Pour le jeune Frano, cela va être un apprentissage express. Il découvre bien vite que ces jolies tours qui surplombent la ville qu’il voit de cette colline où il accompagne son copain serbe sniffant de la colle, ces fines silhouettes chantantes sont les tours de minarets musulmans.
Il sait désormais qu’il lui faut éviter le vieux pont de la ville (patrimoine mondial de l’humanité selon l’UNESCO) car un Croate n’est pas le bienvenu en ce lieu contrôlé par les Serbes de son âge. Il découvre la religion, ses clivages, ses interdits, ses impossibilités...
Pourtant, avec son double-mètre, il ne s’intéresse qu’à quelque chose qui rassemble : le sport, le basket en particulier où il apprend à enchaîner les dunks (Frano fera de la compétition plus tard). Les "warriors", pour lui, ce sont des personnages de la télévision. Il n’imagine même pas que cela puisse exister dans la réalité.
Au cœur de son récit, un trio : lui, le Croate catholique qui ne supporte pas l’odeur de l’encens, Goran son copain d’école, Serbe orthodoxe, et la ravissante Amra la musulmane. Qu’importe si Frano a des sentiments pour Amra qui lui préfère Goran : la guerre rendra leur relation impossible. La fragile concorde yougoslave éclate en même temps que le pays.
On retrouve dans Meilleurs Vœux de Mostar, l’éclatant talent de Frano Petruša, déjà aperçu dans Guerre et Match (Dargaud), qui faisait écho à son expérience de joueur de basket professionnel transposée dans le cadre de la guerre de Croatie qui éclata dans l’ex-Yougoslavie entre 1991 et 1995. L’Europe avait alors découvert, horrifiée, que la barbarie pouvait encore fleurir en son sein.
Avec son dessin "cartoon" qui lui donne presque un ton manga, régulièrement ponctué de ravissantes et profondes aquarelles, il transpose avec acuité la lente perte de l’innocence d’un enfant confronté à la guerre, ou plus simplement à la réalité.
Et c’est la gorge nouée que l’on voit ces jeunes gens s’ébattre avant la déflagration finale face à laquelle chaque être humain est égal à son voisin. Dans le Mostar que Frano retrouve après la guerre, ses amis manquent. Il dédie néanmoins cet album à ces instants d’une jeunesse enchantée "que même la guerre n’a pas réussi à détruire."
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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