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Mathias Vincent & Florence Mixhel : « Groom sera publié à raison de deux numéros par an : une rétrospective en fin d’année, et un sujet de société pour la rentrée »

Par Charles-Louis Detournay le 16 février 2016                      Lien  
Alors que Le Lombard et Casterman inaugurent leurs nouvelles collections pédagogiques et sociologiques ces jours-ci, Dupuis de son côté avait déjà ouvert le débat en début d'année avec la sortie d'un nouveau magazine d'actualité. Revenons avec l'équipe de rédaction sur le concept de "Groom", qui se présente comme une nouvelle façon d'analyser le monde qui nous entoure, toujours en bande dessinée !

Nous levions le voile dès le 4 janvier sur le nouveau magazine de Dupuis, avant d’y consacrer un article plus détaillé quelques jours plus tard. Voici d’ailleurs ce qu’écrivait Patrice Gentilhomme à propos de Groom :

"Destiné à paraître deux fois par an, ce Méga Spirou Hors-Série propose de revenir sur l’actualité 2015 et entend donner au jeune public (mais pas que...?) les clefs pour mieux comprendre …. 2016 ! Les grands faits d’actualité sont repris, recyclés à l’aide de courts récits de deux à trois pages produites par les principaux dessinateurs de l’hebdomadaire. De Noa à Nicoby, en passant par José Luis Munuera, Wilfrid Lupano, Zidrou ou Guillaume, toutes les grandes signatures sont là. Aucun grand sujet de l’année n’est oublié."

Mathias Vincent & Florence Mixhel : « Groom sera publié à raison de deux numéros par an : une rétrospective en fin d'année, et un sujet de société pour la rentrée »
L’équipe de rédaction de "Groom" au travail
Photo : Charles-Louis Detournay.

Comme ce premier numéro reste en kiosque jusqu’à la fin du mois de février (et il reste par la suite commandable auprès de Dupuis), il nous semblait intéressant de donner la parole à l’équipe de rédaction de Groom, pour bien comprendre l’angle éditorial de ce nouveau magazine. En l’absence de son rédacteur-en-chef en déplacement à Paris, ce sont les secrétaires de rédaction Mathias Vincent & Florence Mixhel qui répondent à nos questions :

Comment vous est venue l’envie de lancer un nouveau journal indépendant de Spirou ?

Mathias Vincent : Nous avions sorti un hors-série du Journal de Spirou juste après les attentats de Charlie Hebdo. Il a suscité beaucoup de réactions, notamment de la part des professeurs et des parents qui nous expliquaient pouvoir enfin entamer un dialogue avec les enfants grâce à cela. Suite à cela, nous nous sommes faits la réflexion qu’aucun support de bande dessinée n’expliquait aux enfants le monde qui les entoure.

Ce numéro spécial était une compilation de dessins, ce qui est assez différent de la formule du Groom que vous avez réalisée !

Florence Mixhel : Mais la démarche est identique ! Parents et professeurs peuvent placer le Spirou et le Groom dans les mains des enfants, car ils connaissent déjà le magazine. Ils peuvent donc plus facilement aborder le contenu, afin d’entamer une discussion sur leurs ressentis, que cela soit en classe ou en famille.

Mathias Vincent : Dans Groom, nous voulons donc bien entendu dépasser le cadre des dessins d’hommage pour prendre la peine d’expliquer des faits de sociétés aux enfants.

Pourquoi avoir créé un magazine spécial plutôt que de consacrer des pages du Journal de Spirou à ces faits d’actualité, comme cela avait pu être le cas précédemment ? Pour éviter de dénaturer l’esprit du journal ?

Florence Mixhel : L’esprit du Journal de Spirou est effectivement consacré à l’humour et au divertissement. Or nous voulions non seulement un ton différent, mais également réaliser un outil pédagogique qui puisse être utilisé dans les écoles. Il était aussi difficilement concevable d’être limité dans la place que nous allions consacrer à une actualité importante. Pour comprendre les tenants et les aboutissants d’un dossier, il fallait pouvoir donner l’espace nécessaire sans détourner Le Journal de Spirou.

Mathias Vincent : La différence de traitement entre les deux magazines est fondamentale. Prenons par exemple le numéro spécial de la fête de la Science pour Spirou, chaque auteur a pour consigne de réaliser une page humoristique sur la science. Alors que dans Groom, on désire réellement expliquer une thématique, sous tous ses angles.

Une bonne partie de l’équipe de la rédaction de Groom : (de g à d) Olivier Dossogne, Laure Bavay, Mathias Vincent, Manon Berhin et Florence Mixhel.
Pour que l’équipe soit complète, il manque le rédacteur-en-chef Damien Perez, et Julien Marlière.
Photo : Charles-Louis Detournay.

Plus que l’aspect informatif, vous avez donc renforcé l’esprit pédagogique du Groom, avec des développements, des explications, des fiches techniques ?

Florence Mixhel : Initialement, nous avons réalisé un chemin de fer de ce qu’on imaginait être les événements-clés de l’actualité de 2015. Nous avons donc quantifié l’espace que nous allions allouer en fonction de leur importance. Nous avons contacté chaque auteur en lui expliquant qu’on pensait à lui afin de réaliser autant de pages sur tel sujet. Puis, nous avons aussi laissé une carte blanche à différents auteurs, pour traiter des sujets peut-être moins médiatisés, mais qui revêtaient une importance particulière pour eux.

Mathias Vincent : Comme Wilfrid Lupano qui revenait de voyage et qui avait une idée bien précise sur ce qu’il voulait raconter.

Florence Mixhel : En imaginant que les bandes dessinées de Groom vont susciter des questions auprès des lecteurs, nous avons créé des dossiers pédagogiques au profit des instituteurs ou des professeurs afin de toucher les différentes classes d’âge. Ils sont disponibles sur le site du Groom.

Vouliez-vous maintenir l’équipe d’auteurs connus des lecteurs de Spirou ou plutôt vous en détacher ?

Florence Mixhel : Nous voulions maintenir un esprit Spirou et tout public, tout en demandant juste aux auteurs de ne pas reprendre les héros qu’ils dessinent pour le Journal de Spirou. Seul Spirou fait le lien afin de provoquer le déclic d’un cadre connu pour les lecteurs. Mais nous avons voulu nous ouvrir à des auteurs avec lesquels nous avions moins l’habitude de travailler, afin de changer le look général du journal et de nous différencier positivement de Spirou. Nous avons aussi contacté des auteurs de blogs, car les jeunes sont très sensibles à ce type de publication. Et comme l’équipe de rédaction est composée à moitié de femmes, nous avons cherché à travailler avec des auteures, en parvenant finalement à en réunir une belle proportion en regard de la répartition actuelle.

Mathias Vincent : Dès que Spirou est sur la couverture, les parents ont confiance dans l’esprit du journal et peuvent le confier sans crainte à leurs enfants. Bien entendu, il a été compliqué de traiter des sujets sensibles tels que les migrants ou Daesh tout en maintenant cette ouverture tout public. Nous n’avons donc pas voulu montrer la violence, on la comprend implicitement.

Avez-vous besoin d’un délai pour traiter d’une actualité, pour prendre du recul ?

Florence Mixhel : Tout-à-fait ! C’est d’ailleurs l’avantage d’une rétrospective, c’est d’apporter un éclairage différent, et plus global par rapport à l’actualité pure.

Mathias Vincent : Ainsi, nous n’avons pas voulu réagir à chaud sur les attentats de novembre. Nous étions trop dans le sentiment pour prendre le recul nécessaire.

Florence Mixhel : Nous n’avons pas non plus voulu faire l’impasse sur le sujet, en décidant alors d’interroger un enfant pour qu’il exprime ses sentiments. Nous voulions aussi mettre en avant de belles réalisations d’autres enfants, afin d’apporter du positif dans une année 2015 qui a été marquée par beaucoup d’événements assez tragiques.

Mathias Vincent : C’est pour cela que nous sommes revenus sur des sorties culturelles, ou de grands événements tel que le retour de Star Wars, ce qui permet de souffler entre deux sujets plus durs.

Le sujet des migrants vu à travers les dinosaures, le pari osé de Munuera !

Quand sortira le second numéro et quelle sera sa thématique ?

Florence Mixhel : Le numéro 2 de Groom est prévu pour septembre, mais ne sera pas focalisé sur une rétrospective. Nous avons choisi de traiter des réseaux sociaux, car cela touche beaucoup les jeunes, que cela soit en positif ou en négatif.

Mathias Vincent : Pour l’instant, nous avons donc prévu deux numéros par an : une rétrospective en fin d’année, et un sujet de société pour la rentrée.

Florence Mixhel : Avec pédagogie mais aussi un peu d’humour, nous voulons expliquer les événements qui se sont déroulés, afin que cela puisse également permettre de mieux comprendre les sujets à venir.

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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