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Mécanique de l’Angoisse - Par Fabrice Erre - Six Pieds Sous Terre

Par Beatriz Capio le 11 mars 2011                      Lien  
“Un robot géant dévaste la ville ! Le Bus ne viendra pas !” Telle est la réflexion du citoyen moyen, fuyant à toutes jambes pour sauver sa vie. Fabrice Erre tente une version satirique de Radar le Robot.

Tandis qu’un savant fou démontre la puissance de son colosse de métal à ses concitoyens en les piétinant sans remords, les potentats locaux (le maire, le chef d’état-major et son allié l’ industriel cupide) scénarisent la catastrophe afin d’en tirer profit.

Mécanique de l'Angoisse - Par Fabrice Erre - Six Pieds Sous Terre
© Fabrice Erre - Six Pieds sous Terre

Sur cette trame, l’auteur construit un récit en petites scènes isolées, multipliant les points de vue et maniant les stéréotypes avec astuce : monsieur et madame tout-le-monde, les journalistes, les assureurs, ou les bouchers sont ainsi moqués, face à l’urgence. Tantôt mesquin, tantôt arrogant, chaque personnage rencontré est l’objet d’un portrait humoristique, et souvent peu flatteur.

Indéniablement bien mené, le récit ne passionne pas vraiment dans ses enjeux. La critique est convenue, et étonnament inactuelle : jamais La Mécanique de l’Angoisse ne dépasse en pertinence ses quelques modèles franco-belges [1]. La satire est trop grossière, et les articulations scénaristiques trop mécaniques pour aspirer totalement l’attention du lecteur : L’aspect purement fonctionnel des personnages qui vont et viennent sans psychologie dynamise dans un premier temps le propos, avant de sceller, sur la durée un désengagement émotionnel total, qui dessert le propos politique de l’auteur et le divertissement du lecteur.

© Fabrice Erre - Six Pieds sous Terre

L’humour, quand il fait mouche est entravé par des gags nigauds, ou par des références conceptuelles et intellectuelles trop voyantes [2]. Fabrice Erre, qui est aussi l’auteur d’une thèse sur la presse satirique semble prisonnier de ses références, échouant à produire un discours adapté à son époque. Plus dommage, on n’imagine pas sa pochade gros-nez amuser qui que ce soit dans un futur quelconque.

(par Beatriz Capio)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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[1Les Spirou et Fantasio de Franquin, notamment.

[2les citations d’Hannah Arendt et Emil Cioran en début d’ouvrage sont certainement les arbres cachant la forêt.

 
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7 Messages :
  • Il y a une fameuse dose d’agressivité dans cet article, ça sent la bataille d’intellos.

    La citoyenne Capio, dont on ne sait rien, a envie d’en découdre avec le docteur Erre et à particulièrement soigné sa copie.

    Chère Béatriz, votre article fielleux est superbement rédigé, c’est même un modèle.
    Ne perdez pas votre talent d’écriture dans une entreprise aussi vaine que le journalisme BD. Dans ce milieu, tous les trois mois on jette les génies usagés pour en fabriquer d’autres, et puis ça ne paye pas tout ça, prenez exemple sur l’une de vos consoeurs, quand Elisabeth Lévy vocifère son avis le vendredi soir chez Franz-O.G. elle reçoit au moins 4000 euros par émission.

    "Dobritchas bogom"-c’est phonétique- comme on dit en Russe quand on prend la route et qu’on souhaite bonne chance.

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    • Répondu par Oncle Francois le 12 mars 2011 à  18:09 :

      Moi-aussi, j’aime beaucoup les articles de Mademoiselle Beatriz Capio qui vont généralement à l’inverse de ce qu’un éditeur pourrait attendre. Ceci dit, quand nous parlera t’elle d’un livre qu’elle a vraiment apprécié, et dont elle recommande l’achat ?

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      • Répondu par Beatriz Capio le 12 mars 2011 à  23:49 :

        Si vous voulez, vous trouverez des conseils de lecture ici, ou .

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        • Répondu par Oncle Francois le 13 mars 2011 à  20:37 :

          ah ça ! pour le livre Asterios Polyps, on peut dire que vous avez eu du flair ! Il a été primé plusieurs fois en France (notamment à Angougou), après avoir déjà bien récolté aux States. Félicitations pour votre bon goût, et continuez à nous amuser (je viens de relire pour le plaisir votre critique du Pilote spécial Cannes qui m’a bien amusé) : il y a trop de créateurs modernes en manque d’inspiration, de récupérateurs sans vergogne, de plagiaires éhontés, voire de pseudo-artistes au discours mal structuré. Je suis parfois stupéfait quand je lis les albums après les articles élogieux qui paraissent dans DBD ou CaseMate, à croire que je n’ai pas lu les mêmes livres que ceux encensés par les "journalistes-critiques".

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      • Répondu par ishimou le 13 mars 2011 à  08:05 :

        Ben oui c’est aussi mon avis. Je suis pour l’expertise minutieuse et la lire est toujours un plaisir, il y a juste que je ne comprends pas sa dernière rafale, je cite..."Plus dommage, on n’imagine pas sa pochade gros-nez amuser qui que ce soit dans le futur quelconque"...on a envie de lui dire, ça va c’est bon, le gars est déjà à terre depuis dix lignes et elle vient remettre un coup de pompe.
        Je crois qu’il y a un Zemmour qui sommeille en elle.

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  • "Plus dommage, on n’imagine pas sa pochade gros-nez amuser qui que ce soit dans le futur quelconque."
    Etrange phrase de conclusion en effet révélatrice d’un bon goût totalitaire, que je ne peux, et vous m’en voyez fort contrit, que contredire puisque la lecture de ce livre m’a particulièrement réjoui.

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    • Répondu par Beatriz Capio le 19 mars 2011 à  12:22 :

      Vous avez raison, la formule est totalitaire et sans doute inutilement prophétique. Votre plaisir de lecture actuel ne contredit pas cependant mon sentiment que ce livre, au delà de ses qualités et défauts, est très périssable.

      J’ai également été très imprécise, puisque par "qui que ce soit", je pensais d’abord à la grande majorité des lecteurs, c’est à dire ceux qui ne sont pas des amateurs de bande dessinée franco-belge de l’âge d’or, âgés de plus de trente ans et de sexe masculin.

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