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Midam : "Pour la première fois, un album de Kid Paddle est axé autour d’une thématique".

Par Nicolas Anspach le 26 octobre 2007                      Lien  
Le créateur de {Kid Paddle} a la qualité des plus grands. Exigeant envers lui-même, {{Midam}} ne veut pas décevoir son public et se donne le temps de trouver des gags pertinents, percutants et hilarants. Même si {Kid Paddle} a trouvé son rythme de croisière, l’auteur parvient à se renouveler tout en s’amusant comme en témoigne les pages parodiques sur les mangas. Le « {Retour de la Momie Qui Pue Qui Tue} » marque l’arrivée de running gag autour d’un sujet. Rencontre.

Midam : "Pour la première fois, un album de Kid Paddle est axé autour d'une thématique".Ce onzième tome, le Retour de la Momie Qui Pue Qui Tue est construit autour d’une thématique. Une première…

C’est effectivement la grande différence par rapport aux précédents albums. Chacun d’eux se clôturait par une grande illustration de Game Over. Mais je ne voulais plus aligner les gags les uns après les autres. Finalement, seules les couvertures séparaient les précédents albums. J’ai donc souhaité axer ce nouveau livre sur une thématique : un gag récurrent où Kid Paddle tente d’aller voir un film, « Le Retour de la Momie Qui Pue, Qui Tue » au cinéma. Il y a quelques gags sur ce sujet tout au long de l’album, dont un à la dernière page marquant la résolution… J’étais content de clore, pour la première fois, un chapitre.

Mais il n’arrive pas à voir le film…

C’est vrai ! Mais pour moi, cela clôture le thème de cet album. Cela me paraît étonnant de ne pas avoir travaillé dans ce sens-là plus tôt. Alors qu’aujourd’hui, cela me semble l’évidence même. Dans « Dark, J’adore », je n’ai axé aucun gag sur Star Wars. Alors que le titre de l’album fait allusion à ces films. Un comble … Cela manque. Dans le prochain album, je vais travailler de la même manière. Je sélectionnerai un sujet, réaliserai la couverture de l’album dans la foulée, puis inventerai des gags récurrents, dont un qui marquera la fin du thème.

Pourquoi ce titre, « Le Retour de la Momie qui Pue Qui Tue » ?

Il fait référence aux films de série B, voire de série Z ! Bref à tous les films qui n’ont ni queue ni tête, comme par exemple Jesse James contre Frankenstein ! Je n’invente rien : ce film existe. Quand un réalisateur n’a plus d’idée pour la suite d’une saga, il opte souvent pour un titre idiot. Je voulais accentuer ce côté ridicule, kitch et bêtement gore…

Croquis pour le T11 de {Kid Paddle}
(c) Midam & Dupuis.

Il y a très peu de sang dans Kid Paddle, malgré son aspect gore…

Il y en a encore moins dans le dessin animé car il est interdit de montrer du sang à l’écran. C’est vrai, il y a sans doute très peu de gags où j’ai dessiné du sang…

De même que vous n’êtes pas cruels avec les animaux.

La cruauté avec les animaux ne me fait pas rire ! Tout au plus, je vais m’en moquer gentiment. Je me souviens d’un gag où le petit chien de Mirador se retrouvait chez le vétérinaire. Radar, le chien, était terrorisé : une vingtaine de fléchettes ventouses étaient collées sur lui. À la dernière case, le vétérinaire rétorque à Kid Paddle qu’il ne soigne pas les hérissons…

Cela fait plusieurs années que les deux saisons de l’adaptation de Kid Paddle en dessin-animé sont diffusés dans de nombreux pays. Observez-vous que, dans ces pays-là, les ventes de la bande dessinée progressent ?

C’est une question pertinente ! D’autant plus que je me la pose régulièrement. J’ai engagé mon épouse, Araceli Cancino, pour gérer, notamment, les produits dérivés. Ce domaine fait partie de ses compétences. Nous remettons cette problématique très régulièrement sur la table lorsque nous discutons avec Média-Participations, la holding franco-belge propriétaire de Dupuis. On leur disait encore dernièrement : « Ne trouvez-vous pas illogique que Kid Paddle ne soit pas distribué en Espagne, alors que le dessin animé y est diffusé ? N’y a-t-il pas un petit marché à tenter là-bas ? ».

Les hiéroglyphes retrouvés près du tombeau de la Momie, qui pue, qui tue.
(c) Midam & Dupuis.

Vous n’avez pas répondu pas la question...

Les ventes à l’étranger sont très basses par rapport aux ventes franco-européennes. Elles touchent surtout l’Europe.

Vous m’aviez offert, pour le gag, une traduction indonésienne de Kid Paddle. A combien ce livre a-t-il été tiré ?

Comme pour tous les pays : à quelques milliers d’exemplaires, sans doute. Kid Paddle est édité dans une douzaine de pays différents.

N’y a-t-il pas un pays qui marche mieux que les autres ?

Si ! Kid Paddle cartonne au Québec … Blague à part, lorsque les éditions Dargaud ne publient pas de Lucky Luke se déroulant à la « Belle Province », Kid Paddle est numéro 1 des ventes. Je n’en suis pas peu fier, car j’adore le Québec. J’apprécie leur mentalité qui allie celle des Nord-Américains et celle des Européens.

A la limite, Kid Paddle est une bande dessinée plus difficile à placer que Game Over [1]. On pourrait envisager d’envoyer une cinquantaine d’album dans des écoles de différents pays et de guetter les réactions des élèves…

Game Over est la série rêvée pour tout éditeur ayant des ambitions sur le marché international. Encore faut-il avoir la volonté de pénétrer de nouveaux marchés et ne pas être adverse au risque. Je reviens de Las Végas, où j’ai été voir un spectacle mis en scène par Franco Dragone. Cet homme est issu de La Louvière, l’une des régions les plus pauvres de la Wallonie. Franco Dragone a réussi à l’exporter à Las Vegas. Il a cru en son talent, en son succès…

Extrait de la "Momie Qui Pue Qui Tue"
(c) Midam & Dupuis.

Revenons à ce nouvel album de Kid Paddle, Vous détournez à nouveau de vieilles gravures pour les besoins d’un gag…

Ce procédé m’amuse beaucoup, et je compte réaliser un gag par album avec des dessins issus de vieilles gravures. Cela donne une respiration au livre. Ceci dit, ce procédé est connu. Philippe Geluck l’utilise fréquemment, et Fred bien avant lui. Utiliser cette technique dans une succession de cases, pour former un gag, est un exercice plus périlleux que de le faire en illustration…

Kid Paddle fantasme sur son père, qui devient un expert en art martiaux. Vous utilisez les techniques graphiques propres aux mangas pour cette histoire…

Je l’ai fait à l’ancienne, sans utiliser de logiciel informatique. C’était fastidieux ! Je me suis rendu compte, en dessinant ce gag, que les auteurs japonais n’ont quasiment pas de travail. Les effets, qui habillent les cases, sont dessinés par leurs assistants. Cette partie du travail demande énormément de temps et d’énergie.
J’ai gardé mon style graphique, en ajoutant des fioritures (des mouvements incomplets, par exemple) et autres effets propres aux mangas. J’y ai passé le double du temps que sur un gag normal : je me suis documenté, et ai acheté quelques livres d’apprentissage consacrés aux mangas. J’ai réalisé de nombreux tests. Je voulais être certain que le résultat soit probant !
Depuis que je les ai faites, j’apprécie encore moins le manga ! Ce gag n’est pas un hommage. C’est plutôt une parodie.

Midam, dans son atelier
Photo (c) Nicolas Anspach & Midam Productions.

Est-ce vous qui avez eu l’idée qu’une partie du tirage soit imprimé en odorama ?

Oui. Nous voulions même que cet effet soit présent sur la couverture. Mais les microbilles de parfum devaient être imprimées sous le pelliculage de la couverture. Le lecteur aurait donc été obligé de la gratter, et ainsi l’abimer. Nous avons opté pour le rajout d’une page odorante supplémentaire. L’imprimeur nous a envoyé une liste d’arômes dont il disposait. Ils étaient, pour la plupart agréablement parfumés. Nous avons eu un mal fou à trouver des mauvaises odeurs (gazoil, ail, etc)…

Vous avez publié un tirage spécial de l’album pour des personnalités.

Pas exactement. Nous avons imprimé un coffret, qui a été envoyé aux journalistes. J’en ai numéroté et dédicacé une cinquantaine destinée à des personnalités. Le premier a été envoyé à Albert II, le Roi des Belges. Le second à Nicolas Sarkozy, etc. Gérard Depardieu et Albert Uderzo faisaient également partie des heureux bénéficiaires. Hergé faisait de même à chacun de ses albums. Cette démarche est une sorte d’hommage à son égard.

Avez-vous l’impression que les personnages secondaires, tels Horace ou Carole, évoluent encore ?

Non. Ils ont trouvé leur maturité. Leurs personnalités ont évolué jusqu’au sixième ou septième album. Depuis, je me calque sur leur mode de fonctionnement, à la fois logique et harmonieux. De temps en temps, je me permets de rajouter un trait de caractère, ou de leur faire faire des choses inattendues.

Vous imposez-vous un cahier des charges lorsque vous commencez un nouvel album de Kid Paddle ?

Je crée une maquette, que je remplis au fur et à mesure. Tout en sachant que chaque album de Kid Paddle doit comporter sept ou huit pages où Kid joue avec le Petit Barbare (Game Over), deux ou trois gags où Kid fantasme sur son père, une histoire réalisée avec de veilles gravures, etc.

Croquis pour le T11 de {Kid Paddle}
(c) Midam & Dupuis.

On sent que vous êtes exigeant avec vous-même lorsque vous créez …

Oui. Je me suis imposé une pression. Au début, je mettais un an pour faire un album. L’univers de Kid Paddle ressemblait alors à une page blanche. Le réservoir à gag était rempli ! Il m’est devenu plus difficile de créer de nouveaux gags. Je suis obligé me baser de plus en plus sur la psychologie des personnages, vu qu’il y a de moins en moins d’équations de situations cocasses. Heureusement, Kid Paddle a son propre monde, son propre discours.
Les premiers albums étaient réalisés en un an ! Aujourd’hui, je mets plus de temps. J’ai scénarisé et dessiné Le Retour de la Momie Qui Pue Qui Tue en deux ans et trois mois. Mais j’ai fait d’autres choses parallèlement : des albums de Game Over et surtout le scénario de Harding Was Here, la nouvelle série que je scénarise pour Adam. Le troisième tome de Game Over sortira en août 2008. Le premier tome de Harding Was Here sera probablement publié cette même année chez Quadrants…

D’autres projets ?

Oui. J’aimerais réaliser des illustrations en couleur directe pour Kid Paddle. Mais il faut que je trouve des idées pour un album thématique.

(par Nicolas Anspach)

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