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Mathieu Diez (directeur du Lyon BD Festival) : « Créations originales, spectacles vivants et performances sont les marqueurs qui identifient le Lyon BD Festival »

Par Tristan MARTINE le 14 juin 2015                      Lien  
À l’occasion du Lyon BD Festival, qui fête cette année ses dix ans d’existence, nous sommes allés interroger la cheville ouvrière du festival sur ce qui fait la particularité de cette jeune manifestation, devenue en une décennie l’un des principaux rendez-vous du neuvième art dans l’Hexagone.

Comment devient-on directeur d’un festival de bande dessinée ? Quel parcours vous a amené à exercer cette fonction ?
Ah, ah. On ne peut pas dire qu’il y ait beaucoup d’offres à Pôle Emploi. Généralement, c’est plutôt par accident, par rencontres. Dans mon cas, j’ai simplement fait partie de la bande de copains qui a monté le festival il y a dix ans. D’année en année, la croissance importante de la manifestation et de l’association a demandé l’installation d’une équipe permanente, en commençant par moi !

Comment gérez-vous le festival ? Êtes-vous entouré de nombreux salariés ou uniquement d’une équipe de bénévoles regroupés en association ?

De nombreux salariés, non, on aimerait bien ! Mais le modèle économique du festival reste extrêmement fragile et somme toute assez peu financé. Il nous permet à l’heure actuelle d’être deux permanents : Sandrine Deloffre, la coordinatrice générale qui fait un boulot du tonnerre, et moi-même.

Pour le reste tout repose sur des stagiaires qui viennent nous aider sur les mois qui précèdent le festival et sur une équipe bénévole très impliquée qui compose le bureau et le conseil d’administration du festival. Cette année, pour le weekend du festival nous accueillons plus de 110 bénévoles qui assistent à toutes les tâches nécessaires au bon déroulement des événements. Sans eux : rien !

Les différentes institutions publiques locales s’associent-elles pleinement au festival ? Fonctionnez-vous également grâce à des partenariats privés importants ?

Oui. Les collectivités locales nous soutiennent toutes, pas toujours au niveau de subvention que l’on souhaiterait, mais la période est difficile. En revanche nous pouvons compter sur leur soutien dès qu’il s’agit de nous aider sur tout le reste : logistique, communication, aides diverses. Quant aux institutions culturelles de la métropole, elles sont devenues, et c’est une des grandes forces de Lyon BD Festival, des acteurs à part entière de la manifestation.

Aujourd’hui le festival essaime sa programmation sur tout le mois de juin et à travers 40 lieux pour plus de 135 évènements. Parmi eux, les plus grands musées de la métropole : Musée des Confluences, Gadagne, Centre d’Histoire de la Résistance et de la déportation, Musée Gallo Romain, Cinémas, Théâtres. C’est véritablement un festival de bande dessinée à travers la ville et tout ce qui la compose que nous parvenons, après dix ans, à proposer au public et aux auteurs.

Mathieu Diez (directeur du Lyon BD Festival) : « Créations originales, spectacles vivants et performances sont les marqueurs qui identifient le Lyon BD Festival »

Le festival ne dure que trois jours, mais vous soutenez et organisez de très nombreuses activités sur l’ensemble de l’année, et tout particulièrement le mois de juin. Avez-vous pour ambition d’insuffler un souffle de bulles de manière pérenne sur Lyon à l’année ?

Bon, d’abord, je dois vous le dire, les jeux de mots avec bulle, c’est interdit. C’est terminé. Une charte est en train d’être rédigée par les plus grands acteurs de la profession. Il faut arrêter. Maintenant je peux vous répondre également sur le fond : oui, comme je le disais nous avons réussi à faire entrer le 9e art dans la majorité des grandes institutions culturelles lyonnaises. Elle participent à la programmation avec des projets qui sont tout sauf anecdotiques : créations originales, spectacles vivants et transdisciplinaires autour de la bande dessinée, projets intégrés à la programmation annuelle des lieux… Sur le reste de l’année cela fait un moment que Lyon BD développe des permanentes : d’une part, l’édition, avec trois albums sortis cette année : Héro(ïne)s, WebTrip : Récits et Recettes, Jibé au Musée ; d’autre part, des partenariats internationaux, création d’expos et spectacles… Aujourd’hui, Lyon BD est une plateforme de génération de projets autour de la BD en Rhône Alpes.

Y a-t-il une volonté d’attirer des têtes d’affiche (inter)nationales ou est-ce qu’associer le vivier d’auteurs locaux et s’appuyer sur les artistes de Rhône-Alpes est également important pour vous ?

Les deux, bien sûr. Le festival et l’association Lyon BD se sont construits pour, par et avec les auteurs régionaux. À ce titre, Lyon BD est à leur service et nous essayons tout au long de l’année de promouvoir le travail des auteurs locaux, des structures locales, et participons à leurs côtés à la reconnaissance de Lyon comme une ville de bande dessinée.

Dans le même temps il est bien évident qu’il est intéressant d’avoir des têtes d’affiche, locales, nationales et internationales. Ce n’est pas en opposition, à mon sens, avec les talents émergents. Au contraire : dans la plupart de nos projets nous essayons de panacher les jeunes auteurs et les grands noms, ces derniers tirant souvent les autres vers le haut du point de vue de l’attention médiatique. Sur le projet WebTrip, par exemple, c’est ce que nous avons fait avec des gens comme BGnet, Chloé Cruchaudet, Guillaume Long ou Lucie Albon, pour ne parler que des Français.

À côté des traditionnelles dédicaces, vous avez développé de très nombreuses autres activités, des expositions aux improvisations théâtrales. Cette très grande diversité est-elle l’une des particularités du festival ?

Oui, je le crois. Quand nous avons commencé il y a dix ans à la Croix Rousse, nous avons fait comme tout le monde : aligner des auteurs en dédicace. Rapidement nous nous sommes rendus compte (oui nous étions un peu naïfs au départ) qu’il y avait 400 festivals BD par an en France et qu’il nous était vital de différencier notre programmation. Constatant également que la plupart de nos confrères travaillaient beaucoup les expositions, nous sommes allés sur d’autres terrains : créations originales dans les musées, spectacle vivants, performances et projets décalés, international. Aujourd’hui ce sont ces marqueurs qui identifient Lyon BD Festival sur la scène des grands festivals de bande dessinée en France et en Europe.

Mathieu Diez, en direct sur France 3, lors de l’inauguration du Lyon BD festival au Musée des Confluences.

Cette année, le festival fête ses dix ans. Comment avez-vous pu grandir aussi vite pour passer d’un festival d’amateurs, sur une petite place à l’air libre, à une telle structure ? Imaginiez-vous il y a dix ans arriver aussi rapidement à un festival d’une ampleur nationale majeure ?

On ne peut pas dire que nous nous avions tout prévu, ce serait bien évidemment faux. Et c’est peut être parce que nous avons évolué au fil des ans et des expériences que nous ne sommes pas trop « formatés ». De fait notre direction artistique s’est forgée au fil des éditions, des rencontres, des expérimentations et surtout de l’apport constant des auteurs et de l’incroyable terrain d’exercice que nous offrait le tissu culturel lyonnais et rhônalpin.

Quelles perspectives pour les années à venir ? Envisagez-vous de développer le festival sur davantage de sites ? De l’ouvrir encore plus l’international ?
Je crois que ces dix dernières années ont correspondu à l’installation d’un modèle alternatif de festival, à l’affirmation de nos valeurs et de notre ligne artistique, et à la structuration de notre travail et de notre équipe. Tout cela fait je pense que nous abordons une période passionnante, avec beaucoup de travail à la clé, qui peut nous conduire à véritablement installer Lyon comme une capitale européenne de la bande dessinée.

(par Tristan MARTINE)

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Photo du logo : © P-A Pluquet.

 
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2 Messages :
  • Il est tout de même bien dommage que le Festival n’ait pas trop envie de s’investir davantage dans les expositions.

    Quand on voit le peu de visibilité qu’on leur accordait à l’Hôtel de Ville et leur inexistence au Palais du Commerce, deux lieux pourtant emblématiques de cette manifestation, on peut légitimement s’interroger sur la possibilité donnée aux amateurs de belles planches qui aiment contempler de près le travail des auteurs.

    In fine, on déplorera également le manque de publicité qui fut offert à la conférence de M.Philippe DELISLE, consacrée pourtant au centenaire du Grand Jijé, et qui, de ce fait, n’a pu réunir qu’un tout petit nombre de festivaliers.
    A croire que les organisateurs de LYON BD n’aient pas un penchant très affirmé pour le Patrimoine et l’un de ses représentants les plus éminents qui, outre la Bande Dessinée, aura également consacré sa vie à la Peinture et la Sculpture.

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    • Répondu par Yan le 25 juin 2015 à  10:06 :

      Je ne pense pas que ce soit lié au fait que Lyon BD NE VEUILLE PAS s’investir "d’avantage" dans les expos , Ce doit être aussi lié au fait, que les assurances pour les originaux qui sont à des prix exorbitant déjà, c’est surement plus une question de budget que de ne pas vouloir en faire plus.
      Après, les expos sur ce festival ce n’est pas ça qui manquaient non plus, j’ai eu l’occasion d’en faire quelques unes, et celle de Boulet à confluence était vraiment magnifique. De plus "l’inexistence" d’expo au palais de la bourse, comme vous dites, est aussi lié au fait que vous ne pouvez pas occuper non plus l’espace et les murs comme vous le voulez, la CCI est très stricte là dessus et que le gardiennage n’est pas donné non plus.
      Je ne suis pas au fait de tous les rouages, mais si vous vous rendiez juste un peu compte du travail annuel effectuer par l’équipe, avec le budget dont ils disposent, je pense que vous seriez un peu plus indulgent... (Étant leur voisin je suis témoin des remue-ménages quotidien).
      Le Festival est victime du nombre incroyable d’événements proposés sur tout le mois de juin. Mais je ne pense pas qu’on puisse parler de manque de publicité ou d’info et de communication, les gens choisissent c’est tout. On a un beau festival sur Lyon, il y a 10 ans nous n’avions rien, alors soulignons plutôt les aspects positifs , et laissons encore un peu de temps à Lyon BD pour voire ce qu’ils nous mignotent pour les 10 prochaines années.

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