Se présentant sous une forme classique de shônen [1] et nekketsu [2], Médaka Box narre les aventures des membres d’un conseil étudiant en lutte contre des élèves ou des projets visant à perturber ou corrompre la vie des élèves.
Pour cela Nisioisin déploie un univers classique de personnages « anormaux », « négatifs » ou « inégaux », dotés de pouvoirs et évoluant dans une ambiance hyperbolique et exagérée, dans laquelle Médaka se présente comme une héroïne « parfaite », naturellement invincible.
Pour comprendre le projet artistique de Médaka Box, et saisir qu’il ne s’agit pas simplement d’une œuvre à prendre au premier degré, rappelons le parcours de Nisioisin. Ce dernier est à la base un auteur de light novel [3], dont l’œuvre la plus fameuse, Bakemonogatari, est devenue en quelques années l’une des figures de proue de l’univers otaku actuel.
Nisioisin est connu pour son jeu sur les codes reposant sur une forme de déception, donnant rarement à ses lecteurs les moments de bravoures attendus, jouant sur les anti-climax en quelque sorte. Un parti-pris narratif risqué, mais Nisioisin démontre un vrai talent dans ce registre et ses personnages « cools », souvent conscients de leur propre cliché, assurent un vrai cachet à ses récits très « meta ».
Son travail dans le monde du manga a débuté en réalisant des light novels adaptant des titres de la Shûeisha, comme Death Note. C’est donc naturellement qu’il finit par écrire un titre pour le magazine Weekly Shônen Jump : Médaka Box, dessiné par Akira Akatsuki.
Le tome 16 de Médaka Box propose le dénouement de l’arc de la succession de Médaka. Nisioisin poursuit son troll en se jouant des motifs shônen et en passant à la trappe l’affrontement teasé dans le tome précédent, autour des trois groupes d’élèves.
Ainsi la confrontation entre Zenkichi et Médaka n’arrive finalement que dans les derniers chapitres, lors des élections anticipées du conseil étudiant. Le reste du tome se trouve consacré à des évènements « ordinaires » de la vie du conseil et du lycée : fête du sport, épreuves/jeux des cinq apprenties ou encore fête de la culture, avec une battle musicale, faisant intervenir trois idoles aux intentions anti-climax !
Cependant Nisioisin a comme toujours une idée derrière la tête. Il s’avère que tous ces chapitres de type « vie ordinaire » sont en réalité un effet du nouveau pouvoir de Zenkichi : Devil Style, dont nous laissons la surprise au lecteur mais dont la dimension meta, se jouant des codes du shônen, s’avère un vrai régal. Grâce à ce pouvoir, Zenkichi remporte les élections, et bat Médaka, à la surprise de tous, dont celle du lecteur, et la libère ainsi de son fardeau de héros parfait.
De façon surprenante, la « méchante », Anshinin, qui soutenait Zenkichi, gagne également et le projet qu’a longtemps combattu Médaka se trouve légitimé !
Le tome 17 amorce ainsi une nouvelle règle du jeu : Médaka débute une nouvelle vie, qui commence par une nouvelle coupe de cheveux ! Nous poursuivons l’idée du héros libéré de sa mission (destin), avec Médaka qui profite de sa nouvelle vie pour s’amuser et glander, comme une lycéenne ordinaire.
Cependant son destin d’héritière de la puissante famille Kurokami la rattrape. Elle doit participer à la Cérémonie Noire qui doit se faire s’affronter ses six fiancés officiels et décider qui d’entre eux elle épousera !
Médaka doit donc se battre à nouveau pour préserver sa liberté fraîchement acquise. Dans ce but, elle va se joindre l’assistance d’une sacrée équipe, composée d’anciens ennemis. Cependant sans nouvelle d’eux après plusieurs jours, le nouveau conseil étudiant, dirigé maintenant par Zenkichi, va se lancer à leur recherche, à travers le monde !
Nisioisin propose à ses lecteurs une nouvelle organisation des personnages et brise la règle d’unité du lieu (le lycée) pour ce nouvel arc. Notons qu’il renoue une nouvelle fois avec certains « tics » du light novel, avec un casting presque exclusivement féminin ! Ainsi plus la série avance, et plus Nisioisin s’approprie l’univers du Weekly Shônen Jump, pour notre plus grand plaisir.
Avec ces nouveaux tomes, et ces développements, supportés par des personnages hauts en couleur, assumant et jouant des codes du shônen, avec une tendresse et une connivence avec le lecteur de bon aloi, Médaka Box confirme son excellence et son statut de titre incontournable du moment ! [4]
(par Guillaume Boutet)
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Médaka-Box T16 & 17. Par Nisioisin (scénario) & Akira Akatsuki (dessin). Traduction Fabien Nabhan. Tonkam, collection "Shônen". Sortie le 26 novembre 2014 & le 14 janvier 2015. 192 pages & 224 pages. 6,99 euros.
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Médaka-Box sur ActuaBD :
Lire la chronique du tome 3
Lire la chronique du tome 5
[1] Shônen : désigne un type de manga ayant pour cible éditoriale les garçons adolescents.
[2] Nekketsu : signifie « sang bouillant », ce vocable désigne un type de récit au traitement exacerbé et exagéré dans ses situations et dans la manifestation des émotions.
[3] Light novel : petits romans d’aventure feuilletonnants, souvent illustrés, simple formellement, très populaires au Japon, notamment auprès du jeune public.
[4] Signalons que la série est terminée au Japon et compte en tout 22 tomes.
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