais fragile, maladroite, provoquant bien involontairement des catastrophes et ayant la particularité physique d’avoir des yeux vairons. Certaines personnes sont parfois très adroites sur un terrain particulier, dans ce cas-ci les manuscrits, mais aussi très maladroites dans les choses de la vie.

Jean-François : Nous ne voulions pas d’un Indiana Jones au féminin, posant avec un revolver sur les couvertures. Au contraire, c’est un personnage fragile, mais à qui l’aventure arrive, sans qu’elle la recherche.

Maryse : Nous l’avons imaginée restauratrice de manuscrits anciens, métier que nous connaissons bien car c’est celui de notre fille aînée. Cette profession lui permet de se rendre dans le monde entier puisque la restauration des manuscrits précieux se fait sur place, de peur que le transport ne dégrade les précieux écrits : dans des châteaux, des cathédrales, des palais, des bibliothèques nationales ou chez des particuliers collectionneurs. Le cadre est donc propice à des aventures et des événements historiques

Jean-François : Elle rassemble des aspects qui me plaisent : elle est belle, sans être une pin-up. Je perçois mes filles comme cela, avec ce réalisme qui les rend crédibles. J’aime beaucoup dessiner Ella Mahé.

La touche féminine de l’héroïne est aussi crédible que touchante.
© Charles - Glénat

Le fait de suivre les pensées de votre personnage principal permet de réellement d’entrer dans la tête de cette jeune femme. C’est assez rare en bande dessinée…

Jean-François : Avec le temps, nous nous sommes rendus compte que nous avions un réel public féminin. Nous ne prenons pas cela à la légère, car on sait qu’une majorité des lecteurs de BD sont des hommes. Cette caractéristique de notre public n’est pas anodine, car ces femmes se retrouvent en partie dans les personnages que nous mettons en place. Pour Ella Mahé, nous avons donc une ‘héroïne’ qui parle aux femmes, et c’est un grand atout de l’écriture de Maryse.

Comment êtes-vous alors parvenus à ce que ce one-shot devienne une série multi-dessinateurs ?

Maryse : Nous avions déjà imaginé le personnage d’Ella Mahé, et comme l’investissement en recherche et en documentation était énorme et qu’il devenait difficile de tout concentrer en un seul album, une série s’est vite imposée. Mais, avec le second cycle d’India Dreams qui sortira d’ailleurs dans quelques jours, Jean-François ne pouvait s’atteler à dessiner complètement Ella Mahé. Comme l’intrigue comprend des flashbacks historiques, nous avons alors pensé faire appel à d’autres dessinateurs.


Trois des dessinateurs que vous avez ‘appelés’ ont ou font encore partie de l’équipe Martin, qui s’occupe des personnages créés par Jacques Martin : Alix, Lefranc, etc.

Maryse : C’est un hasard que trois d’entre eux fassent partie de "l’équipe Martin". Le choix des dessinateurs a été avant tout guidé par l’amitié, car nous ne voulions pas nous prendre la tête avec des difficultés relationnelles. Nous désirions également des dessinateurs à la ligne réaliste, spécialisés chacun dans une époque ancienne déterminée, capables de respecter les délais, et surtout aptes à s’intégrer dans un projet multi-auteurs et à travailler en équipe.

Jean-Francois : La vie de dessinateur est très solitaire. Être à plusieurs la rend agréable et enrichissante, car il y a heureusement une excellente entente générale. Quand nous nous voyons, nous avons plus envie de discuter de nos vies personnelles que de l’aspect professionnel qui nous lie. Mais je vous rassure, nous pouvons également demeurer sérieux ! (rires) Ce travail en équipe nous ouvre des perspectives, permet de casser cette solitude et de maintenir notre enthousiasme en voyant les planches des autres nous parvenir. Nous ne sommes pas seuls, chacun pousse un peu l’autre. Pas d’égo, pas de jalousie, mais une coordination pour amener le meilleur résultat possible. Cela dépasse l’aspect professionnel pour toucher l’aspect humain.

De gauche à droite : Maryse & JF Charles, André Taymans et Daniel Bultreys de l’équipe éditoriale de Glénat, coordonnant les travaux des divers auteurs.
© Bédébox - Waterloo (B)

Comment avancent les planches à réaliser ? N’avez-vous pas trop de pression avec le chevauchement sur India Dreams ?

Jean-François : Pas du tout, pour ma part, toutes les planches et les couvertures des deux premiers tomes d’Ella Mahé sont terminées depuis très longtemps, car je voulais les montrer à André Taymans et Francis Carin avant qu’ils ne débutent leur propre partie. Le second tome est d’ailleurs déjà complètement terminé, et les autres avancent très bien.

La couverture du deuxième ne sera pas celle apparaissant au dos du premier album

On me disait que vous alliez modifier la couverture du tome deux, qu’on voit déjà en quatrième de couverture du premier album…

Jean-François : Nous apportons beaucoup d’attention à la couverture, réelle carte de visite des albums. Chaque tome doit être reconnaissable pour être plus visible. Pour chacun d’entre eux, je fais en moyenne cinq projets différents. Et effectivement, nous ne sommes pas encore satisfaits de celle du tome deux, mais nous progressons ! (rires)

La thématique de votre série s’axe sur l’archéologie et les grands moments historiques. Comment ce goût vous est-il venu ?

Jean-François : Même si cela s’est déroulé bien plus tôt, la découverte du tombeau de Toutankhamon nous a fait rêver étant jeunes, car Carter était un personnage fabuleux : au départ dessinateur, avant de se trouver engagé par les archéologues, puis de diriger ses propres fouilles. Il a d’ailleurs l’opiniâtreté de creuser là où ses prédécesseurs avaient déjà essayé trois fois, mais il y croyait ! Ce personnage est fascinant !

Maryse : J’ai d’ailleurs un souvenir très fort de la visite que j’avais faite à Paris, lors de mes quinze ans, de l’exposition le Trésor de Toutankhamon. Sous un autre aspect, Ferdinand de Lesseps nous fascinait également. Nous partageons avec Jacques Glénat le goût pour cet homme hors du commun, car notre éditeur nous a proposé d’aller chercher de la documentation dans la grande bibliothèque de Paris !

André Taymans a donné une très belle couleur locale à l’Egypte de Carter.
© Taymans - Charles - Glénat

André Taymans nous expliquait que vous lui aviez demandé une ligne claire des années 1950. Quels ont été vos demandes pour les autres auteurs ?

Jean-François : Nous avons choisi une ligne qui corresponde à leur dessin tel que nous le connaissons. Bien entendu, nous leur avons surtout demandé d’être réalistes. Pour Francis Carin, habitué du XIXe siècle, le choix de Ferdinand de Lesseps paraissait évident. Il a d’ailleurs une documentation incroyable, que cela soit pour les villes ou les costumes. Nous n’aurions pas pu mieux choisir. La ligne claire d’André Taymans s’est imposée pour Carter. D’ailleurs, Jacobs avait traité ce personnage de manière évidente. Par contre, nous avons demandé qu’ils ne travaillent pas en couleur directe, afin de marquer un changement net pour le lecteur entre les époques. Puis, cela rend le travail de chaque dessinateur plus personnel.

Maryse : En travaillant avec le même lettreur et le même coloriste Bruno Wesel, cela donnait une unité à l’ensemble. Finalement, dans nos choix, nous avons tenu à ce que chacun reste spécialiste dans son domaine. Et le résultat est à la hauteur de nos espérances.

Ce cycle comprendra donc quatre albums, mais il n’est pas exclu qu’un second cycle voie le jour ?

Jean-François : Effectivement, c’est possible. Je dois avouer que je m’attache beaucoup à Ella Mahé. C’est la première fois que j’ai un personnage typé, et je prends beaucoup de plaisir à la dessiner. Donc si le public accroche, c’est avec joie que nous nous lancerons dans un second cycle, basé sur une autre contrée. Bien entendu, il y a la possibilité de continuer avec les mêmes dessinateurs s’ils en ont également envie !

(par Charles-Louis Detournay)

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Lire notre article introduisant la série : Ella Mahé, une saga archéologique.

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Lire les premières pages de l’album

Lire la précédente interview Maryse & Jean-François Charles : "C’est un cycle basé sur la guerre, mais surtout sur ses dommages collatéraux".

Photo en médaillon : © CL Detournay

 
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