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Michel Constant : "Cela ne sert à rien de freiner un chien dans un jeu de quilles"

Par Nicolas Anspach le 2 décembre 2008                      Lien  
{{Michel Constant}} continue d’explorer avec {{Jean-Luc Cornette}} le destin des habitants du Centre du Nowhere. Ils abordent ensemble, dans une saga familiale décalée et caustique, les époques charnières de l’Amérique. Le trait rond, proche de la Ligne claire, de Michel Constant se fait plus « cartoon » pour illustrer cette série singulière.

Dans Mini-trip au bout de l’enfer, les auteurs nous emmènent dans l’Amérique des années ’60. À l’heure où le Rock’n roll commence à percer, où les jeunes conscrits sont obligés de partir au Vietnam et où les jeunes femmes s’essayent à l’amour libre. Mais sans garçon, ce n’est pas forcément top ! Les scènes délirantes se succèdent les unes après les autres. On ne se formalise pas de voir pleuvoir des pizzas lors d’un concert de Rock ou de découvrir une vache mauve déambuler dans les rues. La douce folie de Cornette et de Constant est fraîche et plaisante. Michel Constant nous en parle.


Michel Constant : "Cela ne sert à rien de freiner un chien dans un jeu de quilles"

Vous avez commencé votre carrière en travaillant avec Denis Lapière sur Mauro Caldi. Vous aviez un style graphique qui se rapprochait de la Ligne claire, Néanmoins très rond…
À l’époque, j’admirais beaucoup des auteurs comme Serge Clerc ou Yves Chaland. J’ai mélangé ces influences nouvelles avec mes goûts d’enfant lorsque je lisais les œuvres de Morris, Franquin ou Roba. J’ai mis au point un style qui combinait ces influences. Mauro Caldi se déroulait dans les années ’50. Ce graphisme convenait parfaitement à ces années-là. J’avais sans doute un côté moins « graphique » qu’Yves Chaland, car mes influences de l’« École belge » ressurgissaient dans mon trait. Cette manière de dessiner est venue naturellement, par goût et par tempérament.
Je n’ai jamais eu envie de faire du réalisme. Et puis, cela n’avait aucun intérêt d’utiliser cette voie graphique Àpour les scénarios sur lesquels je travaillais.

« Mauro Caldi » avait pour cadre les courses automobiles…

Effectivement. Les années cinquante et l’Italie étaient également importantes dans cette histoire. À cette époque, je ne m’intéressais ni aux voitures, ni à la course automobile. Denis Lapière, le scénariste de cette série, m’a aidé à rassembler la documentation. Par contre, j’étais fort attiré par l’Italie. J’y voyageais beaucoup. Je pouvais partager avec les lecteurs mon goût pour ce pays, via les décors et les couleurs. Cette histoire est donc née d’un compromis. Mauro était un personnage qui bossait dans un garage, en banlieue. On était loin de Michel Vaillant !

Vous avez enchaîné ensuite sur Bitume, avec Michel Vandam au scénario…

C’était une série de one-shots, avec la route comme fil conducteur. La route et voiture pouvaient être un prétexte pour raconter des histoires humaines et sombres. Nous avons pris pour cadre plusieurs routes mythiques ou lieux de voyage. Les histoires étaient plus sérieuses. Mon style graphique est devenu plus réaliste, plus sombre, plus expressif. Mais malgré les traits plus anguleux, cela restait de la Ligne claire détournée…

À l’arrêt de cette série, vous rencontriez Jean-Luc Cornette…

Nous nous connaissions depuis longtemps. Nous étions chez le même éditeur et nous nous fréquentions en dédicace. Jean-Luc Cornette m’a proposé d’entamer une collaboration. Nous avons mélangé cette ironie que nous avions chacun en nous pour créer Red River Hotel. C’est une série à part, décalée. Une sorte de mélange entre la série télévisée Friends et Rosemary’s Baby, un film tourné par Roman Polanski.
Après trois albums aux éditions Glénat, nous avons créé Au Centre du Nowhere aux éditions du Lombard. Jean-Luc avait une idée de one-shot. Il m’en a parlé. Il était selon moi, préférable de transformer son idée en série, pour raconter une saga familiale à travers le temps, où l’on parlerait de toutes les périodes charnières des USA, tout en rigolant…

Votre dessin est un peu plus cartoon pour cette série…

Le scénario demandait cette évolution. Mais cela a été naturel. J’ai réalisé deux planches d’essai où j’illustrais une scène futile et légère… Mon dessin s’est calqué à l’ambiance du récit !

Intervenez-vous dans le scénario ?

Je donne parfois des idées à Jean-Luc Cornette. Elles ne sont pas abouties et il fait le tri pour en prendre les meilleures. Je lui donne ces petits coups de « starter » de temps en temps !

Ne devez-vous pas freiner de temps en temps votre scénariste, pour atténuer le côté décalé et déjanté du scénario ?

Non. Cela ne sert à rien de freiner un chien dans un jeu de quilles ! Une situation idiote est toujours bienvenue à un moment donné, du moment qu’elle soit traitée de manière professionnelle et drôle. Il y a plusieurs niveaux de lecture dans Au centre du Nowhere. A priori, les enfants peuvent lire cette histoire. Ils ne comprendront pas certaines allusions, mais les apprécieront quand ils seront plus grands. Jean-Luc arrive à faire passer des scènes osées avec un recul et un humour immense.

La couverture du premier album est assez choc …

J’ai recommencé de nombreuses fois la première couverture. J’en ai fait six avant de flanquer une bouteille de Whisky dans la bouche de l’âne. On était là dans le ton de la collection Troisième Degré. Pour les suivants, j’ai compris le truc. Elles me sont venues plus facilement !

Vos personnages vieillissent, finissent par mourir. Pas de regrets ?

Non. Mais certains lecteurs ont été déboussolés par ces disparitions. Ils n’ont pas le temps de s’attacher à un personnage, à un décor. Mais c’était nécessaire si nous voulions égratigner différents aspects des États-Unis selon les époques. Le dernier album, par exemple, traite de la guerre du Vietnam, des mouvements hippies ou encore de l’amour libre. Même si les personnages disparaissent, leurs fantômes accompagnent parfois leurs descendants …

Quels sont vos projets ?

Je travaille actuellement sur un one-shot pour la collection Signé des éditions du Lombard. J’assure le scénario de Rue des Chiens Marins. Trois frères, adolescents, sont enrôlés dans l’armée allemande. L’un dans la marine, où il rejoindra l’équipe d’un sous-marin. L’autre part sur le front russe, et le troisième se verra réformé car il a un pied-bot.
Ce thème m’intéressait depuis longtemps. Être adolescent n’est pas facile. Cela l’est encore moins en temps de guerre et quand on voit sa petite amie, juive partir… Ils se retrouvent au combat en se posant mille questions sur la guerre. C’est une histoire sérieuse, mais j’y ai amené un petit moyen narratif de décrisper les choses. Il y aura donc de l’humour dans cette histoire.
Cet album qui fait une soixantaine de pages porte le nom de la rue où ces trois adolescents habitent… Mon style sera plus réaliste que dans Au centre du Nowhere

L’écriture vous taraudait ?

Comme je vous le disait, je partage souvent mes envies avec mes scénaristes, que cela soit Denis Lapière ou Jean-Luc Cornette. J’ai trois ou quatre projets de scénario dans mes tiroirs. J’y travaille dès que j’ai un moment de libre.
Sinon, je vais embrayer sur une nouvelle série avec Jean-Luc Cornette. Mais il est encore un peu tôt pour vous en parler.

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Lire les chroniques de :
- Au Centre du Nowhere T1, T2 et T3
- Red River Hotel T1 et T3

Photo (c) Nicolas Anspach
Illustrations (c) Constant, Cornette & Le Lombard

 
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